Citoyenneté ou nationalité L’impossible consensus

Après la gouvernance, les valeurs, les compétences régaliennes, les experts, Benoît Lombrière, Alain Christnacht et Jean-François Merle étaient à Nouméa cette semaine pour le dernier volet officiel de leur mission : les questions de citoyenneté et de nationalité. Éclairages.

Dans cette période plutôt tendue, sur fond de fronde autour du projet de loi compétitivité, les missionnaires avaient la redoutable tâche d’aborder les questions de citoyenneté et de nationalité avec les forces politiques locales. Dans l’exercice convenu qui consiste à lister les convergences et les divergences entre les uns et les autres en vue de la sortie de l’Accord de Nouméa, la thématique de ce dernier atelier touche au plus profond de l’identité. Benoît Lombrière, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, rappelait d’ailleurs à quelques heures seulement de la séance plénière, la différence fondamentale et indépassable sur ce sujet majeur entre les deux blocs politiques à savoir les partisans du maintien dans la République française et les indépendantistes.

La double thématique, citoyenneté et nationalité, illustre d’ailleurs parfaitement cette divergence essentielle, inscrite dans l’Accord de Nouméa, puisqu’en l’état actuel des choses, on demandera aux Calédoniens fin 2018 s’ils sont favorables ou non au transfert de la citoyenneté calédonienne en nationalité. Or si cette citoyenneté, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, peut s’envisager dans la France tout en donnant des droits spécifiques aux Calédoniens (droit de vote aux élections provinciales et préférence locale à l’emploi), la nationalité ne peut s’exercer que dans le cadre d’un nouvel état, souverain, quelles que soient d’ailleurs ses relations avec l’ancienne autorité de tutelle, ou, pour reprendre la dialectique des indépendantistes, avec l’ancienne puissance administrante.

Les limites de la grande illusion

Mais la « grande illusion » dans cette affaire et, pour tout dire, l’échec de l’éclairage du référendum de sortie reposent sur le fait que les non-indépendantistes envisagent effectivement un projet de société pour le jour d’après ce qui n’est pas le cas des indépendantistes. L’affirmation de l’existence de cet écran de fumée n’a rien de dogmatique ou de partisan : elle a été signifiée avec force voici quelques jours par l’ancien président du Sénat coutumier Gilbert Téin à l’endroit des responsables du FLNKS.

Et pour cause, l’approche de l’échéance crispe le débat et justifie pour des raisons électorales bien évidentes, la relance des vieux slogans. C’est ainsi que l’IKS, Indépendance kanak socialiste, que certains croyaient soluble dans les accords de Matignon et de Nouméa refait surface et, avec elle, un cortège sans fin de questions et d’interrogations sur l’avenir et plus particulièrement sur la place des autres communautés. Elle sonne le glas de la notion même de destin commun qui figure pourtant au cœur du contrat social, validé à deux reprises par les Calédoniens et qui a permis non seulement le développement de la Nouvelle- Calédonie au cours des 30 dernières années mais aussi le retour de la paix, le rééquilibrage et la reconnaissance de la culture kanak dans toutes ses dimensions.

N’y a t-il alors rien à dire de constructif dans cette ultime séquence de recensement des points de vue ?Ce n’est pas certain, mais il est fort peu probable qu’aux trois questions proposées – qui pourra devenir citoyen du pays après la fin de l’Accord de Nouméa, quels seront les droits particuliers de ces citoyens et quel texte devra fixer les règle de la citoyenneté dans le cas du maintien dans la France – des réponses consensuelles sont trouvées.

Car en Nouvelle-Calédonie aujourd’hui, on peut certes s’entendre sur tout, sauf sur l’essentiel.

C.V.

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