CLR, une gouvernance à la dérive

La Caisse locale de retraites fait face à de nouvelles difficultés de trésorerie.

La Chambre territoriale des comptes a publié un rapport sur la gestion de la Caisse locale de retraites (CLR) depuis 2011. La caisse sert les pensions de la fonction publique territoriale. Si le rapport n’apprend rien quant à la situation catastrophique de la CLR, il permet de mieux en comprendre les raisons.

La CLR est en déficit chronique et sa situation est plus que critique. Elle compte aujourd’hui 10 333 actifs pour financer 5 184 pensionnés, soit des dépenses de 17,835 milliards de francs pour 17,02 milliards de francs de recettes. Ce n’est pas nouveau et nous en avons fait état dans nos colonnes à de nombreuses reprises en relayant, notamment, les alertes répétées du syndicat des retraités territoriaux. Un rapport de la Chambre territoriale des comptes, en date du mois de mars, éclaire toutefois sur les raisons de ce naufrage.

Pour rappel, l’horizon de cessation de paiement de la caisse est en 2022. La raison principale pointée par les magistrats de la CTC est l’absence de gouvernance de la caisse. Elle se traduit notamment par un manque d’assiduité de l’immense majorité des représentants des employeurs publics aux différents conseils d’administration. Pour dire crûment les choses, les élus et leurs représentants se rendaient peu aux réunions et ne se préoccupaient pas vraiment du devenir de la caisse.

Comme le souligne le rapport, cet absentéisme est d’autant plus dommageable que ce sont les collectivités qui seront les payeurs en dernier ressort. Autrement dit, il n’existe pas vraiment de risque que les retraites ne soient pas payées. Le seul risque, c’est que ce soit l’argent public qui permette de les financer. Ce serait donc les contribuables calédoniens qui, de manière indirecte, financeraient les retraite des fonctionnaires, en plus de leurs propres retraites.

Le manque d’implication des élus de tous bords a eu pour conséquence une absence de stratégie et un manque d’expertise qui n’a pas permis de prendre les mesures nécessaires à la préservation de l’équilibre depuis près de 20 ans. Les élus mis en cause par le rapport n’ont d’ailleurs tout simplement pas apporté de réponse aux sollicitations de la Chambre territoriale des comptes. Le rapport précise encore que « la plupart sinon tous les interlocuteurs rencontrés (les politiques) ont indiqué ou montré par leurs réactions lors de l’instruction ne pas connaître le régime et ses perspectives financières ». Un élément d’autant plus inquiétant qu’un certain nombre d’entre eux relèvent de cette même caisse.

Un plan de sauvetage toujours pas examiné par le Congrès

Très logiquement, la situation financière de la caisse n’a cessé de se dégrader au fil des ans. Depuis 1999, le niveau des réserves s’est réduit de 80 %. Les magistrats n’ont pu que constater l’absence de statistiques concernant l’évolution de la trésorerie et du portefeuille de placements, des études très coûteuses, commandées à des cabinets d’actuariat (spécialisés dans les retraites) de Métropole ont par ailleurs été perdues.

Le rapport souligne également que certaines mesures ont été inefficaces, voire ont pénalisé le régime à long terme. C’est en particulier le cas de l’augmentation des effectifs, ayant uniquement un effet positif à court terme. Dans le fond, la Chambre indique que les solutions passeront nécessairement par un allongement de la durée de cotisations, qui a longtemps été inférieure à 30 années, en raison d’avantages permettant des départs anticipés, un départ plus tardif et la suppression de certains avantages, comme le versement de l’indemnité de résidence à certaines personnes vivant à l’extérieur de la Nouvelle-Calédonie.

Pour sauver la caisse à court terme, le gouvernement a proposé un plan impliquant une hausse des cotisations des employeurs (+ 2 % pour des cotisations qui passeront de 22,5 % à 24,5 %), des agents (+ 1 % soit des cotisations passant de 9,5 à 10,5 %) ainsi que des retraités qui verront leurs pensions rognées (- 0,5 %, soit une diminution globale de 5,5 %). Le projet de délibération a été adopté par le gouvernement le 27 janvier et aussitôt transmis sur le bureau du Congrès.

Il faut croire que les élus du boulevard Vauban n’y voient pas d’urgence puisque l’examen du texte n’a toujours pas commencé au niveau des commissions. Le calendrier va rapidement poser problème puisque le budget 2021 de la CLR intègre la hausse des cotisations et la ponction des pensions. Yoann Lecourieux, le membre du gouvernement en charge des relations avec le Congrès, devait mettre la pression sur l’institution, à l’occasion d’une conférence des présidents qui se tenait le 21 avril.


Des milliards envolés ?

Comme le fait valoir le rapport de la CTC, les placements des réserves de la caisse étaient la seule chose qui intéressait vraiment les élus lors des conseils d’administration. La Chambre revient à plusieurs reprises sur ce point qui pose question. C’est notamment le cas sur les revenus qui ont été générés. La CTC estime qu’ils ont été conséquents, mais se déclare incapable de les chiffrer tant les travaux seraient lourds, voire impossibles vu « les lacunes documentaires ». Le syndicat des retraités territoriaux dénonce le fait que près de 16 milliards de francs de placements en actions se soient envolés, sans qu’il y ait le moindre historique de ce qui a été placé, où et ce que cela a pu rapporter. À noter par ailleurs qu’à plusieurs reprises, les crises financières internationales ont laissé des traces, générant plusieurs milliards de pertes pour la CLR.

L’intégralité du rapport est à retrouver sur le site internet de la Chambre territoriale des comptes (www.ccomptes.fr).

M.D.