Délinquance : une double mission et de fortes attentes

Annoncée, reportée, puis confirmée par le Premier ministre lui-même, la  tant attendue mission de police nationale et gendarmerie a entamé cette semaine ses auditions en Nouvelle-Calédonie. Dernier point du relevé de conclusion du Comité des signataires du 4 février dernier, la question de la sécurité revient donc sur le devant de la scène. Il n’est que temps mais pour quels résultats ?

 

Aborder le thème de la délinquance et de son corolaire que représente le sentiment d’insécurité suscite immédiatement le débat, et pour cause. Chaque année les services de l’État (police, gendarmerie mais aussi autorités judiciaires) sont amenés à commenter les chiffres de l’exercice précédent.

2015 n’a pas dérogé à la règle et les bilans statistiques sont, comme toujours, qualifiés de « mitigés ».

On y relève, certes, que de manière globale la délinquance stagnerait avec par exemple une diminution très sensible des vols de voitures, mais une augmentation notable du nombre de cambriolages. Fait récent et inquiétant, les mineurs sont de plus en plus impliqués et représenteraient près de 60 % des cas.

Toutefois comme tous les ans, les forces de l’ordre se félicitent d’un exceptionnel taux d’élucidation qui se situerait à près de 66 % en zone de gendarmerie. Voilà pour le son de cloche officiel. Mais du côté de la population ce discours passe mal.

Il faut dire que des faits divers dramatiques, les assassinats de Daniel Monteiro et de Laurent Fels notamment, ont exacerbé un sentiment d’insécurité entretenu par la fréquence des cambriolages, des violences volontaires et des vols de voiture.

Ces derniers font d’ailleurs l’objet d’une polémique, puisque les chiffres des forces de l’ordre sont contestés non seulement par la population mais aussi, à mi-voix, par les principaux assureurs de la place.

Cette défiance vis-à-vis des statistiques officielles fleurit d’ailleurs à longueur de week-end sur les réseaux sociaux, excellents vecteurs, pour l’occasion, du scepticisme  populaire.

Diagnostic et plan d’action

Que peut-on attendre dans ces conditions de la mission conjointe diligentée par Paris ? Certainement plus un diagnostic et un plan d’action qu’une méthode pour lutter efficacement contre les causes du mal. On imagine difficilement, en effet, que les missionnaires des ministères de l’Intérieur et de la Justice ne viennent contredire les récents propos de Manuel Valls sur la question.

Or, si le Premier ministre a bien dressé le constat d’une dégradation de la situation après avoir été saisi des questions de sécurité à l’Assemblée nationale par la députée-maire de Nouméa, il a d’ores et déjà fixé le cap de l’action de l’État dans ce domaine sensible.

Il y aura donc trois priorités : les cambriolages, les violences volontaires et le trafic de stupéfiants.

Certainement également des préconisations classiques en matière de coopération et coordination des actions des différents services (police nationale,  gendarmerie,  police municipale).

La mission conjointe devrait en toute logique aussi faire des propositions en matière d’effectifs, ce qui coïnciderait d’ailleurs avec les revendications formulées ces derniers jours par les syndicats de la police nationale.

Mais en raison de fortes contraintes budgétaires, il pourrait, par exemple, s’agir avant tout de redéploiements et de repositionnements.

Dans leur rapport, les missionnaires ne devraient pas manquer non plus d’inciter les collectivités,  c’est-à-dire les communes, à poursuivre et à intensifier l’équipement de leurs quartiers et zones difficiles par des systèmes de vidéo-surveillance.

Ce qui pose, au-delà, des principes, une nouvelle fois la question des effectifs.

Enfin, il y aura inévitablement une réponse relative à la création d’un centre éducatif fermé ou semi-fermé. Un dispositif qui n’échappe pas, lui non plus, à un débat nourri entre partisans très nombreux en Nouvelle-Calédonie dans la population et donc dans la classe politique et ses détracteurs, notamment chez les professionnels et spécialistes de la prévention et de l’insertion.

Mais plus globalement, cette question de la montée de la délinquance trouve, aujourd’hui comme hier, ses racines dans deux causes majeures : l’absence de perspectives politiques acceptées par tous (contrat social)  et la crise économique.

Or, ce ne sont certainement pas les missionnaires, même s’ils font preuve de bonne volonté, qui pourront changer la donne ni apporter de solution prête à l’emploi.

 

C.V