[Dossier] « Il faut se lancer »

Jacob Dogo récolte les cabosses de sa vingtaine de cacaoyers, qui sont des trois variétés, Criollo, Trinitaorio et Forastero. © M. Dogo

À Poindimié, Jacob Dogo croit au potentiel du cacao sur les terres de la côte Est. Le cultivateur incite les jeunes à participer au développement de cette filière « d’avenir ».

Sur son terrain, d’anciens pieds de cacaoyers plantés par les anciens ont bravé le temps. « Nos vieux les mettaient avec le café et la vanille. » Enfant dans les années 1970 et 1980, Jacob Dogo se rappelle ces moments passés à « sucer la pulpe sucrée des cabosses ». Plus de 40 ans plus tard, le cultivateur décide de travailler les graines jusqu’à obtenir de la poudre de cacao. Le résultat le motive pour continuer. « Maintenant, j’essaie de faire du chocolat. »

Jacob Dogo commence à se former, rencontre l’expert Philippe Bastide lors de son passage il y a deux ans, suit des ateliers. Pas plus tard que mercredi 17 avril, la Chambre d’agriculture et de la pêche était chez lui à Bayes, à Poindimié. Et l’agriculteur va participer à l’opération pilote de collecte-transformation conduite par le Gapce (groupement agricole des producteurs de la côte Est) en partenariat avec Biscochoc en juin.

Une évidence pour l’homme aux mille vies, également assesseur coutumier, diacre et représentant au conseil du district, qui parie sur le cacao comme voie de développement, une filière « d’avenir ». À 55 ans, il pense aux jeunes générations qu’il essaye de mobiliser. « Jusqu’à Pouébo, on n’a pas la mine, alors je leur dis que notre richesse c’est la terre, qu’il faut se lancer. Cela permet aussi de rester chez nous, en tribu. » Et cela représente un intérêt vu la cherté de la vie. « C’est bien d’avoir nos produits et de pouvoir les transformer. »

« Montrer que ça marche »

L’activité sert également à arrondir les fins de mois. Jacob Dogo a commencé en s’occupant d’une vanilleraie, de café, de miel… « En ayant plusieurs cultures, on a toujours quelque chose à faire. Je confectionne aussi de la farine de manioc et d’igname. » Des champs dont il s’occupe avec sa femme, Madeleine. Tous deux vendent parfois sur les marchés. « On propose aussi des sirops avec des fruits de saison, des confitures, etc. » Cette expérience, le diacre veut la mettre à profit. Il estime que c’est par l’exemple que sa génération arrivera à convaincre la suivante. « Il faut que nous fassions des essais pour leur montrer que ça marche. Mais pour avoir des fèves, il faut des arbres, alors il faut déjà inciter les populations à planter. » Jacob Dogo entretient une pépinière d’environ 300 pieds.

Basée sur la même commune, l’association NKAT transmet les savoirs agricoles traditionnels. Henri Poagnide est attaché à la valorisation des cacaoyers sauvages, couplés avec d’autres productions, la solution « pour que ça fonctionne financièrement ». En cohérence avec une meilleure prise en compte de l’environnement et de la santé. « C’est une façon de maîtriser la chaîne, d’accéder à l’autosuffisance alimentaire. Avoir une bonne alimentation, c’est important. On peut par exemple faire des bâtonnets de cacao dans lequel on remplace le sucre par le miel. » Du bon et du local.

A.-C.P.

Graziella Lecren rencontre une variété très rare

Graziella Lecren possède des cacaoyers très productifs et de nombreux pieds en pépinière. © Graziella Lecren

« Le hasard » amène parfois à la découverte d’un autre monde. Un matin de l’année 2002, Graziella Lecren achète, par curiosité, deux cabosses de cacao au marché de Ducos. De retour à son domicile, et après quelques recherches, la Mont-Dorienne s’aperçoit que la variété est en fait très rare dans le monde : Criollo Porcelana, ou cacao à cabosses rouges et fèves blanches. « À partir de là, tout a commencé », se souvient la dame à la main verte. Les plants se développent, puis sont mis en terre dans un champ du sud. Le temps passe et une dizaine de cacaoyers produisent des fruits avec générosité : plus de 70 cabosses par arbre à l’année.

La préparation et la consommation du chocolat se limitent au périmètre familial, à la grande joie des petits. Jusqu’au jour où un contact est établi avec Biscochoc à Nouméa, qui réalise des tests. Selon l’étude, les fèves sont naturellement riches en beurre, au moins 55 %. Ce cacao, originaire du Pérou et très prisé, est recherché « pour son originalité et son goût unique ». Début 2023, une collaboration entre Graziella Lecren et les équipes de Biscochoc aboutit, à partir de 400 grammes de fèves de type Criollo Porcelana, à la fabrication de la première tablette de chocolat 100 % calédonien. « L’essai est très positif », se félicite la retraitée qui aime entretenir son jardin. La coopération avec l’industriel pourrait reprendre.

Y.M.