De Notre-Dame à Saint-Joseph

Johann Vexo va entamer son concert par deux pièces de Bach, samedi soir. Au programme, également : Boëly, Lefébure-Wély, Vierne, Gigout et Alain. La soirée commencera à 19 h 30 (entrée libre avec corbeille). © A.-C.P.

C’est la troisième fois que Johann Vexo se produit en Nouvelle-Calédonie. Nouméa est inscrite à sa tournée dans le Pacifique Sud depuis 2017. Organiste pour les cathédrales Notre-Dame de Paris et de Nancy, il propose un concert ce samedi 29 avril à Saint-Joseph. Retour sur trois moments marquants de sa vie.

LE CONSERVATOIRE NATIONAL SUPÉRIEUR DE PARIS

« Quand on est organiste, c’est un passage un peu obligé si on veut un jour imaginer en faire sa profession », introduit Johann Vexo. Originaire de Nancy, le musicien intègre le conservatoire de Strasbourg après le bac. Quatre ans plus tard, il est admis à celui de Paris, d’où il sortira avec le prix d’orgue en 2003. L’institution le forme au concert, mais aussi à l’enseignement, devenu nécessaire aux organistes pour s’assurer un salaire. « Dans l’Église, la plupart sont désormais bénévoles. » Il ne le sait pas encore, mais le conservatoire lui ouvrira les portes de Notre-Dame. Johann Vexo a seulement 25 ans quand il devient organiste de chœur dans la cathédrale la plus célèbre de France. « C’était complètement inattendu et imprévu. Quand on est organiste, s’il y a un orgue qu’on a en tête, c’est évidemment celui de Notre-Dame. Cela fait rêver, mais paraît inaccessible. » Le musicien se laisse convaincre par des amis, persuadés que ce poste est fait pour lui. Il consiste, en grande partie, à jouer lors des offices. Johann Vexo a de l’expérience dans ce domaine, lui qui joue des messes dans son village depuis l’âge de 8 ans.

LA CATHÉDRALE DE NANCY

C’est à la cathédrale de Nancy, où il naît en 1978, et où résident encore ses parents, que Johann Vexo rencontre l’orgue. « J’ai un vrai attachement à cette ville et, surtout, c’est le premier que j’ai entendu. Je me rappelle, gamin, être monté à la tribune avec l’organiste pendant une messe. » Jusqu’au jour où ce dernier lui propose de jouer. Et, des années plus tard, de lui succéder. « Je lui ai proposé de partager l’instrument. Il m’a dit, “tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureux que tu me dises cela, je n’osais pas te le demander”.» Devenu titulaire, Johann Vexo décide de faire connaître cet instrument « remarquable », datant de la moitié du XVIIIe siècle et entièrement refait par le grand facteur d’orgue Aristide Cavaillé-Coll, qui a également fabriqué celui de Nouméa. L’Alsace-Lorraine accueille le musicien à un autre titre. Après avoir enseigné au conservatoire d’Angers pendant 10 ans, le Nancéen est aujourd’hui professeur à celui de Strasbourg.

L’INCENDIE À NOTRE-DAME

« On s’en rappellera jusqu’au bout. » Et pour cause. Les impressionnantes images de la cathédrale en feu ont fait le tour des télévisions du monde entier. Le lundi de la Semaine sainte, qui précède Pâques, Johann Vexo officie à la messe du soir, qui commence à 18 h 15. En plein milieu, une alarme « que personne n’avait jamais entendue » retentit « très fort dans toute la cathédrale » avec un message d’évacuation. « Le prêtre s’arrête de lire, je suis au clavier avec la chanteuse, on est un peu interdit. » À peine deux minutes plus tard, le portail central s’ouvre, les gens commencent à sortir « calmement ». Dans le doute, ils décident de faire de même. « On ne voyait rien. Pour nous, il n’y avait pas de problème. » Il laisse ses partitions sur le pupitre. Le bâtiment est alors presque entièrement vide. Libéré de ses obligations par le prêtre, Johann Vexo se prépare à rentrer chez lui. Il est peut-être 20 minutes après l’alarme. « Ça crame au-dessus, mais on ne le sait pas. Dedans, il ne se passe rien. Je sors et, sur le parvis, par réflexe, je me tourne vers la façade. Rien. » Ce n’est qu’une fois chez lui – il habite à environ un quart d’heure à pied – qu’il observe par la fenêtre de la fumée « dense, jaune ». Il ressort pour se rendre sur place. Arrivé à Châtelet, c’est la consternation.

Dans les rues, tout le monde est à l’arrêt, piétons comme automobilistes. « Le toit est entièrement en feu. Je repars, je ne peux pas regarder ça. On est hébétés, effondrés. » Johann Vexo suit le reste de la soirée à la télévision. « Je ne réalisais pas. » Et au téléphone avec ses collègues et ses amis. Les journalistes, aussi. « La BBC qui vous appelle à 20 heures, ça fait bizarre. » Le lendemain, il apprend que les partitions qu’il avait laissées sur l’orgue de chœur y sont toujours. Cette expérience lui vaut, quelques années plus tard, de figurer, dans son propre rôle, dans le film Notre-Dame brûle de Jean-Jacques Annaud. « Un souvenir heureux lié à un épisode malheureux. » Deux semaines de tournage pour « 20 secondes à l’écran ». Et une rencontre avec le réalisateur. « Il savait exactement ce qu’il voulait, j’ai trouvé ça génial d’avoir à tel point ce souci de la musique. J’ai découvert un milieu que je ne connaissais pas et des gens très sympas, c’était une super expérience. »

Anne-Claire Pophillat