[ DOSSIER ] La violence intrafamiliale « traverse toutes les communautés »

« Le constat de la reproduction des comportements vécus dans l’enfance se retrouve dans les raisons du passage à l’acte », insiste Yves Dupas, procureur de la République. (@ G.C.)

Le tribunal correctionnel de Nouméa traite chaque année « entre 350 et 400 affaires » de violences physiques sur mineur, indique Yves Dupas. Le procureur de la République voit, toutes ethnies confondues, des familles « dépassées » et des lésions parfois « très importantes ».

♦ AU TRIBUNAL, UN NOMBRE « TRÈS IMPORTANT » D’AFFAIRES

La Nouvelle-Calédonie est un territoire particulièrement marqué par les violences intrafamiliales. Les violences conjugales, à elles seules, sont au nombre de 7 faits pour 1 000 habitants et par an, contre une moyenne nationale de 3,6 faits. Cette forte présence de la violence au sein des foyers n’épargne pas les enfants. Le tribunal correctionnel de Nouméa juge chaque année « entre 350 et 400 affaires » de violences physiques sur mineur, violences sexuelles non comprises. « C’est un volume très important », souligne Yves Dupas qui constate que « la violence intrafamiliale traverse toutes les communautés ». Le procureur de la République voit régulièrement « des familles en difficulté, dépassées dans leurs responsabilités, qui apportent une réponse inadaptée au comportement turbulent, irrespectueux ou fugueur de leur enfant ».

♦ LA LOI INTERDIT TOUTE VIOLENCE, Y COMPRIS VERBALE

Le procureur rappelle que la loi pénale interdit « tout exercice de violence sur un enfant », y compris verbale, puisque « les propos rabaissant, humiliants peuvent créer un traumatisme majeur ». La violence physique « n’a pas, elle non plus, sa place dans l’éducation d’un enfant ». Qu’elle revête une dimension individuelle ou collective, comme dans le cas de l’astiquage pratiqué en tribu, le but « prétendument éducatif » n’enlève rien au caractère condamnable.

♦ DES COUPS SOUVENT PORTÉS AU MOYEN D’UNE ARME

Une claque isolée, donnée par « un parent dépassé », ne se finit généralement pas par un procès. Des coups répétés, en revanche, peuvent être jugés au tribunal correctionnel, où défilent les affaires dans lesquelles la victime a été frappée au moyen d’une arme. « Le fil électrique revient souvent. On voit des morceaux de bois, des objets de cuisine comme des casseroles ou des couteaux », énumère Yves Dupas, insistant sur « des lésions parfois très importantes, avec des incapacités temporaires de travail de plus de huit jours ».

♦ « LE STAGE EST UN TRÈS BON OUTIL »

En 2022, la Nouvelle-Calédonie, la province Sud et le tribunal de première instance de Nouméa ont signé une convention qui a institué les stages de parentalité. « Le stage est un très bon outil de prévention de la récidive, où la personne est amenée à s’interroger sur son impulsivité, sur la relation à son enfant », considère Yves Dupas. La version « allégée », ordonnée par le parquet et dispensée par les services provinciaux, est notamment utilisée dans le cas du dispositif Mineurs en errance.

Le stage complet, mené par la DPJEJ (lire en page précédente), est une peine complémentaire prononcée par le tribunal correctionnel. Dans ce second cadre, « nous sommes sélectifs sur les formes de violence », précise le procureur de la République, qui réserve cette possibilité aux auteurs qui ont plaidé coupable et qui viennent d’être condamnés pour la première fois. « À un moment donné, les récidivistes relèvent d’une peine d’emprisonnement ferme. » Dans le cas de violences habituelles sur un mineur de moins de 15 ans commises par un ascendant (parent, oncle, tuteur…) avec une ITT de plus de huit jours, le délit relève d’une peine maximale de 10 ans de prison et de 18 millions de francs d’amende.

Gilles Caprais