Covid : vaccin, le temps du désamour ?

La moindre dangerosité d’Omicron semble diminuer l’empressement à la vaccination. À l’immunité « artificielle », certains préfèrent développer une immunité « naturelle », quitte à attraper le virus volontairement, ce qui inquiète les autorités sanitaires.

« Quand je leur dis qu’ils n’ont pas le Covid, beaucoup sont déçus. Et quand ils sont positifs, ils se réjouissent, ils sont contents d’être tranquilles pour quatre mois. » À la pharmacie de la Victoire à Nouméa, Xavier Chauvin ressent ces dernières semaines un certain désintérêt pour le vaccin, même chez des personnes qui avaient accepté les deux premières injections sans rechigner. « On sait qu’Omicron est moins dangereux, qu’il n’y a pratiquement plus de morts au Médipôle et on sait que tout le monde finira par l’attraper. Donc les gens ont moins peur, ce n’est pas surprenant. » Le pharmacien constate dans son centre de test une préférence de plus en plus marquée pour le fait de développer une « immunité naturelle » en attrapant le virus, plutôt qu’une « immunité artificielle » via le vaccin. Quitte à forcer le destin.

« Je prends le risque »

Étienne*, employé dans le secteur des espaces verts, fait tout ce qu’il peut pour attraper le virus. Il côtoie volontairement des amis testés positifs, il boit dans les mêmes bouteilles. « On est nombreux à faire ça. Moi, je préfère développer une immunité naturelle. » Le risque de développer une forme grave ? « Je ne suis pas inquiet. Ça peut toujours arriver, mais je prends le risque », dit celui qui place de grands espoirs dans la possible levée des mesures sanitaires.

Sa compagne, Lara*, infirmière au Médipôle, essaie elle aussi d’attraper Omicron. « J’ai reçu ma troisième dose il y a sept mois. Des collègues me mettent la pression pour que j’aille faire une autre dose de rappel, en me disant que c’est mieux pour les patients. On me fait culpabiliser. Mais je n’irai pas, ça suffit. Je préfère attraper le virus. »

« On ne sait pas à quoi on s’expose »

La Direction des affaires sanitaires et sociales (Dass), au courant de cette tendance, constate que « certains tardent à faire leur troisième dose » et ne s’en réjouit pas. « Oui, Omicron est moins méchant que Delta, mais surtout pour les personnes vaccinées. Il a tout de même causé au moins six morts en Calédonie », souligne Anne Pfannstiel, médecin responsable de la campagne de vaccination.

Le Covid long avec ses séquelles est toujours un risque, insiste- t-elle. « Essayer de l’attraper, c’est prendre un risque inutilement. Avec ce virus, on ne sait jamais vraiment à quoi on s’expose. Je pense qu’il est bien sage de continuer à se faire vacciner en temps et en heure », y compris pour des raisons autres que sanitaires. « Pour voyager en Australie, en Nouvelle-Zélande ou dans certains pays d’Europe, il faudra très certainement être vacciné pendant encore un moment. Rien ne dit que ces pays feront sauter le pass sanitaire. »

Ces questions de voyage ont peu d’importance pour Loïc, habitant de Nouméa. Testé positif la semaine dernière, il disposera enfin d’un pass sanitaire, lui qui n’est pas vacciné, et c’est tout ce qui compte à ses yeux. « Je vais pouvoir aller au restaurant pendant quatre mois, c’est bon. »

*Pour préserver l’anonymat, les prénoms ont été changés.

 


L’obligation vaccinale abrogée ?

Le haut-commissaire, Patrice Faure, a confirmé qu’une demande avait été formulée à l’État pour modifier le décret encadrant les arrivées sur le territoire. Une annonce sur la levée de la septaine est attendue en fin de semaine ou en début de semaine prochaine.

L’obligation vaccinale, qui prévoit normalement des sanctions à compter du 28 février, est également remise en cause. La commission permanente du Congrès devait se prononcer ce jeudi 24 février sur les amendements prévoyant une levée de cette obligation. Amendements ayant obtenu une majorité favorable en commission plénière mardi. Si cette obligation vaccinale venait à être abrogée, elle pourrait potentiellement impliquer la fin de l’obligation vaccinale à l’entrée du territoire, qui avait été prise pour pouvoir l’appliquer localement.

Dans un communiqué envoyé mercredi, Les Républicains Calédoniens défendent cette position. Ils considèrent, au vu de l’évolution de la crise sanitaire, qu’il est envisageable d’assouplir les restrictions en vigueur à partir du lundi 28 février : rendre le port du masque optionnel à l’extérieur, suspendre les jauges dans les établissements avec pass ou sans pass sanitaire et pour les compétitions sportives avec pass, et suspendre le pass pour les services à la personne. Le groupe, présidé par Sonia Backès, estime qu’une seconde phase pourrait intervenir dès le 15 mars, avec la suspension du pass. « Nous avons toujours indiqué que cette mesure était transitoire, le temps d’une amélioration », précise le communiqué. (C.M., A.-C.P.)

 

Gilles Caprais (© G.C.)