Crise sanitaire : Le prêt de l’AFD en question

Après l’examen de la situation de Vale NC, lundi, les élus du Congrès se sont penchés le lendemain sur les conditions d’information concernant le prêt de l’AFD pour prendre en charge les mesures liées à la gestion de la crise de la Covid-19. Une séance extraordinaire qui a été l’occasion de passes d’armes entre les groupes Avenir en confiance et Calédonie ensemble.

Le prêt consenti par l’AFD à la Nouvelle-Calédonie a littéralement fait exploser la dette. Elle atteint désormais près de 150 % du budget de la Nouvelle-Calédonie. La séance extraordinaire s’est tenue suite à la demande des mêmes 34 élus que pour Vale NC. L’idée était de pouvoir faire la lumière sur les négociations entre le gouvernement, l’État et l’AFD. Une séance particulièrement politique qui a vu s’opposer frontalement Thierry Santa, le président du gouvernement, et Philippe Gomès, élu Calédonie ensemble et député de la deuxième circonscription.

Les élus du groupe Calédonie ensemble ont profité de la tribune pour dénoncer le manque d’information concernant les engagements de la Nouvelle-Calédonie. Des engagements précisés dans l’annexe 6 de la convention de prêt qui détaille les mesures envisagées pour assurer le remboursement du prêt de 28,6 milliards de francs. On y retrouve les pistes d’économies à faire et les projets de recettes nouvelles ou d’augmentation du rendement de certaines taxes et impôts existants.

Une vision des choses pas partagée par Thierry Santa qui a rappelé, à de nombreuses reprises, que ces engagements n’ont rien de contraignant et que seul le Congrès dispose du pouvoir de décider de la création d’impôts nouveaux. En dehors de ces questions de compétences, la séance a tourné au réquisitoire et au procès d’intention concernant l’information des élus et le montant du taux jugé « usuraire », personne ne remettant par ailleurs en cause le bien-fondé du prêt qui a permis à la Nouvelle-Calédonie d’assurer le financement des différents dispositifs mis en place dans le cadre de la crise liée à la Covid-19.

Débat politicien

Comme cela avait été indiqué par l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, il existe une possibilité de transformer le prêt en subvention. Une option qui arrangerait les collectivités calédoniennes et allègerait considérablement la charge à rembourser qui représenterait près de 1,4 milliard de francs par an à compter du budget de l’année 2022. Le président a expliqué avoir pris l’attache de son homologue polynésien, Édouard Fritch, pour aller négocier la transformation des deux prêts en subventions auprès du nouveau Premier ministre Jean Castex.

Le débat a ensuite glissé sur la relance de l’économie et la capacité du territoire à la financer. Comme l’a rappelé Thierry Santa, fin 2019, les comptes sociaux affichaient un déficit de l’ordre de 12 milliards de francs. Un déficit que le gouvernement prévoit de couvrir par des économies de l’ordre de deux milliards de francs et dix milliards de recettes nouvelles. Si les comptes sociaux vont nécessiter des efforts budgétaires particulièrement importants, le fonctionnement des collectivités de manière générale demandera également un travail sur la fiscalité.

La réforme fiscale en ligne de mire

C’est tout l’objet de la future loi de programmation fiscale, qui a pour objectif de planifier l’évolution de la fiscalité calédonienne sur plusieurs années afin de donner une plus grande visibilité aux entreprises et aux investisseurs. Mais une chose est acquise, de nouveaux impôts et taxes devront être créés et le rendement de ceux existants revus à la hausse, ce qui est tout particulièrement le cas de la TGC dont le projet de réforme devrait prochainement être présenté. Tout l’enjeu sera de savoir comment financer un plan de relance dans un contexte budgétaire aussi contraint.

Si la Calédonie et la Polynésie projettent de négocier ensemble la transformation du prêt en subvention, leur situation sont bien différentes. Le Fenua étant parvenu à financer ses mesures pour amortir les conséquences de la crise de la Covid avec ses ressources propres. La Polynésie, qui a récemment présenté son plan de relance, utilisera son prêt de 28 milliards pour dynamiser son économie. Le territoire se trouve dans une situation délicate, la quasi-totalité des crédits ayant déjà été fléchés.

En lieu et place d’un plan de relance, les Calédoniens risquent donc de se retrouver avec une augmentation de la pression fiscale, ce qui présente quelques risques dans le cadre d’une relance de la consommation. La plupart des économistes dans le monde le soulignent, la crise que traverse le monde nécessite aussi bien un soutien aux entreprises en matière de liquidités qu’aux populations pour soutenir le pouvoir d’achat. Soutenir la consommation tout en augmentant la pression fiscale sera difficilement conciliable. D’autant que le gouvernement, avant même les recettes nouvelles, envisage une hausse du rendement de la TGC. Une taxe qui frappe proportionnellement davantage les moins aisés qui consomment l’intégralité de leurs revenus, comme l’a fait valoir Jacques Lalié. Les débats sur la réforme fiscale à venir promettent d’être animés.


Examen du budget supplémentaire

Après avoir été renvoyé par le dépôt d’une motion préjudicielle, le budget supplémentaire (BS) a pu être examiné par les conseillers de la Nouvelle-Calédonie, mercredi et jeudi. Un budget un peu particulier marqué par la crise de la covid et intégrant le prêt de l’AFD garanti par l’État. Le BS permet d’affecter ces ressources à raison de 24,8 milliards de francs pour les mesures liées au covid qui comprennent les réquisitions des avions et des hôtels (4 milliards de francs), les dépenses de quatorzaines (2,5 milliards), le chômage partiel (5 milliards), les subventions à l’Agence sanitaire et sociale pour les reports de cotisation sociale (3 milliards), les reports et pertes de recettes fiscales (7,6 milliards de francs).

Cinq cent millions de francs seront également alloués à la constitution d’un stock stratégique de matériel pour faire face en cas d’introduction de la covid. À noter également que le gouvernement a provisionné 1,5 milliard de francs au cas où il ferait appel à sa garantie d’emprunt pour le remboursement des prêts d’Aircalin pour le renouvellement de sa flotte. Au cas où Aircalin ne serait pas en mesure de rembourser, la Calédonie devra en assumer la charge.

Les BS provisionne également 1,8 milliard de francs pour des risques de non remboursement de trop perçus, en particulier celui de la province des Îles qui refuse de rembourser pour un montant légèrement supérieur à un milliard de francs, et des risques de litiges qui se multiplient.

M.D.

©C.M./DNC