Changer de mode de gouvernance : résilience ou indépendance

Faut-il revoir la clé de répartition, les collectivités territoriales doivent-elles se doter d’une fiscalité propre, faut-il maintenir la désignation des membres du gouvernement à la proportionnelle ? Ce sont là quelques-unes des questions posées aux groupes et partis politiques cette semaine par les experts de l’État. Si l’exercice ne manque pas d’intérêt dans l’optique des prochaines échéances locales, il n’est pas non plus exempt de dangereuses dérives. 

Début juillet, sous la présidence d’un Thierry Lataste en poste depuis quelques heures, signataires des accords, élus et responsables politiques calédoniens se retrouvaient en séance plénière pour débattre de la question des compétences régaliennes. Cette semaine, dans une configuration similaire, autour d’Alain Christnacht et de Jean-François Merle, le groupe de travail sur l’avenir institutionnel a abordé les questions relatives à la gouvernance et l’organisation des pouvoirs publics.

Il en va de ces deux thématiques majeures comme de la poule et de l’œuf et ce n’est pas sur le fait de savoir laquelle de ces deux séquences devait intervenir la première qui a fait débat. Mais dans l’exercice imposé qui tend à lister convergences et divergences pour dire ce que pourrait être la Nouvelle-Calédonie au lendemain du référendum prévu en novembre 2018, une fois encore, la grande majorité des Calédoniens favorable au maintien dans la France a le sentiment de se faire tordre le bras.

Il y a des raisons objectives à ce sentiment bien plus fortement ancrées au sein de la population que ce que veulent bien concéder la plupart de responsables politiques. Car en évoquant la possibilité ou l’éventualité de faire évoluer l’exercice des compétences régaliennes et la gouvernance, c’est la nature même de ce que doit être la Nouvelle-Calédonie qui est en jeu. C’est tout particulièrement vrai sur le thème de la gouvernance qui a intéressé cette semaine la classe politique calédonienne.

Il s’agit là ni plus ni moins que de l’organisation politique et institutionnelle de la Nouvelle- Calédonie et si l’heure n’est, nous dit-on, qu’au stade des convergences et des divergences, il est tout de même difficile de ne pas penser que si des pistes sont avancées dans la perspective de la rédaction d’un document consensuel à valider en octobre lors du prochain Comité des signataires, cela signifiera que des lignes ont d’ores et déjà été arrêtées et qu’il sera très difficile d’en dévier. La consultation des Calédoniens ne serait finalement plus alors qu’une opération de validation post accord.

De l’impossible convergence en matière de gouvernance 

Parmi les principaux points abordés cette semaine notamment les provinces et les évolutions qui pourraient être apportées à leurs rôles. Dès lors qu’il est question de la provincialisation, c’est à l’histoire récente de la Nouvelle- Calédonie que l’on touche et aux équilibres difficiles qui ont permis en 1988 de concrétiser institutionnellement la poignée de main entre Jacques Lafleur et Marie Tjibaou. Il est question non seulement du partage du pouvoir entre non- indépendantistes et indépendantistes, c’est-à- dire de l’acceptation que le fait majoritaire ne soit pas celui qui prime, mais aussi de rééquilibrage au travers, entre autres, d’une clé de répartition qui privilégie le Nord et les Loyauté malgré la faiblesse de leur poids démographique.

Presque trente ans après la signature de ces accords, chacun a conscience que des évolutions doivent être apportées. Un épisode fort récent est là pour démontrer qu’un constat d’évidence ne suffit, pas à emporter la décision. Voici quelques semaines, avec le refus de la STCPI de céder une malheureuse action à l’État pour permettre un prêt destiné à sauver la SLN, les partis indépendantistes ont démontré qu’ils restaient viscéralement accrochés aux symboles et à l’irréversibilité des décisions prises au cours des accords successifs de 88 et 98.

Dans ces conditions, comment envisager qu’ils acceptent de revenir sur la question d’un rééquilibrage qu’ils considèrent d’ailleurs comme étant encore à réaliser, par quel tour de passe- passe conviendraient-ils qu’il soit acceptable d’en revenir au principe démocratique que chaque électeur a le même poids, quelle que soit sa province de résidence. Il paraît utopiste dans ce schéma de s’accorder, même sur l’essentiel, utopiste mais pas inéluctablement impossible.

C.V. 

Crédit HC