Dominique Megraoua : « On aimerait que la campagne de vaccination s’accélère »

Créé dès l’introduction du virus sur le Caillou en mars 2020, le collectif médical Calédonie Covid-19, qui rassemble quelque 300 médecins et pharmaciens, se mobilise pour inciter les Calédoniens à parler de la vaccination à leur médecin traitant. Objectif ? Accélérer la campagne.

DNC : Quel est le rôle du collectif ?

Dominique Megraoua : Face à cette crise sanitaire, à ce nouveau virus et à ce nouveau vaccin, il y a énormément de diffusion d’informations et il fallait réussir à faire la part des choses entre les données médicales prouvées et les autres. C’est aussi un espace d’échange entre professionnels sur ce qu’il se dit et ce qu’il se passe, nous faisons une veille scientifique.

Que pensez-vous de la campagne de vaccination, est-elle efficace ?
Elle est bien faite, mais on souhaiterait que ça s’accélère un peu. Plus de 50 % des personnes à risque en Calédonie sont vaccinées. Pour nous, médecins, c’est insuffisant. Pour les autorités, c’est déjà pas si mal. L’idéal serait d’arriver à 100 % des personnes fragiles et 70 % des autres. C’est la meilleure arme pour faire face à l’épidémie.

Rencontrez-vous des difficultés sur le terrain, notamment pour atteindre des endroits moins accessibles comme les tribus ?

La difficulté est technique. Le vaccin est fragile et difficile à transporter, avec une chaîne du froid qui doit être parfaitement respectée, donc l’amener en tribu n’est pas simple. Les autorités sanitaires y travaillent depuis des mois et la première opération a eu lieu le week-end dernier, dans une tribu de Boulouparis. Ça y est, c’est enclenché, le vaccin va être apporté au plus proche des populations et l’accueil est très positif. Les coutumiers sont favorables et ont bien compris les enjeux. Ils savent qu’il est important et de leur responsabilité de promouvoir la vaccination pour protéger les populations.

Des réticences de la part d’une partie de la population persistent quant à la nécessité du vaccin. Comment les écouter et y répondre ?

Se vacciner permet de protéger les plus fragiles et de se protéger soi-même et ses proches. Aujourd’hui, on a du recul, on est à quatre milliards de doses injectées sur la planète et on a des données fiables, on sait que le Pfizer est efficace à 95 %, il est bien toléré et il reste efficace contre les variants, qui touchent surtout des personnes non vaccinées. La petite minorité d’anti-vaccins fait beaucoup de tort à cette campagne à l’international comme en Calédonie, sachant que ce moyen est encore plus efficace quand on n’est pas touché par l’épidémie. On est dans la prévention. Se vacciner avant que l’épidémie ne soit là, c’est vraiment une chance parce qu’on sait que dans les mois qui viennent on ne pourra pas échapper à l’entrée du virus.

La technique ARN inquiète toujours. En quoi consiste-t-elle ?

C’est une technique assez sophistiquée qui est connue depuis les années 1960. D’habitude, on injecte un virus atténué, c’est-à-dire tout l’ADN du virus, on expose donc la personne au matériel génétique du virus. Là, on en prend une infime partie et ce n’est même pas le matériel génétique, c’est sa pâle copie, c’est- à-dire l’ARN. Le corps se défend en fabriquant ses fameux anticorps neutralisants et ces lymphocytes T qui sont des cellules tueuses. Quand on va être exposé au virus, on ne va pas déclarer de forme grave et on ne risque pas la réanimation ni de mourir, donc c’est une véritable avancée. Et c’est ce qui permet d’avoir un taux de protection à 95 %, chose qu’on n’a jamais atteinte. Par exemple, le virus de la grippe mute sans arrêt et la vaccination ne protège qu’à moitié, c’est-à-dire 50 %, et c’est un vaccin qui est largement diffusé et utilisé.

Qu’en est-il des effets secondaires, certains estimant qu’on les passe sous silence ?

Il faut vérifier et surveiller tout ça de très près, l’efficacité, mais aussi la sécurité et c’est ce qui est fait. En termes de sécurité, les signaux d’alerte sont très faibles. De rares thromboses avec AstraZeneca, un cas sur un million, ça n’arrive jamais, il n’y a pas de médicament qui fasse courir moins de risques que cette vaccination. Le doliprane, c’est plus dangereux. Les effets secondaires existent, comme avec toutes les vaccinations, mais ils sont minimes, des douleurs au bras, quelques maux de tête, peu de réactions allergiques graves, une pour plus de 100 000 cas, et dans un cas sur un million, il y a eu une myocardite.

Ici comme ailleurs, l’ensemble des professionnels de santé ne tient pas le même discours face au vaccin, comment se passe le dialogue entre vous ?

On ne cherche pas à convaincre, mais à expliquer en toute transparence en exposant les risques, les effets secondaires et les bénéfices. Plus de 95 % des médecins et des pharmaciens font partie du collectif et sont vaccinés. C’est l’arme suprême pour faire face à l’épidémie. On n’a pas de traitement curatif, la réanimation pose problème et il y a encore des décès liés au Covid, car on ne maîtrise pas parfaitement l’infection. Il est important que les personnes qui se posent des questions prennent rendez-vous avec leur médecin, posent des questions et obtiennent des éclaircissements afin de se faire une idée et de décider de leur position. On veut susciter la discussion. Ce n’est pas sur les réseaux sociaux qu’on cherche une information de qualité.

La question du pass sanitaire obligatoire s’invite dans le débat et provoque des manifestations en Métropole et ici. Quelle position porte le collectif ?

Au nom de la liberté, une certaine frange de la population refuse la vaccination, donc les autorités politiques, et non plus sanitaires, ont deux choix : soit la rendre obligatoire – on a une responsabilité collective, car même si on ne se sent pas à risque on peut attraper la maladie et la diffuser autour de soi –, soit respecter le choix de chacun. C’est dans cet état d’esprit que les pouvoirs publics n’ont pas rendu obligatoire la vaccination, mais encouragent par des mesures politiques avec ce pass à la vaccination du plus grand nombre pour protéger l’ensemble des populations. Je pense qu’on oublie les images des corps, comme en ce moment en Tunisie, où c’est très difficile.

Propos recueillis par A.C.P.

©A.C.P.


Les prochains vaccinodromes en province Sud

Salle omnisports de Boulari le 30 juillet de 8 h 30 à 16 heures,

Université de Nouméa le 31 juillet de 8 h 30 à 17 heures,

Usine du Sud le 5 août de 9 heures à 15 heures,

Aéroport de Tontouta les 6 et 27 août de 11 heures à 19 heures, • mairie de Bourail le 11 août de 9 heures à 15 heures,

Espace Jeunes Nouméa les 12 août et 2 septembre de 8 h 30 à 16 heures, • hôtel de la province Sud à Nouméa les 19 août et 9 septembre de 15 heures à 20 h 30,

Salle des communautés du Vallon-Dore les 20 août et 10 septembre de 9 heures à 16 heures,

Mairie de l’île des Pins les 26 août et 21 septembre de 10 heures à 15 heures.