Comité des signataires : La Calédonie enfant prodigue de la République

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Il y avait comme un parfum de fin de règne, lundi, dans les arrière-cours de l’hôtel de Cassini pour le dernier Comité des signataires de l’ère Hollande-Valls. Une ambiance un peu surannée qui ne s’explique pas uniquement par les premier frimas de l’hiver. Pourtant, le Premier ministre n’a pas manqué de rappeler à ses interlocuteurs « la responsabilité historique et collective » de tous, alors qu’approchent inéluctablement la fin du quinquennat et le référendum de sortie de l’Accord de Nouméa.

Il n’y a pas de temps à perdre, a déclaré Manuel Valls, et pourtant tout indique qu’il sera bien difficile si ce n’est impossible de rattraper le temps perdu. Malgré la fermeté des propos, tout concourt à rendre les mois à venir synonymes d’immobilisme. En évoquant les futurs campagnes électorales, les tensions qui peuvent y être liées ou les tentations de surenchère, le Premier ministre semble même, au détour de quelques formules, s’exprimer pour lui-même. Ne fait-il pas désormais figure de recours crédible en cas de renoncement de l’actuel président de la République à briguer un second mandat ?

Il n’est pas dupe non plus de son propre discours, quand, évoquant les travaux qui s’ouvrent, il indique que des réponses concrètes et précises doivent être apportées, alors qu’il a manifestement conscience que ce ne sera pas le cas, tout simplement parce que certaines divergences sont telles, qu’elles ne permettent qu’une juxtaposition d’avis et de points de vue mais en aucun cas un accord ou une synthèse.

Il en va ainsi de la question du corps électoral référendaire pour laquelle le relevé de conclusions se contente de reprendre scrupuleusement les opinions de chaque groupe politique et de proposer la réalisation d’une expertise constitutionnelle et législative. Dans une attitude qui lui est plus personnelle, celle qui a fait de Manuel Valls l’homme de gauche fréquentable par la droite de Gouvernement, le Premier ministre a condamné avec fermeté « le guet-apens » dont ont été victimes six gendarmes à Saint-Louis, dans la droite ligne des propos tenus le samedi précédent par les ministres de l’Intérieur et le garde des Sceaux. L’État régalien entend bien rester maître de ses prérogatives sur l’ensemble du territoire national, quand bien même les agressions contre les forces de l’ordre se produisent aux abords des tribus.

C’est encore la France qui paie

C’est le même État garde-fou qui vient au secours de la Nouvelle-Calédonie pour sauver l’activité minière et métallurgique. Suite au prêt consenti plus tôt dans l’année en faveur de la SLN, le gouvernement vole au secours de Vale, s’apprête à accorder à l’usine du Nord une défiscalisation bonifiée pour la construction de son second four, synonyme, pense-t-on, d’un engagement durable de Glencore, mais avance également que des conditions spécifiques seront accordées à Enercal pour la construction de la centrale électrique de Doniambo, condition sine qua non à la survie de la société Le Nickel. Fallait-il qu’une réponse soit donnée à ceux qui continuent de scander que l’indépendance est viable sur le plan économique ?

C’est, en creux, ce qui ressort de ce XVe Comité des signataires dont on peut aussi retenir sur un plan purement politique que ni l’UC, ni Les Républicains n’ont signé le relevé de conclusions, comme ils l’avaient d’ailleurs annoncé de longue date. Le débat n’est donc pas clos, mais il risque de se tendre, voire de s’envenimer, malgré les déclarations rassurantes des quelques leaders, qui, de retour sur le Caillou, seront confrontés aux enjeux électoraux. Car il est inutile d’essayer de se cacher derrière son petit doigt et de mettre en avant les prochaines législatives, la campagne, qui est d’ores et déjà lancée et qui sera forcément violente et binaire, c’est bien celle du référendum de 2018.

Or, il faut bien convenir que dans cette perspective, le travail des experts sur les divergences et les convergences ou la rédaction d’un projet de charte commune, même s’ils ont abouti à un exercice de grande qualité sémantique, ne servent finalement pas à grand-chose. Il est tout aussi symptomatique de constater qu’alors que s’approche l’échéance majeure que représente la sortie de l’Accord de Nouméa et, avec elle, la consultation des Calédoniens pour l’avenir, c’est encore et toujours l’État qui vient colmater les brèches. C’est cette France tant décriée par beaucoup, y compris dans certaines franges des rangs loyalistes, qui ouvre en grand le robinet alors même que la métropole vit depuis cinq ans au rythme du chômage de masse, des fermetures d’usines et des restructurations qui coûteront sans doute au pouvoir en place la présidence de la République et la majorité à l’Assemblée nationale l’année prochaine.

Réunis ce week-end en congrès, l’Union calédonienne, le Palika et l’UPM prendront- ils la mesure de cette réalité ?
C’est, hélas, peu probable.

C.V.