Comment mieux accompagner la jeunesse ?

Une jeunesse calédonienne épanouie, plurielle, fière et insérée… Voilà l’idéal que visent les acteurs du territoire impliqués ces dernières semaines dans les États généraux de la jeunesse du gouvernement. Les consultations aboutiront à un plan jeunesse, présenté au Congrès avant la fin de l’année.

Dans la droite lignée de la déclaration de politique générale du 22 décembre 2017 qui plaçait la jeunesse parmi les priorités du gouvernement, ce secteur de l’exécutif piloté par Valentine Eurisouké, entourée de la Direction de la jeunesse et des sports (DJS), a conduit depuis le mois de mai les États généraux de la jeunesse. Des ateliers thématiques et décentralisés se sont tenus dans 10 communes du territoire (Nouméa, Dumbéa, La Foa, Poya, Koné, Kaala-Gomen, Ponérihouen, Maré, Lifou et Ouvéa). Ils ont rassemblé quelque 350 participants, représentants institutionnels, coutumiers, religieux, associatif, jeunes et parents. Des personnes ressources, généralement, avec lesquelles s’est engagée une réflexion sur les questions d’éducation, de formation, d’insertion et d’engagement des jeunes, sur la base de travaux ou de diagnostics existants (Cese, Sénat coutumier, État…).

Les constats et pistes d’amélioration formulés lors de ces ateliers ont ensuite fait l’objet de réflexions plus abouties pour le futur plan lors de la grand-messe du 18 août à Poé, organisée à l’occasion de la Journée internationale de la jeunesse et suivie par 250 personnes. La phase de synthèse de ces États généraux est depuis engagée. Un pré-projet devrait être identifié courant septembre, avant de suivre le traditionnel parcours institutionnel (gouvernement, Cese, Congrès). L’idée étant d’arriver à des actions concrètes pour 2019.

Un Conseil des jeunes de Nouvelle-Calédonie ?

Plusieurs enseignements se dégagent dores et déjà de ces échanges, nous explique Christophe Chalier, référent pour les États généraux et le plan jeunesse à la Direction de la jeunesse et des sports. Au niveau stratégique d’abord, l’ensemble des acteurs s’accorde pour dire que les politiques publiques en matière de jeunesse, les dispositifs en place, ne sont pas connus… par les premiers concernés. Ensuite, les structures existantes ne communiquent pas bien entre elles, il y a peu de partage sur les pratiques. En clair, il existe en Nouvelle-Calédonie de nombreux leviers pour la jeunesse, des structures et un tissu associatif très important, mais ce monde n’est pas coordonné. Il manque des espaces de convergence, une vision pluridisciplinaire. L’idée du gouvernement est d’imaginer une sorte de partenariat d’initiatives, d’insuffler une synergie entre les actions des forces vives, associatives et publiques, « sans se substituer à tous ces acteurs ». Il s’agirait également d’apporter de la lisibilité à l’action collective en faveur des jeunes, peut-être à l’aide un site internet.

Toujours au niveau structurel, la piste de la création d’un Conseil des jeunes de la Nouvelle-Calédonie s’est également dégagée. Ce serait l’un des outils pour répondre aux besoins exprimés de créer des espaces où les jeunes de l’ensemble du territoire puissent se retrouver. Il faudra auparavant se pencher sur la question de la représentativité et sur ses prérogatives. Il a par exemple été proposé que ce Conseil puisse se positionner sur les questions environnementales, de développement durable, de prévention, ou de droits de l’enfant.

Sur le fond maintenant, il ressort une nécessité de traiter les questions de parentalité, de réussite sociale, d’exemplarité, de faire évoluer le rapport de nos jeunes au monde et à l’interculturalité. Des changements de mentalité qui ne s’opéreront pas immédiatement, mais sur lesquels les forces vives du pays et des experts pourraient se pencher.

Sur l’exemplarité, certains participants ont suggéré que l’on pourrait mieux valoriser notamment dans les médias ou les réseaux sociaux, les parents, les « grands frères », les jeunes eux-mêmes qui se dépassent. La mise en place de récompenses dédiées à la jeunesse comme des médailles du mérite ont été avancées. « Beaucoup d’idées relèvent du bon sens, mais ce n’est pas ce qui est forcément appliqué au quotidien », relève Christophe Challier.

Pragmatisme

Sondé à ce propos, le référent insiste sur le fait que le plan jeunesse ne sera pas une série de grandes déclarations d’intention, mais bien un plan d’action, de « leviers sur lesquels on est sûr d’agir » et sur lesquels « la crédibilité du gouvernement va se mesurer ». Le document se basera à la fois sur les priorités dégagées par les États généraux et sur les rapports et recommandations existants. Il ressemblera a priori dans la forme au plan Do Kamo avec un préambule qui présentera les orientations fondamentales, puis des démarches à mettre en œuvre à court, moyen et long terme.

Les orientations fondamentales sont déjà dessinées : valoriser la jeunesse dans le projet de société, (« la considérer comme une ressource pour la Nouvelle-Calédonie et pas une source d’insécurité permanente ») ; permettre à chacun d’être acteur de son parcours de vie (c’est-à-dire « de voir la jeunesse comme une phase de transition entre l’enfance et l’âge adulte lors de laquelle on acquiert son indépendance, sa faculté de s’insérer socialement et professionnellement ») et enfin, favoriser le sentiment d’appartenance à une même société.

« L’épanouissement, conclut Christophe Challier, peut s’exprimer de bien des manières. Mais l’objectif est d’avoir un maximum de jeunes bien dans leurs baskets, d’accompagner ceux qui en ont le plus besoin, de valoriser ceux qui peuvent représenter un exemple, de mener tout ce monde vers l’autonomie, le travail, le monde adulte dans les meilleures dispositions possibles. »


Le Comité jeunesse sur le terrain

Piloté depuis 2017 par le très actif Warren Naxue, le Comité jeunesse de la Nouvelle-Calédonie n’est pas étranger à cette dynamique actuelle ni à la méthodologie appliquée.

Sur le terrain, en effet, ce comité, initié selon le souhait du gouvernement en 2015, effectue à son niveau un travail de fourmi, dans l’ombre, pour recenser les interlocuteurs de la jeunesse sur le territoire (associations culturelles, sportives, éducateurs, animateurs, structures…), et construire un répertoire, un réseau de contacts, travail qui n’a jamais été effectué par les pouvoirs publics. Une tournée des communes est actuellement en cours : le comité s’est déjà rendu à Ouvéa, Thio, Païta… Partout, des questionnaires sont remis pour connaître les besoins, les freins, les atouts existants. Le répertoire et les questionnaires permettront, une fois achevé de fournir une base de documentation essentielle aux projets de ce comité qui se positionne comme un « trait d’union » entre la société civile et les institutions, un acteur transversal neutre pour faire aussi le lien entre les mouvances provinciales. Dans sa méthodologie, qui « porte ses fruits », le comité insiste sur l’importance de faire de la société civile l’acteur prioritaire des changements à venir, tout en travaillant avec les institutions, les pouvoirs coutumiers ou religieux.

Au niveau des remontées de terrain, Warren Naxue fait effectivement état d’une certaine amertume des acteurs sur le manque d’accompagnement et de structuration du secteur, l’absence de partage, de lien entre les institutions et le privé. Mais il observe que « l’envie de faire » est importante.
Le comité travaille également sur l’organisation de toutes ces énergies, et à la mutualisation des moyens. Pour les acteurs, le manque de vulgarisation des informations est également un problème.
En ce qui concerne plus directement les jeunes, il est important, selon l’association, de prendre en compte les aspirations sur différentes échelles. « La jeunesse n’est pas la même partout, les envies sont différentes d’une commune à une autre, mais tous ont besoin de formation, d’emploi, d’interculturalité », souligne Warren Naxue.

Parmi les exigences primordiales, selon lui, l’accès aux activités, à la culture, l’apprentissage de la rigueur, de la concurrence, la nécessité de sortir d’une dimension « seulement archipélagique ». Il faut, par ailleurs, que les jeunes puissent s’approprier les espaces qui leurs sont dédiés, et, pour ce faire, davantage les écouter. « Un espace de workout, c’est très bien, mais quand un jeune n’y va pas parce qu’il est au bord de la route et qu’il a peur ou un peu honte d’être vu, c’est embêtant », cite-t-il en exemple. Il faut aussi améliorer la communication à l’égard de la jeunesse, faire en sorte que celle-ci atteigne tout le monde et qu’elle soit compréhensible par tous. Il faut globalement prendre en compte davantage la dimension océanienne. Il y a par ailleurs un besoin de mieux cibler les formations dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et d’obtenir des statistiques sur les parcours dans la continuité.

Enfin de façon générale, l’analyse portée par le représentant du comité est qu’en Nouvelle- Calédonie, la tendance est souvent de rejeter les problèmes sur les autres : les parents sur l’école, l’école sur les institutions, etc. jusqu’à la justice… qui finit par sévir, parce qu’il est trop tard. « Cette attente des autres est nocive parce que chacun a cette possibilité d’aller plus loin dans ce qu’il entreprend ».

C.M.