Christopher Gygès : « Emmanuel Macron a tenu le cap »

Deux choix de société s’offrent aux électeurs français au deuxième tour de l’élection présidentielle. Face au « rétrécissement » attribué à l’extrême droite de Marine Le Pen, Emmanuel Macron incarne le pragmatisme et la responsabilité selon Christopher Gygès, coordonnateur de son comité de soutien.

DNC : Quelle analyse faites-vous du premier tour ?

Christopher Gygès : Je crois que c’est la première fois qu’un Président sortant améliore son score. Il a su gérer des crises complexes, les Gilets jaunes, la crise sanitaire, obtenu des résultats sur la baisse du chômage, l’attractivité de la France. En Nouvelle-Calédonie, il explose son score, en le multipliant par trois en pourcentage, avec 17 000 voix en plus. C’est aussi là le résultat du travail accompli, la protection sur le sanitaire et l’économie, la possibilité de sortir du carcan référendaire et de nous inscrire dans un projet politique plus large qui est l’axe indopacifique.

Emmanuel Macron s’est imposé comme le candidat de la droite. Le Rassemblement LR n’a pas été suivi et Marine Le Pen dévisse…

Les électeurs de Nicolas Sarkozy de 2012 et ceux de François Fillon de 2017 ont voté pour Emmanuel Macron. Et ce qui me satisfait aussi, c’est le recul important de Marine Le Pen. Quand les Calédoniens votaient pour l’extrême droite, ils votaient principalement pour l’attachement à la France. Emmanuel Macron, en faisant ce score un peu équivalent à ce que faisait Nicolas Sarkozy, symbolise désormais le maintien dans la France.

Pourquoi ne devrait-on pas voter pour Marine Le Pen ?

Ce sera une France qui se replie sur elle-même, ne grandit pas, vit dans le passé, n’arrive pas à se projeter. Marine Le Pen connaît très mal la Nouvelle- Calédonie. Emmanuel Macron la connaît, ce qui permet d’assurer une continuité dans la sortie de l’Accord de Nouméa. L’hyper-priorisation nationale fera passer les outre-mer au second plan. Là où la Calédonie a beaucoup été aidée, elle redeviendra un caillou dans la chaussure de Marine Le Pen. Je les ai entendu parler de tiers-mondisation. Durant la crise, 17 600 personnes ont perçu un salaire, 7 500 petits entrepreneurs ont été accompagnés, nous avons été aussi bien soignés au dispensaire d’Ouloup qu’en France… C’est la preuve, pour moi, d’un attachement particulier à l’outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

Vous défendez un bilan « exceptionnel » sur la question institutionnelle, ce n’est pas l’avis de vos opposants…

J’ai entendu les soutiens de Marine Le Pen dire qu’il fallait céder aux exigences des indépendantistes et décaler le référendum. Emmanuel Macron a tenu le cap. Cela aurait été beaucoup plus confortable d’attendre l’élection présidentielle et de dire ‘après moi le déluge’… On peut lui être reconnaissant de pouvoir enfin passer à autre chose. En plus, il a posé une méthode. Il s’agira de faire appel à la société civile, aux différentes forces politiques pour construire ce projet.

La Macronie se structure localement. Un groupe a notamment été créé au Congrès. Quel avenir pour cette coalition ?

Même si ce n’est jamais gagné d’avance, on est confiants sur la réélection d’Emmanuel Macron. Ensuite, il faudra former une structure qui permette de lui apporter un soutien fort qui puisse se traduire à l’Assemblée nationale, une union qui soit la plus large possible. À Calédonie ensemble, il y a des gens qui peuvent travailler avec nous, au Rassemblement, il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec la consigne passée. Cela permettra aussi d’être forts dans les discussions de sortie de l’Accord de Nouméa. Comme au niveau national, il y a une nécessité de faire travailler les talents ensemble et de faire preuve d’intelligence collective plutôt que d’ambitions personnelles.

Allez-vous réussir à présenter des candidats communs aux législatives ?

Il faut trouver un accord pour envoyer deux députés qui soutiennent le président de la République pour mener sa politique. On ne peut pas faire 40 % en Nouvelle-Calédonie et ne pas avoir deux députés.

 


♦ Europe

« L’Europe est une chance. Si on avait une Europe des Nations comme le souhaite Marine Le Pen, il n’y aurait pas de réponse européenne à la crise ukrainienne. Localement, l’Europe nous accompagne sur des sujets du quotidien, la formation, la culture ou la transition énergétique par le prochain Fonds européen de développement (3,7 milliards de francs). »

 

♦ Environnement

« La question écologique va prendre de l’ampleur, elle sera traitée par le Premier ministre avec deux ministres en charge de la planification environnementale et énergétique. Sept milliards d’euros sont alloués au plan France hydrogène que nous pourrons intégrer. Nous serons très fortement accompagnés sur la transition énergétique, le développement massif des énergies renouvelables, notamment dans le secteur métallurgique. Que propose Marine Le Pen à part de démonter les éoliennes ? »

 

♦ Quel ministre des Outre-mer ?

« Il y a des noms qui circulent… On reverra Sébastien Lecornu, mais il ne sera pas ministre des Outre-mer. Même si c’est un très beau ministère, il est appelé à d’autres fonctions. »

 

Propos recueillis par Chloé Maingourd (© C.M.)

 


« L’avenir ne peut pas passer par les extrêmes »

 

Mardi soir, à cinq jours du deuxième tour, les soutiens d’Emmanuel Macron ont rassemblé quelque 600 sympathisants au Nouvata, à Nouméa. Les élus locaux, mais aussi Sébastien Lecornu et Édouard Philippe ont appelé à se mobiliser dans cette dernière ligne droite derrière le président sortant.

Dernier meeting en faveur d’Emmanuel Macron avant le deuxième tour le dimanche 24 avril.

 

Rien n’est joué dans cette élection opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen, qui n’a jamais été aussi proche du pouvoir. Ce meeting de l’entre-deux-tours visait à donner un dernier coup d’accélérateur à la campagne. Emmanuel Macron a beau avoir obtenu ici « le plus gros score de la République » (40,5 %), comme rappelé par Christopher Gygès, au détriment de Marine Le Pen et du Rassemblement national, l’abstention a aussi atteint des records (66,7 %).

Et c’est le message qu’a porté par visioconférence le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, salué pour son investissement en Nouvelle-Calédonie. « L’abstention dans le Pacifique est aussi un message fort qui n’est pas à la hauteur de l’engagement de l’État, pas à la hauteur des enjeux qui attendent la région », a-t-il déclaré à l’assemblée, déjà acquise à sa cause, mais qui peut néanmoins encore convaincre autour d’elle.

« L’équipe Macron est celle qui est prête »

Cette élection, dit le ministre, est la plus importante pour la Nouvelle-Calédonie, avant les législatives, « le rôle de l’État étant singulier » sur le territoire. « Nous avons voulu incarner un État bienveillant, à l’écoute, mais fort », a-t-il rappelé en évoquant également des « prises de risques ». « Même si tout n’a peut-être pas été bien fait, juge-t-il, l’équipe Macron est l’équipe qui est prête. »

Sébastien Lecornu estime, par ailleurs, que les valeurs de Marine Le Pen sont « à l’opposé total de ce que vous avez fait depuis 1988 ». « Que ce soit les déclarations de Daniel Goa ou de Marine Le Pen, l’avenir ne peut pas passer par les extrêmes. Il nous faut refuser cette violence politique », avant d’attaquer « le programme vide » de la présidente du RN et un représentant local « qui s’est disqualifié ». Les élus du Rassemblement national, « ces ni-ni républicains que nous connaissons bien, qui font croire que Marine Le Pen et Emmanuel Macron, c’est pareil et qui sont concentrés sur les législatives », en ont aussi pris pour leur grade.

Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer.

 

L’ancien Premier ministre et maire du Havre, Édouard Philippe, a fait part de toute son « admiration » pour Emmanuel Macron, rejoint après 2017. Un candidat-président qui, selon lui, a pris le temps de comprendre la Nouvelle-Calédonie, un personnage « audacieux », incarnant la notion du dépassement de soi et des partis pour travailler collectivement et qui présente une façon « pragmatique » de réfléchir au monde « tel qu’il est et non tel qu’on le souhaiterait ». Un positionnement qui l’a, par exemple, poussé à imaginer l’axe indopacifique. « Il n’y a aucun doute qu’avec Marine Le Pen, la construction de la société calédonienne, la relation à l’Europe et au monde seront radicalement différentes », a-t-il argué.

Halte au RN

Tour à tour, les élus loyalistes calédoniens, que la Macronie a réussi à rassembler pour cette échéance, et qui sait, pour la suite, ont également loué le positionnement présidentiel. « Emmanuel Macron est celui qui nous projette dans l’avenir et qui propose une méthode », estime Christopher Gygès. « Il a montré le chemin pour se rassembler et assumé la colonisation, ce qui a fait du bien dans les cases », juge Marie-Laure Ukeiwé. « Nous ne sommes pas des ingrats pour ceux qui s’occupent de nous », poursuit Nicolas Metzdorf.

Pour Willy Gatuhau, « il ne faut pas laisser entrer le RN ! On sait ici où peut mener le sectarisme. Ce n’est pas la Nouvelle- Calédonie. » Isabelle Lafleur ne voit d’ailleurs pas « comment on pourrait renouer les fils du dialogue avec Marine Le Pen ». Gil Brial, qui n’avait pas soutenu Emmanuel Macron en 2017, s’est dit convaincu et a estimé qu’il ne fallait « pas changer de capitaine au milieu de la passe », tandis que Sonia Backes pense qu’« il nous a donné une place dans le monde alors qu’on pensait qu’on coûtait juste de l’argent ». « Il a redonné une place centrale à la France et c’est le seul qui trace une feuille de route dans la région », estime pour sa part Philippe Dunoyer.

La présidente du comité de soutien, Sonia Lagarde, a fermé le banc : « Alors que le danger de l’extrême droite nous guette, Emmanuel Macron incarne le choix de l’espoir, d’une Nouvelle-Calédonie en paix avec elle-même et avec la France. »

 

Chloé Maingourd (© C.M.)