Christopher Gygès : « Nous visons toujours 50 % des ventes en 2035 »

« Nous travaillons avec le SMTU pour passer la flotte de bus en énergie renouvelable, notamment en électrique ou hydrogène », note Christopher Gygès. (© Y.M.)

Par l’instauration d’un bonus sur l’achat d’un véhicule électrique, aujourd’hui pour les particuliers, bientôt pour les entreprises, le gouvernement veut encourager l’automobiliste à s’écarter des modèles thermiques. Rencontre avec Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de la transition énergétique.

DNC : Comment jugez-vous l’évolution des ventes de voitures électriques ?

Christopher Gygès : Le marché prend une évolution favorable. Nous l’avons vu au dernier Salon de l’automobile. Nous essayons de faire comprendre aux gens l’intérêt de ces véhicules.

Existe-t-il un contrôle afin de vérifier que la remise de 20 % sur le prix de ces véhicules ne se transforme pas en marge supplémentaire chez le concessionnaire ?

Les équipes de l’ACE (Agence calédonienne de l’énergie) ont effectué un contrôle précis des prix avant l’annonce du lancement du bonus. Leur évolution est contrôlée dans un second temps. Sachant que le prix maximum du véhicule, pour bénéficier du bonus, est de 6 millions de francs. Si on constate une dérive sur les marges, nous retirons le conventionnement à l’opérateur. Les concessionnaires ont bien compris qu’ils ont intérêt à jouer le jeu pour développer ce marché, en essayant d’avoir des marges les plus réduites possibles. Nous n’avons pas noté pour le moment de dérapage des prix.

Le niveau élevé des prix ne risque-t-il pas de concentrer le marché sur les classes les plus aisées ?

L’instauration du bonus jusqu’à 600 000 francs doit permettre à des personnes qui n’avaient pas les moyens de s’acheter une voiture de ce type au départ, de se l’acheter désormais. Ensuite, nous ne sommes pas dans une logique sociale dans un premier temps. Nous finançons le bonus notamment avec les fonds européens, ce qui inclut des objectifs à long terme, dont le développement du marché. Voilà pourquoi nous n’avons pas mis de conditions de ressources.

Le marché peut-il s’ouvrir à des prix plus bas ?

L’augmentation du volume de l’offre, ici mais également dans le monde, va permettre de faire baisser les prix. C’est la tendance affichée par les concessionnaires automobiles. Il faut aborder la voiture électrique en coût complet, pas qu’en prix d’achat. Nous avons fait le choix d’aider les particuliers à installer des panneaux photovoltaïques à leur domicile. La recharge du véhicule électrique chez soi ou même en ville à un tarif incitatif permet de réaliser des économies de carburant gigantesques. Ensuite, il n’y a quasiment pas de frais d’entretien. Il faut donc regarder le coût de vie du véhicule.

Nous allons aider les entreprises sous forme d’appel à projets dans quelques semaines avec l’ACE, afin d’instaurer un « bonus entreprise »

Où en sommes-nous du bonus pour les particuliers ?

La tendance est bonne. Un tiers environ du budget de 60 millions de francs dédié à l’opération, mise en place mi-septembre 2023, a été consommé. Une campagne de sensibilisation est lancée. Cette enveloppe pourra être renouvellée en cas de besoin dans l’année, toujours avec l’Union européenne.

Voyez-vous les entreprises prendre ce chemin ?

Oui. Nous allons aider les entreprises sous forme d’appel à projets dans quelques semaines avec l’ACE, afin d’instaurer un « bonus entreprise ». Le financement est assuré par le gouvernement et l’Union européenne.

L’installation du dispositif représente-t-il un coût élevé pour le gouvernement ?

Ce projet nous a coûté pour l’instant une trentaine de millions de francs. Le financement des 60 millions de francs, est réparti à 50 %-50 % avec l’Ademe. L’idée n’était pas de se substituer à des investisseurs privés ou aux communes, mais de lancer la dynamique avec une politique d’installation de bornes à l’échelle territoriale. La mairie de Nouméa va lancer un processus de concession pour des bornes dans la ville, certainement avec des distributeurs d’électricité.

Combien de bornes sont installées aujourd’hui ?

Il y a plus de 130 bornes. L’objectif est d’en installer plus de mille à l’horizon 2030.

L’objectif au niveau du parc de voitures électriques a-t-il varié ?

Nous visons toujours 50 % des ventes à l’horizon 2035, soit 18 000 véhicules environ.

Nous serons à 100 % d’énergie renouvelable en journée dans la distribution publique l’année prochaine

Atteignable ?

Oui, je pense. Le marché commence à bouger. Je suis convaincu que cet élan vers les voitures électriques va s’intensifier. Nous sommes dans une logique non répressive. Des propositions ont été formulées en faveur de l’instauration d’un malus sur le thermique : je ne le souhaite pas pour le moment, car la transition doit se faire selon moi par la compréhension de l’intérêt de passer à l’électrique. Quand le bonus et les bornes auront été mis en place, nous envisagerons peut-être du malus, mais il faut être dans l’incitatif dans un premier temps.

Il faut une électricité verte sur le territoire…

Nous serons à 100 % d’énergie renouvelable en journée dans la distribution publique l’année prochaine. Les plus grosses fermes photovoltaïques vont commencer à entrer dans le dispositif. On atteint certains jours 70 % d’énergie renouvelable dans le réseau en journée. Plus de 80 mégawatts à partir de panneaux photovoltaïques sont installés chez les particuliers, c’est énorme.

Comment entraîner la Brousse dans l’élan ?

Ce mouvement passe par de la sensibilisation et surtout une évolution des modèles. Le trajet moyen en Brousse est plus élevé que celui d’un Nouméen. Quand le réseau de bornes se sera développé hors du Grand Nouméa, la tendance vers l’électrique sera claire. Voilà pourquoi nous avons voulu faire un schéma de maillage territorial avec l’emplacement des bornes. Les communes sont des acteurs majeurs, et nous les accompagnons.
Propos recueillis par Y.M.