[DOSSIER] Le FLNKS craint « une recolonisation »

Le 42e congrès du FLNKS à Dumbéa a réitéré son soutien aux responsables indépendantistes engagés dans les institutions locales face aux lourdes difficultés. (© Y.M.)

Si le FLNKS milite pour la reprise des discussions entre politiques afin d’aboutir à un accord global, le dégel du corps électoral provincial est condamné. Cette possible ouverture encourage « l’immigration » aux yeux des participants au 42e congrès, tenu samedi 23 mars à Dumbéa.

Durant la coutume, peu avant le lever du drapeau à la flèche faîtière, Roch Wamytan, micro en main, a appelé à « l’union » mais aussi à « des décisions fortes », samedi matin à Kaïmolo, Dumbéa. Les mots étaient adressés, autour de la natte, aux représentants indépendantistes des formations implantées à l’extérieur du FLNKS : le Parti travailliste, l’USTKE, le MOI ou encore la Dynamik unitaire Sud… Une demi-journée plus tard, à la nuit tombée, la première conclusion exprimée de ce 42e congrès du Front confirme « l’unité de la mouvance » avec, « en plus des quatre composantes historiques, six autres groupes politiques et syndicaux », explique Pascal Sawa, premier secrétaire général adjoint de l’Union calédonienne, parti actuellement à l’animation de la coalition. « Nous avons réussi à fédérer tout le monde. »

Pourquoi mettre en avant ce point ? Parce que les indépendantistes veulent faire bloc derrière une demande formulée aux instances parisiennes et aux dirigeants loyalistes : utiliser la méthode du dialogue et du consensus pour aboutir à un accord global « qui doit nous mener à la pleine souveraineté et à l’indépendance », appuie Dominique Fochi, secrétaire général de l’UC. Le FLNKS considère toujours la troisième consultation d’autodétermination, intervenue le 12 décembre 2021, comme illégitime, et condamne le « passage en force de l’État » avec le projet de loi constitutionnelle actuellement inscrit dans le processus d’examen parlementaire.

Pour les cadres et militants, le gouvernement central, qui avait pourtant maintenu une position neutre durant la période des accords, « n’est pas impartial » : plus encore, « par son comportement, le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer joue avec le feu et menace la paix si durement acquise », ajoute Dominique Fochi. Les quatre partis du Front ainsi que les mouvements associés demandent donc l’intervention d’une mission de médiation ou de dialogue, conduite par une personnalité de haut rang, « afin de garantir l’impartialité de l’État et favoriser la reprise des discussions ».

« DÉSÉQUILIBRE »

Cible de commentaires lors de ce 42e congrès du FLNKS à Dumbéa, le projet de loi constitutionnelle vise à dégeler le corps électoral provincial. Le dispositif proposé au Sénat et à l’Assemblée nationale entend intégrer les natifs de Nouvelle-Calédonie et les personnes, toujours inscrites sur la liste électorale générale du territoire, qui y sont domiciliées depuis au moins dix ans. Cette modification, selon l’Élysée, rendra électeurs près de 12 000 natifs et 13 000 habitants. Ce qui « déséquilibre totalement le corps électoral, estime Pascal Sawa. Nous sommes dans un processus de décolonisation encadré par des normes internationales. Le fait de rouvrir le corps électoral nous amène dans une situation de recolonisation »

Le Front estime que l’appui international est « plus que jamais nécessaire pour atteindre ses objectifs et bloquer l’État dans sa stratégie de recolonisation de Kanaky-Nouvelle-Calédonie ». (© Y.M.)

Le FLNKS exige le retrait définitif de ce projet de loi. Comment ? Par l’intervention à Paris du sénateur drehu Robert Xowie, adhérent à l’Union calédonienne. Par la sollicitation d’élus du Congrès dans le but de déposer une proposition de résolution. Ou encore par le déplacement d’une délégation du Front dans la capitale tricolore « prochainement », afin de défendre ses positions auprès de parlementaires et représentants de l’État.

Cette épineuse question du corps électoral et de la répartition des sièges au Congrès ne peut pas être extirpée des discussions sur l’avenir institutionnel, selon les indépendantistes, et s’inclut ainsi dans la recherche d’un accord global. Dès lors, « il faut laisser la chance au dialogue, laisser le temps aux discussions », soutient Pascal Sawa qui, avec ses camarades, avait avancé cette requête aux députés de la mission d’information sur l’avenir institutionnel des outre-mer et aux sénateurs de la commission des lois en visite sur le territoire en ce mois de mars. L’appel à la mobilisation de terrain est aussi lancé. « Des mouvements seront programmés prochainement parallèlement à l’avancée du projet de loi constitutionnelle dans les circuits législatifs », ajoute Dominique Fochi. Volonté d’échanges d’un côté, affichage de la fermeté de l’autre… Le FLNKS allie les techniques.

 

ÉLARGIR LE FRONT ?

La ligne est claire dans cette motion du FLNKS adoptée au terme du 42e congrès. Pour consolider l’unité du mouvement indépendantiste et mieux faire face aux enjeux politiques, sociaux et économiques, le bureau politique du Front élargi aux autres organisations « travaillera sur la mise à jour de la charte du FLNKS afin de créer les conditions à l’intégration des groupes indépendantistes et nationalistes ».

Fondée en 1984, la coalition est composée de l’Union calédonienne, du Parti de libération kanak, de l’Union progressiste en Mélanésie et du Rassemblement démocratique océanien, structure intégrée en 1998. Des formations siègent dans la périphérie du Front de libération nationale kanak et socialiste, telles que le Parti travailliste ou encore la Dynamik unitaire Sud. En septembre 2022, l’UC Daniel Goa avait proposé d’ouvrir le Front aux nationalistes et aux Églises. Le Palika et l’UPM n’y étaient pas du tout favorables, pointant la nécessité de cohérence. Surgissaient alors les sérieux désaccords entre ces deux piliers du Front d’un côté et le Parti travailliste de l’autre, le fondateur de cette dernière entité, LKU, ayant rejeté l’accord de Nouméa par le passé.

À l’image de la composition du Groupe Fer de lance mélanésien, une option, étudiée, pourrait être d’attribuer un statut de membres à part entière aux quatre composantes historiques du FLNKS, et celui de membres observateurs ou associés aux autres partis « frères ».

 

L’Union calédonienne, le Palika mais aussi la Dynamique autochtone,
la Confédération nationale des travailleurs du Pacifique… Le FLNKS et les partis associés ont désapprouvé l’examen du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral provincial. (© Y.M.)

 

Yann Mainguet