De grands changements pour rationaliser les Evasan

Les évacuations sanitaires sont en train de faire peau neuve. Pragmatisme, efficacité et rapport coût / qualité entrent désormais pleinement en ligne de compte dans les choix des institutions et de la Cafat. Petit tour d’horizon des changements qui attendent les patients calédoniens évacués qui partiront pour l’Australie, la métropole et, au moins un temps, la Polynésie.

Tout le monde sait ce que c’est mais personne n’en connaît véritablement le fonctionnement. Il faut dire que les évacuations sanitaires sont rarement un bon moment, autant pour la personne médicalisée que pour ses proches. Depuis maintenant près de 40 ans, les patients calédoniens, qui ne peuvent être traités sur place, bénéficient de soins en Australie, en plus des évacuations qui se faisaient vers la métropole. Les choses sont longtemps restées en l’état en dépit des avertissements de l’association AVEC, dont la mission est d’accompagner les évasanés depuis 35 ans, sur le poids des dépenses. Longtemps ignorées, les recommandations font visiblement leur chemin. Il y a quelques années, du côté de la Direction des affaires sanitaires et sociales comme de la Cafat, une réflexion a été menée pour faire évoluer le dispositif. Elle a débouché sur l’adoption d’un arrêté du gouvernement, le 19 janvier 2016, fixant la liste « des établissements hospitaliers situés hors de Nouvelle-Calédonie et extérieurs à la métropole, autorisés à accueillir les patients calédoniens dans le cadre d’une évacuation sanitaire ».

La fin d’habitudes dispendieuses ?

Les patients ont toujours le libre choix d’aller se faire soigner là où ils veulent, en revanche, l’arrêté précise la liste des établissements pour lesquels les soins seront remboursés. Cette réflexion fait suite à l’explosion de 55 % du coût par malade des Evasan entre 2008 et 2011. Premier changement, concrétisé officiellement jeudi 31 mars, la renégociation des tarifs et conditions de prise en charge des patients en Australie. À l’origine, nos voisins nous faisaient payer le prix fort au prétexte que les Calédoniens occupaient des lits qu’auraient normalement occupés des Australiens. Mais au-delà de payer

le prix fort, le problème était que des Calédoniens étaient envoyés en Australie sans que les médecins-conseils du territoire ni les services administratifs n’aient le moindre droit de regard. Résultat, pendant de très longues années, la Dass comme la Cafat ou encore les médecins n’ont eu la maîtrise des dépenses de santé pour ces malades à qui les médecins australiens pouvaient prescrire des soins potentiellement superflus ou des hospitalisations pas forcément nécessaires. La nouvelle convention associe désormais les médecins-conseils de la Cafat au traitement des dossiers des patients calédoniens.

Cette nouvelle convention, au-delà d’apporter une économie de 200 millions de francs par an, « est une porte ouverte vers la renégociation, pointe Michel Belec, médecin-inspecteur de la Direction des affaires sanitaires et sociales. Jusqu’à présent, nous n’avions pas d’éléments clairs et chiffrés. Cela nous permettra d’avoir une bonne vision des choses ». Sur le plan des soins, la situation ne changera pas, insiste le médecin. Sur les cinq établissements privés qui accueilleront les Calédoniens, la plupart les accueillaient déjà, à quelques différences près. C’est le cas de la cardiologie qui inspirait quelques réserves aux spécialistes du territoire. Après la rencontre avec leurs homologues venus en visite, les choses se sont toutefois arrangées.

Reste un point que les autorités de santé ne pourront pas maîtriser, la variation des taux de change, qui a d’importantes répercussions sur les frais de santé. Si le dollar australien s’apprécie de 25 % par rapport au franc CFP, les coûts augmenteront d’autant. À quatre millions de francs par patient en moyenne, l’augmentation est loin d’être négligeable, d’autant plus que sur les quelque 1 681 Evasan enregistrées en 2015, 1 200 l’étaient à destination de l’Australie, le reste des patients ont été envoyés en métropole (le coût global des évasans en 2015 s’élève à 6,6 milliards de francs).

Autre changement notable, signé par les administrateurs de la Cafat le 5 avril, les Calédoniens traités par radiothérapie se rendront à partir du 16 avril en Polynésie française après s’être rendus pendant des années en Australie. Pour une estimation de quelque 200 patients, ’économie attendue est de 400 millions de francs.

La solution provisoire de Tahiti

Outre le questionnement que peut susciter une économie aussi importante pour si peu de patients (environ 200), autant du côté de la Cafat que de certains praticiens ou encore de l’association AVEC, on s’est interrogé sur la pertinence de mettre en place cette filière d’Evasan à quelques mois seulement de l’ouverture du centre de radiothérapie du Médipôle (prévue au mois de novembre). C’est essentiellement dans l’économie réalisée que réside l’intérêt de cette filière mais aussi la qualité des soins (les Australiens ne sont pas moins bons mais leur référentiel de qualité ne correspond pas aux critères français).

Seul hic, la Polynésie ne dispose pas de PetScan, une technique bien particulière d’imagerie de la médecine nucléaire. Dans certains cas, les Calédoniens devront donc se rendre en Australie pour cet examen, avant de se rendre à Tahiti pour suivre leur traitement. Un guide est en cours de réalisation pour aider les médecins à prescrire de manière plus efficiente ces PetScan.

Côté hébergement, l’hôpital de Tahiti propose une solution clef en main pour les Calédoniens. Un hébergement hospitalier est proposé en face de l’établissement. Des avantages ont également été négociés avec un hôtel plus confortable à proximité (le patient doit prendre à sa charge la différence entre l’hébergement hospitalier et la chambre), facilitant notamment la venue d’accompagnants.

Pour l’association AVEC, tous ces changements vont dans le bon sens tant qu’ils permettent de faire des économies tout en garantissant des traitements de qualité aux Calédoniens. « Les Evasan ne sont pas des vacances, insiste Bernadette Brizard-Duméry, la présidente de l’association. C’est une chance de pouvoir être soigné alors que tout est pris en charge et qu’il existe des protocoles qui n’existaient pas avant ».

M.D.

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Pourquoi deux centres de radiothérapie ?

Le fonctionnement des centres de radiothérapie est très coûteux alors pourquoi ne pas avoir mutualisé les moyens, et n’utiliser que le centre de Tahiti ? La réponse peut paraître étrange mais au-delà de la volonté de disposer de son propre centre, les Calédoniens ne croyaient tout simplement pas que le centre polynésien finirait par fonctionner normalement, hormis peut- être les administrateurs de la Cafat qui demandaient à y envoyer les Calédoniens depuis trois ans. Ouvert en 2011 et après deux années chaotiques, le centre polynésien a doucement commencé à prendre ses marques. Il a aujourd’hui trouvé son rythme de croisière et reçu toutes les certifications de l’Autorité de sûreté nucléaire. La qualité est par ailleurs reconnue et garantie. La Calédonie est donc passée à côté d’une bonne opportunité de réduire ses dépenses de santé, d’autant qu’il est envisagé une mutualisation des spécialistes qui travailleront dans les deux centres.

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AVEC les Calédoniens depuis 35 ans

AVEC, Aide volontaire aux évacués calédoniens, fête cette année son 35e anniversaire. Cette association permet à des proches de malades de les accompagner grâce aux dons des Calédoniens et à l’investissement des bénévoles. Elle assure également des visites des malades évacués afin de voir si elle peut leur venir en aide d’une manière ou d’une autre. À noter que ces visites en métropole vont s’arrêter. Jusqu’à présent Abraham Bolé s’en chargeait aux quatre coins de la France. Il part à la retraite et ne sera pas remplacé.