Crise nickel : création d’un chômage spécifique

« La situation est difficile, il ne faut pas la minimiser », insiste Louis Mapou. À sa droite, Sophie Garcia, secrétaire générale adjointe du gouvernement. (© A.-C.P.)

Le président du gouvernement a présenté, aux côtés des directions impliquées dans la cellule d’accompagnement de la filière nickel, un dispositif qui doit permettre « de répondre au plus urgent ».

Louis Mapou l’a reconnu, « on a plutôt travaillé en sourdine depuis le début de la crise ». Mais, plus d’un mois après la mise en place de la cellule de suivi et de soutien de la filière nickel, le président du gouvernement a fait un point d’étape, mercredi 6 mars, annonçant la mise en place d’un dispositif d’urgence, dont la principale mesure est la création d’un chômage partiel spécifique, destiné aux entreprises directement affectées par les tensions que connaît le secteur.

Plus de 300 salariés sont déjà touchés dans le Nord, leur activité ayant été suspendue, selon le comité de pilotage (Copil), sur les 15 700 employés par les 576 sous-traitants recensés – dont 64 pour KNS. À l’instar de ce qui avait été mis en place pendant le Covid, les modalités de rémunération sont plus généreuses que celle du chômage partiel classique, pouvant aller jusqu’à 70 % de 2,5 SMG (soit 289 000 francs). Les employés au SMG et les alternants conservent eux 100 % de leurs revenus.

UN FINANCEMENT PAS ENCORE ASSURÉ

L’allocation serait attribuée pour une période de trois mois renouvelable « dans la limite des crédits disponibles ». C’est là que le bât blesse. Son financement n’est pas encore finalisé. D’après les estimations, il en coûterait environ un milliard de francs, explique Philippe Martin, directeur du Travail et de l’Emploi. « Sur les 2 600 salariés de la sous-traitance dont le chiffre d’affaires est affecté à plus de 50 % par la crise, on pense qu’environ 915 seraient directement concernés, à raison d’environ un million par personne. » Et la fourchette haute monte jusqu’à 2 milliards de francs. « On n’a pas tous les crédits, on attend le budget supplémentaire en mai », complète Louis Mapou. Le projet de délibération, adopté à l’unanimité en séance du gouvernement, doit maintenant être soumis au Congrès.

Le chômage partiel classique souffre lui aussi. La Cafat a déboursé 50 millions de francs en 2023, mais déjà plus de 100 millions en seulement deux mois, depuis le début de l’année. Il reste 18 millions sur le compte, qui doit être abondé. « On sollicite le transfert de 200 millions du régime chômage, doté de 700 millions, et une enveloppe de 140 millions auprès de l’Agence sanitaire et sociale », développe Sophie Garcia, secrétaire générale adjointe du gouvernement.

ÉCHELONNEMENT DES DETTES FISCALES

Par ailleurs, un travail est mené sur la formation et la reconversion vers d’autres activités pour les patentés et les salariés. « La Chambre de métiers et de l’artisanat a un fonds dédié doté de 15 millions de francs pour les indépendants, le FIAF (Fonds interprofessionnel d’assurance formation) compte piloter un plan de relance d’environ 50 millions de francs, et le gouvernement pense réorienter quelques dizaines de millions », liste Philippe Martin.

Parmi les dispositions prévues, le report ou l’étalement des dettes fiscales, dont bénéficient les opérateurs miniers. « Des efforts ont été faits, on leur accorde des reports de paiement », souligne Mickaël Jamet, directeur des Services fiscaux.

D’autres assouplissements sont discutés : l’instauration d’un échéancier des paiements des charges sociales à la Cafat, des loyers auprès des bailleurs sociaux et des crédits auprès des banques, ainsi qu’un accès facilité pour les entreprises à des découverts. Et une démarche doit être lancée pour solliciter l’appui de l’État pour des PGE (prêts garantis par l’État) de crise.

Enfin, les commandes publiques prévues par les collectivités jusqu’en 2026 ont été répertoriées. Elles s’élèveraient à 46 milliards de francs, dont 26 milliards en 2024. Une simplification des marchés publics doit également être examinée afin de donner la possibilité aux petites structures d’y accéder. Toutes ces informations sont rassemblées sur le site internet gouv.nc.

 

« NEUTRALITÉ »

Si Louis Mapou ne les a pas mentionnées, les conférences de presse des quatre membres loyalistes du gouvernement proposant des mesures face à la crise économique, lundi 26 février et, dansla foulée, celle d’Agissons Solidaires mardi 27 février, demandant la mise en place rapide d’actions, ne sont sans doute pas étrangères à la prise de parole du président du gouvernement. Louis Mapou souhaite ainsi que la cellule de suivi de la filière nickel traite l’ensemble des doléances du monde économique, « afin d’éviter les télescopages et une forme d’instrumentalisation. On veut garder une certaine neutralité dans le traitement du dossier et dans la manière de communiquer ». Le Copil va d’ailleurs s’élargir et accueillir, en plus des trois provinces, des deux associations des maires et de l’État, le Congrès, le Cese et le Sénat coutumier à partir de la semaine prochaine.

 

 

LE PACTE NICKEL SIGNÉ LE 25 MARS ?

Louis Mapou l’a confirmé. C’est bien lui qui a demandé à Bruno Le Maire de reporter la date de la signature du document prévue le 27 février au 25 mars. Le président du gouvernement a déclaré que la SLN et PRNC étaient prêtes à signer, mais pas KNS, qui « a réservé très fortement sa participation ». « La province Sud a dit oui, la province Nord a dit non. » Et le gouvernement ? Mystère. La dernière version du pacte doit être à l’ordre du jour de la séance du 20 mars. « Les plus gros engagements concernent la Nouvelle-Calédonie. » Il faudra ensuite que le Congrès se réunisse rapidement afin de se prononcer sur le texte, qui prévoit la modification du code minier et plusieurs milliards de francs d’investissement sur la partie énergie.

 

Anne-Claire Pophillat