Comité des signataires : l’heure du bilan politique

Règlement politique du litige électoral, instauration d’une méthode et d’un calendrier sur l’avenir institutionnel, consensus sur le dossier nickel et métallurgie, s’il faut en croire les déclarations des différents participants au 14e Comité des signataires, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes et l’avenir s’annonce, si ce n’est radieux, du moins, enfin dégagé. Ce serait aller un peu vite en besogne tant un vent d’optimisme béat est encore loin d’être de mise car au final, rien ou presque n’est réglé.

S’il est un mot qui pourrait à lui seul résumer les trois journées de débat et d’âpres discussions à Paris, c’est le pragmatisme. À commencer par la déclaration commune des partenaires calédoniens et de l’État signée samedi dernier sur le dossier nickel.
Il est évidemment dommage qu’il ait fallu attendre si longtemps pour entériner les solutions de bon sens défendues par les rouleurs et les petits mineurs au cours du long conflit qui a perturbé la vie des Calédoniens l’an dernier et qui aurait tout aussi bien pu dégénérer.
Gouverner, c’est prévoir, dit-on.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’exécutif calédonien s’est montré incapable d’une telle clairvoyance en 2015 et qu’il a fait preuve, sur ce dossier du nickel, d’un rare entêtement, pour ne pas dire plus.
Face à une aggravation prévisible du marché, face au risque de rupture de contrat avec certains clients pourtant « historiques », les acteurs du dernier Comité des signataires ont donc opté pour la seule alternative raisonnable, le pragmatisme.
Cet accord disqualifie à l’évidence l’actuel président du gouvernement, même s’il est encore trop tôt pour savoir s’il va le conduire à sa perte et ce d’autant que dans la gestion du conflit de l’an dernier, il n’était au final que l’instrument de son parti et de son alliance de circonstance avec les tenants de la doctrine de la province Nord en la matière.

Pourtant, si l’accord négocié le 6 février vient certes remettre de l’ordre et de la cohérence à un instant donné, il présage aussi de profondes dissensions quand on sait qu’il est en partie établi sur la base du rapport Colin (lire notre article page 5) qui est loin de faire l’unanimité, notamment quand il conclut à l’incohérence d’une prise de participation majoritaire des collectivités calédoniennes au capital des sociétés minières et métallurgiques.

Les deux légitimités resteront d’actualité

Les signatures apposées au bas du document voici une semaine n’apportent en l’état aucune garantie sur un accord avant la fin de l’année sur ce que doit être la stratégie nickel de la Nouvelle-Calédonie. C’est d’autant plus vrai que le document précise que « l’approche commune des enjeux du nickel et les discussions relatives à l’avenir institutionnel de la Nouvelle- Calédonie sont indissociables ».

Or, justement sur la question de l’avenir institutionnel, les partenaires calédoniens rentrent de Paris sans que leurs convictions profondes n’aient été modifiées. A l’évidence, les indépendantistes restent fondamentalement attachés à ce que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté au terme du processus de l’Accord de Nouméa comme les loyalistes restent farouchement favorables au maintien du territoire dans la République.

Alors certes, 2016, dernière année utile avant 2018, sera consacrée à définir les accords et les désaccords entre les deux « légitimités », mais au bout du compte, ce schisme originel n’en sera pas modifié.

En clair, les indépendantistes le resteront, les partisans du maintien dans la France le seront toujours, ce qui légitime la nécessité pour sortir par le haut de l’impasse en conservant l’esprit de 88 et de 98 d’envisager un nouvel accord. Là encore, il est regrettable qu’il ait fallu attendre d’être au pied du mur pour s’en apercevoir ou pour oser l’avouer. C’est désormais chose faite. Cette prise de conscience sur deux thèmes qui sont essentiels au stade où nous en sommes du processus de l’Accord de Nouméa ne supprime pourtant pas d’un trait de plume des désaccords profonds dans chacune des familles politiques sur ce que doit être l’organisation de la société.

Ce qui touche au quotidien des Calédoniens divise encore très largement et ce ne sont pas les mesures prises en matière de fiscalité, par exemple, qui risquent de rapprocher les points de vue. Sur ces questions tout comme sur ce que doit être la réponse à apporter à la situation d’augmentation notoire de l’insécurité, les divergences, y compris avec l’État, continueront d’entretenir des débats acharnés dans nos assemblées provinciales comme au Congrès, débats qui aboutiront à faire et à défaire des majorités d’intérêts ou de circonstances. Reste le dossier du corps électoral provincial. Le litige est clos, indique très péremptoirement le relevé de conclusions, mais tout laisse à penser qu’il en sera de nouveau question tant l’Union calédonienne, par la voix de Roch Wamytan, a fait entendre son mécontentement. Si politiquement la question semble réglée, rien ne peut empêcher un citoyen de déposer de nouveau des recours, rien non plus ne peut interdire à des électeurs regroupés en collectif de porter de nouveau ce dossier devant les tribunaux.

Quoiqu’il en soit, cette question du corps électoral reviendra inéluctablement sur le devant de l’actualité quand il s’agira, et c’est prévu pour cette année, d’aborder l’avenir institutionnel du pays. Il s’agira de définir le sort de tous les individus installés entre 1998 et 2018 et de savoir comment et dans quelles conditions, au terme de la période de gel qui prend fin avec l’Accord de Nouméa, ils pourront intégrer le corps électoral provincial et la citoyenneté calédonienne.

C.V.

Photo : ministère des outre-mers