[DOSSIER] Les auxiliaires de vie au cœur du maintien à domicile

Mulua et Rémo se voient trois fois par semaine. Elle est son auxiliaire depuis six ans. © C.M.

Garder les personnes âgées à la maison est une volonté très forte. Mais avec les changements sociétaux, l’allongement de la durée de vie et les pathologies qui y sont liées, les familles ne peuvent pas forcément s’occuper de leurs aînés. Plus de 500 auxiliaires de vie, une grande majorité de salariées œuvrant en province Sud, prennent le relais.

Il est 8 heures tapantes quand Mulua entre chez Rémo, dans un rez-de- chaussée de l’Anse-Vata. Il est déjà prêt. C’est jour de courses. Mulua est son « auxiliaire préférée » et il n’est pas rare qu’il lui offre un nem, ou un coca, boisson qu’il estime cependant être un « poison ». Les autres jours, il y a aussi Pierrette, Marguerite, etc. Mulua vient deux heures trois fois par semaine (elle s’occupe ainsi de cinq personnes). Rémo a une auxiliaire tous les jours « même le week-end ».

Pendant les courses, il faut vérifier qu’il achète les bons produits. À la maison, ses accompagnatrices s’occupent du petit ménage et « il participe aux tâches » : Rémo aime rester maître de sa maison. Elles le font aussi marcher dans le quartier et surtout l’écoute car il a besoin de parler… beaucoup ! « Il faut de la patience avec lui, et il n’est pas rare qu’on se dispute », lance Mulua. L’humour, entre eux, n’est jamais bien loin.

« TOUT SAUF LES SOINS »

Mulua est salariée de l’Âge d’or, la plus importante et plus ancienne structure privée du territoire (2008) qui emploie 70 auxiliaires de vie pour les personnes en perte d’autonomie, seniors, adultes et enfants. La province Sud recense (et autorise) désormais 18 entreprises de ce type quasiment toutes regroupées au sein de la Fédération des services à la personne.

On trouve aussi une quarantaine d’auxiliaires patentées qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations et contrôles même si conventionnées Cafat. « Dans le Sud, les besoins sont couverts », confirme Frédérique Davant, présidente de la Fédération et gérante de Danyvie. Dans le Nord, on trouve une seule structure privée et aucune dans les Îles, mais plutôt un système associatif.

Interrogée sur un secteur que l’on imagine lucratif avec une demande en plein essor, la présidente tempère. « On gagne nos vies et on rémunère nos salariés, mais on ne choisit pas cette voie si on veut devenir riche ! » La filière requiert un investissement et une logistique insoupçonnables pour quiconque n’a pas eu encore à faire à ce type de services.

« On fait tout ce qui est possible et imaginable, souligne Frédérique Davant, de la préparation et la prise repas, au passage chez le vétérinaire pour le chat, au massage, à la couture jusqu’à la sortie bowling. » Les structures gèrent aussi l’organisation du bénéficiaire, ses rendez-vous médicaux, ses déplacements par transporteurs ou ambulances, font le lien avec la famille « parfois hors territoire », les soignants à domicile, partenaires hospitaliers, organismes de tutelle et assistants sociaux.

Et il y a des tâches plus lourdes : aider les infirmiers et kinés pour les cas les plus difficiles, les changes entre deux passages infirmiers, les transferts, etc. « C’est aussi du relationnel, de la présence sécurisante, ajoute Valérie Léopold, vice-présidente de la Fédération et gérante de l’Âge d’or. On est là pour que la personne puisse continuer à faire un maximum de choses et à être en sécurité à la maison. Mais on alerte quand on estime que les conditions ne sont plus réunies, particulièrement sur les cas Alzheimer. »

Et puis il faut gérer la fin de vie. « C’est difficile quand ça arrive, concède Mulua, parce qu’on s’attache même si on essaie de garder une certaine distance. » Les sociétés doivent souvent accompagner psychologiquement les auxiliaires. Il faut par ailleurs rester vigilant à ce qu’elles soient respectées. « Il est fréquent que les bénéficiaires leur demandent plus que ce qu’elles ne doivent faire ou donner », explique Frédérique Davant, ce que confirme Mulua. Le planning de toutes ces aides requiert enfin une solide gestion pour toute l’équipe en « back-office ». Impossible en effet de manquer à l’appel.

UNE SITUATION QUI DEVIENT COMPLIQUÉE

La Fédération a été réactivée il y a trois ans pour défendre les structures et leurs salariées. Il y a deux ans, elle a demandé au gouvernement de revoir la tarification horaire payée par la Cafat dans le cadre du régime du handicap et de la dépendance*. Elle est de 2 540 francs de l’heure et n’a pas été revalorisée depuis 2015 « malgré l’augmentation du coût de la vie et huit augmentations du SMG ».

« Nos salariées se retrouvent payées à hauteur d’une femme de ménage dans une société et encore », alerte Frédérique Davant. C’est-à-dire le SMG ou un peu plus, dans les conditions que l’on vient de détailler. D’ailleurs, si ces structures reçoivent pléthore de candidatures (il existe localement quatre parcours de formation), elles peinent à concurrencer les Ehpad et même la patente.

Leur demande est à l’étude, et serait selon elles, « considérée comme légitime ». Elles soutiennent que cette tarification a eu raison de plusieurs associations et que les structures privées risquent de réduire leurs effectifs et par conséquent la qualité du service. « Le maintien à domicile est LA priorité dans la politique du bien vieillir telle qu’elle a été annoncée et on est au cœur de cela, note Valérie Léopold. Il y a un vrai besoin de revaloriser ce métier ».

*La prise en charge concerne les bénéficiaires du Plan d’accompagnement personnalisé qui doit être demandé auprès de la Commission de reconnaissance du handicap et de la dépendance (Affaires sanitaires et sociales du gouvernement). Il est attribué jusqu’à un plafond de ressources et personnalisé selon les besoins. Les tarifs des heures supplémentaires ou de « gré à gré » sont fixés par les structures.

 

Chloé Maingourd