Dans la rue pour dénoncer l’attitude de l’État

Après les manifestations des 24 novembre et 5 décembre (photo), la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) a déclaré qu’elle ajustera ses actions en fonction de l’évolution de la situation. (© A.-C.P.)

Une partie des indépendantistes se sont mobilisés pour protester contre ce qu’ils considèrent être une remilitarisation de la Nouvelle-Calédonie. Ils critiquent plus globalement la manière de faire de l’État et ses « coups de bulldozer ». La CCAT ne veut ni de la base militaire de Sébastien Lecornu, ni du document martyr de Gérald Darmanin.

Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu ont été accueillis de la même manière par la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT). Une manifestation au départ du Mwâ Kââ, place de la Moselle, les vendredi 24 novembre et mardi 5 décembre. À l’appel des composantes de l’organisation, dont l’Union calédonienne, l’Union syndicale des travailleurs kanak et exploités (USTKE) et le Parti travailliste.

Dans la rue, environ 1 500 personnes ont défilé pour exprimer leur opposition au déplacement du ministre des Armées, « malvenu dans ce contexte » de discussions sur l’avenir institutionnel, estime Dominique Fochi, secrétaire général de l’UC. « Il vient dire aux pays de la région qu’ici c’est la France, alors qu’elle est la puissance administrante. On est sur le chemin de l’émancipation et on veut avoir une autre relation avec elle. »

Et puis, Sébastien Lecornu reste celui qui a maintenu le 3e référendum, « l’un des responsables du sabotage de la fin de l’Accord de Nouméa », rappelle André Forest, président de l’USTKE.

« LA FRANCE SE SERT DE NOTRE PAYS »

Aujourd’hui, ils reprochent au ministre des Armées de vouloir remilitariser le territoire. Les mots sont les mêmes que ceux du FLNKS. « La France se sert de notre pays comme porte-avion afin de rayonner dans la région et décliner sa stratégie Indo-Pacifique par une militarisation de la Nouvelle-Calédonie », ce qui « fait courir le risque d’une position géostratégique partisane qui peut mettre notre pays dans une situation d’insécurité ». Il s’agit d’une « lourde provocation », insiste André Forest.

Avant le départ de la marche, une gerbe pour chacun des dix indépendantistes de la tribu de Tiendanite, dont deux frères de Jean-Marie Tjibaou, tués par balle dans une embuscade au lieu-dit Wan’yaat le 5 décembre 1984, a été déposée au pied du Mwâ Kââ. (© A.-C.P.)

La priorité, ce n’est pas « les intérêts stratégiques de la France », mais bien « les discussions sur la sortie de l’Accord ». Le socle sur lequel est basée la paix depuis plus de 30 ans. Une démarche dans laquelle les indépendantistes sont engagés, mais que l’attitude « arrogante » de l’État, ajoute Dominique Fochi, semble menacer. En premier lieu concernant le corps électoral citoyen. Le gouvernement Macron y va « à coup de bulldozer », pour Christian Tein, responsable de la CCAT, qui regrette un état d’esprit différent de celui qui a prévalu au moment des accords. « Du sang a coulé, des gens sont morts, il y a eu des affrontements, on ne peut pas faire comme si de rien n’était. On n’a pas fait tout ce chemin pour ça. » Il n’est pas envisageable de remettre en cause cet « équilibre ». André Forest l’affirme, « nous nous opposerons à un passage en force de toute réforme constitutionnelle sans notre accord ».

LA CCAT SERA SUR LE TERRAIN

Les discussions ne pouvaient donc pas se poursuivre, affirme Christian Tein. « Le document martyr nous ramène 30 ans en arrière. » Il l’assimile à du « néocolonialisme ». Un changement de méthode serait le bienvenu, selon le responsable, qui prévient : « ce n’est jamais bon de pousser les gens contre un mur. À un moment donné, ils sont obligés de se retourner, de réagir ».

Les membres du CCAT demandent à l’État de « ne pas reproduire les erreurs du passé » et de poursuivre « la trajectoire de décolonisation dans laquelle est inscrite la Nouvelle-Calédonie », le principal objectif restant l’accès à la pleine souveraineté.

En conséquence, la Cellule ajustera son action « au fur et à mesure des déclarations des uns et des autres ». Ce qui est sûr, appuie Marie- Pierre Goyetche (Parti travailliste), c’est qu’à « chaque fois que l’État voudra bafouer ce qu’il s’est passé dans le pays, aura une posture de vouloir recoloniser, on sera présents sur le terrain pour dire non, ça suffit ».

Anne-Claire Pophillat