[DOSSIER] Démographique : des particularités, ou presque…

Une baisse record de la natalité est constatée d’un côté, le vieillissement de la population se poursuit de l’autre. La Nouvelle-Calédonie voit sa démographie se modifier grandement. (© Y.M.)

Les études l’indiquent : la population calédonienne évolue selon des modèles rencontrés en Métropole ou en Polynésie française. Mais des spécificités existent.

♦ UN CREUX SYSTÉMATIQUE

Particularité du territoire visible à chaque recensement depuis 1996, un creux se dessine au même endroit sur les pyramides des âges : au niveau des 15-24 ans, ce qui correspond aux jeunes, garçons ou filles, quittant le Caillou principalement pour étudier. Le solde migratoire établi entre 2014 et 2019 pour cette tranche d’âge est même négatif : – 4 600 personnes. L’émigration est plus importante que l’immigration. Les prochains recensements, de 2024 et 2029, indiqueront si la forte offre de formations à l’Université de Nouville atténue l’impact démographique.

Question importante : les chiffres détenus par l’Institut de la statistique confirment-ils un retour ensuite de ces étudiants ou Calédoniens voyageurs sur le territoire ? Oui, « mais sur une période plus étalée » dans le temps, note l’analyste à l’Isee Laeticia Gooding, « entre cinq et dix ans » après leur envol avec, probablement, une première expérience professionnelle acquise à l’extérieur du lagon.

♦ UN VIEILLISSEMENT

Selon le mode de calcul de l’Isee, une personne de 70 ans pouvait espérer vivre encore, en moyenne, 9,7 ans en 1981. Le chiffre est corrigé à 15 ans, en 2019. Un bond impressionnant qui explique l’élargissement de la tête de la pyramide des âges. Le décalage est réel entre les sexes. Pour les hommes, cette espérance de vie est passée de 8,8 à 13,4 ans. Tandis que l’indicateur bondit de 10,3 à 17 ans chez les femmes.

Si, du fait de la baisse progressive du nombre moyen d’enfants par femme, la part des moins de 15 ans se réduit, la portion des 65 ans et plus à l’inverse augmente, dans les mêmes rapports d’ailleurs : autour de 0,3 % par an ces derniers temps.

♦ LA SURMORTALITÉ CHEZ LES HOMMES

La synthèse de l’Institut de la statistique sur la féminisation de l’emploi et les mutations sociales, publiée en mars, avance une donnée méconnue. « Il naît historiquement plus de garçons que de filles sur le territoire. Toutefois, la surmortalité masculine conduit progressivement à rétablir l’équilibre démographique. À tout âge, la mortalité des hommes est plus forte que celle des femmes. Les décès par morts violentes (accidents, suicides…) sont, par ailleurs, plus fréquents chez les hommes », mentionne l’établissement. « L’équilibre bascule dès l’âge de 25 ans en faveur des femmes, puis les écarts de répartition s’accentuent avec l’âge. Au final, les femmes peuvent espérer vivre six années de plus que les hommes. Ainsi, toutes tranches d’âge confondues, les hommes et les femmes se retrouvent en nombre égal dans la population calédonienne depuis 2019. Avant cette date, il y avait toujours eu plus d’hommes que de femmes sur le territoire. »

Observée à tous les âges, cette surmortalité, autrement dit un taux de mortalité anormalement élevé, se creuse à partir de 40 ans : 3,9 décès pour 1 000 hommes, contre 1,8 pour 1 000 femmes. Et le phénomène est très marqué à 60 ans : 15,7 disparitions chez les messieurs, contre 9,2 chez les dames. Les facteurs explicatifs vont varier en fonction des tranches d’âge : addictions, hygiène de vie… Ce cas de figure est retrouvé en Polynésie française.

♦ COMME À TAHITI

À l’instar de la structure calédonienne, la pyramide des âges de la Polynésie française passe d’une forme triangulaire à un aspect rectangulaire. Sauf que son vieillissement est un peu plus avancé que celui décrit sur le Caillou. La natalité est plus faible. « En 2022, pour 100 personnes de 15 à 64 ans, il y a en moyenne 30,8 jeunes de moins de 15 ans, il y en avait 15,1 de plus en 2002 », écrit l’ISPF, l’Institut de la statistique local. Au cours des dernières années, la croissance démographique a fortement ralenti. Estimé entre les recensements de la population de 2017 et de 2022, poursuit l’établissement d’études polynésien, le solde migratoire est déficitaire d’environ 1 300 individus par an.

 


ET LES MARIAGES ?

Le nombre de mariages, déjà en baisse constante, s’établit en moyenne à 920 par an entre 2015 et 2019. En 2020 et 2021, une chute de près de moitié est enregistrée en raison des restrictions sanitaires liées à l’épidémie de Covid. Le taux de nuptialité, habituellement autour de 3 mariages pour 1 000 habitants, n’est plus que de 1,8 ‰ en 2020 et de 2,1 ‰ en 2021, selon les relevés de l’Isee. « L’âge au premier mariage a reculé, tant chez les hommes que chez les femmes. En 2020, les hommes se marient pour la première fois en moyenne à 38,4 ans, soit 1,8 an plus tard que les femmes. »

Yann Mainguet