DOSSIER : Les prix flambent, la vie se complique

Les foyers les plus modestes subissent de plein fouet l’inflation dans l’alimentation et l’énergie. Les sentiments qui en découlent vont de l’inquiétude à la colère. Comment contenir les prix ? Faut-il relever le salaire minimum ? Ces questions se posent encore et toujours.
Par Chloé Maingourd, Anne-Claire Pophillat et Gilles Caprais.

Vivre avec 130 000 francs

Un large sourire aux lèvres, un brin de maquillage, une tenue impeccable, Loetana Taiavale est resplendissante quand nous la rencontrons chez elle, au squat de la presqu’île océanienne à Dumbéa. Une image qui ne reflète pas forcément la réalité qu’elle nous raconte autour de la table familiale. Loetana vit dans une maison en tôle construite par son père il y a près de trente ans. Avec son mari, Viliamu, elle y a élevé leurs quatre enfants, âgés de 18 à 28 ans. Loetana s’est occupée d’eux.

Aujourd’hui, cinq personnes habitent encore sous ce toit. L’argent y est calculé au franc près. Les Taiavale vivent sur le salaire de Viliamu : 130 000 francs comme agent de sécurité pour six heures de travail par jour, cinq jours par semaine (30 heures). Les enfants donnent un peu la main. Mais la famille ne peut tout simplement pas se permettre de payer un loyer et reste donc au squat.

Minimum vital

L’eau et l’électricité sont arrivées en 2014 à la presqu’île océanienne. Finis les groupes électrogènes, les bougies et les bidons. La famille paye 4 000 francs d’eau et environ 15 000 francs de courant. La redevance de 32 000 francs du terrain pour la SEM Agglo a été revue à la baisse quand Viliamu a fait un AVC en 2017 (il touchait alors 50 000 francs de la Cafat) : elle est d’environ 7 000 francs. Niveau santé, ils bénéficient de l’aide médicale. Des bons alimentaires du centre communal d’action sociale ont aidé pendant trois ans durant la maladie. Voilà pour la base.

Le couple dépense environ 20 000 francs chaque mois pour les achats de la vie courante auxquels viennent s’ajouter les dépenses ponctuelles. Les courses se font à pied ou en taxi dans le supermarché le plus proche et, « quand c’est possible », dans un discount à Nouméa. Que peuvent-ils se permettre avec leur budget ? « L’essentiel, c’est-à-dire le riz, le sucre, le café, le lait, des cartons de poulet, un peu de jambon, des sardines, des œufs. Tous les jours, on mange la même chose », nous dit Loetana. De temps en temps, ils prennent des conserves.

Les fruits et légumes ? « Non, c’est trop cher. » Ils profitent de quelques bananes et taros du jardin. Se permettent-ils des petits plaisirs ? « Pour les fêtes, on prend quelques crevettes ou un sashimi. La famille de mon beau-fils qui vit à La Foa nous donne parfois du poisson. »

Pour le surplus, il y a les cartes de téléphone, un petit modem internet. La machine à laver a dû être remplacée. Dans ce cas de figure, quand c’est possible, le paiement s’effectue en plusieurs fois. Sinon, il faut attendre. Les déplacements sont peu nombreux. « Je vais à Nouméa pour les papiers, mais c’est rare. » Loetana observe, inquiète, que les prix augmentent. « L’huile est passée de 400 à 900 francs la grosse bouteille et même le riz, des fois il monte à 180 francs, le sucre dépasse les 100 francs, tout augmente. On a moins et plus cher. » « On entend les coups de gueule à la radio à ce sujet, ajoute-t-elle. Il faut vraiment que le gouvernement fasse quelque chose pour les petits. Ils ne pensent qu’à eux. Je ne crois pas qu’ils se rendent compte des difficultés auxquelles les gens font face. »

Espoir

Loetana ne rêve pas de la lune. Elle aimerait simplement que la famille puisse avoir un jour une voiture. Et elle espère que ses enfants pourront avoir un logement pour leur propre famille, « qu’ils fassent mieux que nous ». Loetana est confiante. Tous ses enfants ont eu le bac. L’aîné est en Métropole dans la marine. Les deux du milieu ont une activité. Le dernier est en BTS. En attendant, elle voit le positif. « Dieu nous protège, nous n’avons pas été touchés par les maladies, le Covid, la grippe. Des dames sont mortes, juste à côté. Et puis cette maison est solide. Nous n’allons plus au gymnase en cas de cyclone. Elle résiste à tout. »

Chloé Maingourd