CAFAT : Le Ruamm encore à la peine

La Cafat vient d’adresser un courrier aux établissements et professionnels de santé afin de les prévenir de tensions concernant la trésorerie du Régime unifié de l’assurance maladie et maternité (Ruamm). Ces tensions qui se répètent depuis le début de l’année impliquent le ralentissement ou le décalage des remboursements en dehors de ceux des assurés. Le point avec Xavier Martin, le directeur général adjoint de la Cafat.

DNC : Pouvez-vous nous expliquer les tensions que connaît le Ruamm au niveau de sa trésorerie et ses conséquences ? 

Xavier Martin : Nous connaissons périodiquement des tensions de trésorerie au niveau du Ruamm qui nous conduisent à prendre des mesures de ralentissement des paiements ou de report des paiements pour ne pas tomber en trésorerie négative, ce qui n’est pas possible pour le Ruamm contrairement à la sécurité sociale. Nous connaissons des difficultés depuis le 15 septembre. Elles devraient perdurer encore quelques jours, mais nous avons bon espoir que la situation s’améliore, au moins temporairement, la semaine prochaine. Nous sommes en attente des compensations du gouvernement, c’est-à-dire des sommes pour les travailleurs indépendants qui ne cotisent pas à plein taux, au niveau du Ruamm, et dont le manque à gagner est pris en charge par la Nouvelle-Calédonie. Ces sommes devraient nous permettre de résorber le retard que nous avons pris ces derniers jours et tenir, nous l’espérons, jusqu’à l’échéance prochaine.

DNC : Les cotisations sont liées à l’activité économique, est-ce que vous ressentez le ralentissement que la Nouvelle-Calédonie connaît en ce moment ?

Xavier Martin : De ce que nous pouvons observer sur les premiers mois de l’année, c’est plutôt une stagnation par rapport aux cotisations encaissées sur l’exercice 2014, qui était lui-même atypique dans l’histoire de la Cafat. Nous n’avons enregistré quasiment aucune augmentation des cotisations en 2014. A priori, nous n’aurons pas de baisse en 2015 mais pas non plus les augmentations positives que l’on avait l’habitude d’observer jusque-là. Historiquement, nous avons toujours enregistré des évolutions assez significatives de nos montants encaissés. Par ailleurs, le montant des dépenses a continué de croître de façon constante.

DNC : En parlant de l’augmentation des dépenses, l’ouverture du Médipôle, qui devrait entraîner un certain nombre de nouvelles dépenses, ne vous fait-elle pas un peu peur ?

Xavier Martin : Cela fait déjà plusieurs années que nous exprimons nos inquiétudes sur le fait que le Ruamm est structurellement déficitaire et que l’on continue à prévoir des dépenses supplémentaires par rapport à ce que nous devons déjà prendre en charge. Donc oui, toute évolution positive des dépenses de santé est de nature à nous inquiéter si, dans le même temps, des plans de redressement ne sont pas mis en œuvre.

DNC : L’affectation de l’augmentation de la taxe sur les tabacs au Ruamm vous semble-t-elle une bonne solution ?

Xavier Martin : On annonce trois milliards de recettes liées à cette augmentation de 30 %. Notre prévisionnel 2015 est plutôt proche d’un déficit de 4,5 milliards de francs, donc pour 2015, il est clair que l’augmentation de la taxe ne produira pas ses effets et, toutes choses égales par ailleurs, cela ne suffira pas.

DNC : De manière prévisionnelle, avez-vous une idée du trou qu’il faudra boucher en 2016 ?

Xavier Martin : Non, mais nous y travaillons. Le budget est en construction, nous aurons les résultats dans quelques semaines. En ce moment, au regard des difficultés que nous rencontrons depuis plusieurs mois, l’accent est mis sur les problèmes de financement, mais il faut aussi se préoccuper de la maîtrise des dépenses de santé. Les deux volets doivent être considérés à chaque fois. On ne peut pas équilibrer indéfiniment le Ruamm en ajoutant des recettes supplémentaires, ce serait une fuite en avant. On ne remet pas en cause l’opportunité des différents projets comme le Médipôle, mais quand même, le résultat est que cela génère des dépenses supplémentaires, quoiqu’on en dise, et c’est une vraie préoccupation. Il faut impérativement se poser la question de savoir si nous avons les moyens de nous payer notre politique de santé.

DNC : Si l’on décide de conserver le système dans l’état actuel, y a-t-il un risque de rupture de paiement au niveau des remboursements ?

Xavier Martin : Oui, clairement. La situation se dégrade doucement. Il y a quelques mois, on arrivait à stabiliser les choses en retardant légèrement les remboursements et seulement auprès des établissements. On n’a pas touché les individus mais potentiellement, si rien n’est fait ou du moins de manière significative, les individus seront inexorablement touchés. L’apport de trésorerie donnée par la taxe sur les tabacs est important mais il faut aussi voir le problème au regard des dettes que l’on a accumulées vis-à-vis des hôpitaux publics ou des provinces, globalement de l’ordre de sept milliards de francs et que l’on ne peut pas payer.

DNC : Quel est l’horizon du régime dans les conditions actuelles… Quelques mois, une année ? 

Xavier Martin : Oui, la fin d’année va être difficile à passer. Les mesures permettent de repousser l’échéance sans donner de vision de moyen terme, ni de résorber les dettes que l’on a à l’égard des hôpitaux ou des provinces. L’objectif des Assises de la santé est d’avoir une vision sur dix ans. Normalement, il devrait y avoir une restitution des travaux dans les semaines qui viennent. Il y aura certainement des arbitrages mais l’on peut dire que Madame Eurisouké est très impliquée pour trouver des solutions.