Dossier : la réforme fiscale, sujet sensible

Le gouvernement prépare une vaste réforme fiscale destinée notamment à « redresser les finances publiques » et à « réduire les inégalités ». Le projet, annoncé en décembre, a soulevé une vive opposition des organisations patronales et d’élus de l’Avenir en confiance, tandis que les syndicats semblent globalement satisfaits. Une à une, les mesures seront discutées au sein d’un comité de suivi. La méthode semble convenir à toutes les parties, mais les positions peuvent-elles vraiment se rapprocher ? La question de la réduction des inégalités cristallise les divergences d’opinion.

♦ Rendement : 30 milliards

Le gouvernement Mapou envisage une vingtaine de mesures fiscales, dont 13 doivent être soumises au Congrès avant la fin de l’année. Par ordre de rendement annuel attendu : la modification des taux de la taxe générale sur la consommation ou TGC (7 milliards), la création d’une « contribution routière », sorte de vignette automobile (5 milliards), la taxation à environ 45 % des plus hauts revenus contre 40 % aujourd’hui (4,2 milliards), l’augmentation de la contribution calédonienne de solidarité (CCS) aujourd’hui fixée à 1,3 % sur les salaires (4 milliards), l’adoption d’une redevance d’extraction minière et d’une taxe sur l’export (3,6 milliards au total), la création d’une taxe sur les produits sucrés (2,6 milliards), etc.

Le tout doit rapporter 30 milliards, quand les recettes fiscales actuelles tournent autour de 180 milliards.

♦ Objectif : redresser les finances publiques…

La réforme vise d’abord à soutenir les finances publiques, dont la situation est critique. Fin 2021, la Nouvelle-Calédonie était endettée de près de 62 milliards de francs, soit 162 % de ses ressources annuelles, quand le seuil « de prudence » est fixé à 90 % par le prêteur principal, l’Agence française de développement (AFD). Et ce taux devrait encore exploser. Deux ans après le fameux prêt « Covid » de 28 milliards, l’État a donné au mois de février son accord pour un prêt de 21 milliards, qui doit permettre à la Nouvelle-Calédonie de boucler ses budgets, à commencer par celui de 2022.

Ces prêts sont accordés sous conditions. En 2020, le gouvernement Santa s’était engagé à adopter une « réforme fiscale » où figuraient de nombreuses mesures inscrites dans le plan du gouvernement Mapou : nouvelle TGC, redevance minière sur l’extraction, taxe sur les plus-values immobilières, etc. Cette année, pour obtenir le prêt de 21 milliards, l’exécutif devra encore une fois présenter un plan de réformes à l’État et à l’Agence française de développement.

♦  … et réduire les inégalités, toujours « élevées »

« Les 20 % des personnes les plus aisées perçoivent, à elles seules, près de 44 % de l’ensemble des revenus », selon l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee), contre 5 % pour les 20 % les plus modestes. L’étude, qui porte sur 2019, montre que les revenus des plus riches sont 8,4 fois supérieurs à ceux des plus pauvres. « Ce ratio témoigne d’un niveau élevé des inégalités en Nouvelle-Calédonie », observe l’Isee.

Les inégalités non monétaires persistent également. En 2009, un jeune non Kanak avait sept fois plus de chances d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur qu’un jeune Kanak, montrait une étude de l’économiste Catherine Ris.

 

Gilles Caprais (© G.C.)