Budget 2022 : « Solidarité » ou « matraquage », l’impôt divise le Congrès

Le budget 2022 de la Nouvelle-Calédonie s’annonce plus serré que jamais. Pour équilibrer les finances et rembourser la lourde dette, le gouvernement Mapou ne voit pas d’autre solution que l’augmentation des impôts, une stratégie jugée inefficace par une partie des loyalistes.

Clinique, complet, l’exposé de la Direction du budget et des affaires financières a mis tout le monde d’accord… Pour quelques instants du moins. La Nouvelle-Calédonie est en mauvaise posture, voilà qui est indiscutable. Elle est endettée à hauteur de 67 milliards de francs, dont 28 liés à la crise sanitaire, et ses recettes fiscales s’amenuisent : les collectivités n’avaient plus que 111 milliards à se partager en 2021, contre près de 125 il y a dix ans.

Ce constat de fragilité étant établi, que faut-il faire ? Puisque la « maîtrise des dépenses » ne suffira pas, le gouvernement Mapou ne voit qu’une solution : pour équilibrer le budget et rembourser la dette, il faut augmenter les impôts. Sa réforme fiscale, présentée fin décembre, vise au minimum une trentaine de milliards de francs par an, d’ici 2024, prélevés tout en « réduisant les inégalités ». Côté loyaliste, on s’insurge.

« Pas d’argent caché chez les riches »

« Contrairement à ce que l’on peut croire, il n’y a pas d’argent caché chez les riches que l’on peut donner aux pauvres, assure Philippe Blaise (Avenir en confiance). On a déjà mis en place des tuyaux très larges pour prendre de l’argent pour financer un système d’assistanat très généreux, qui coûte des sommes phénoménales. (…) Si l’on veut réduire les inégalités, il faut créer des emplois. Il faut donner envie aux gens de venir investir, pas les matraquer fiscalement. »

Philippe Blaise (Avenir en confiance) craint que l’on « tape sur les gens qui veulent investir ».

 

« Nous prévoyons de diminuer l’impôt sur les sociétés de 5 %, vous l’aurez remarqué », répond le président Mapou, qui rappelle que nombre de ses premières mesures font l’unanimité depuis de longues années (taxe sur le sucre, etc.) ou étaient exigées par l’État comme contrepartie de l’emprunt de 28 milliards. « Avec ça, on ne fait pas la révolution et pourtant, on soulage les finances publiques. »

« On peut augmenter les taxes tant que l’on veut, de l’argent, il n’y en a plus », assure Nicolas Metzdorf (Générations NC), qui aimerait que Louis Mapou « défende un maximum le bifteck auprès de l’État », pour tenter de « transformer en subvention » une partie du prêt de 25 milliards de francs actuellement négocié avec l’État. Irrecevable, pour Jean- Pierre Djaïwé (UNI). « On ne peut pas incessamment demander de l’argent à l’État sans respecter les conditions qu’il impose. »

« Il faut prendre ses responsabilités »

Gil Brial (Avenir en confiance) choisit une métaphore pour sa démonstration. « Avant de partager l’igname, il faut la planter. Avant de partager la richesse, il faut la créer. Et pour se sacrifier, il faut être convaincu que l’effort serve à quelque chose. (…) Nous sommes convaincus que c’est l’investissement, l’emploi qui réduiront les inégalités. »

Pour Gilbert Tyuienon, la création d’emplois ne suffira pas. « Tout n’est pas dans la solution travail. Peut-être devons-nous réfléchir à plus de solidarité. » Le membre du gouvernement chargé de la fiscalité veut « sortir des clichés ». « Ce n’est pas un combat entre riches et pauvres, entre loyalistes et indépendantistes, mais une question de répartition. Et il faut prendre ses responsabilités, tout simplement. »

À ce débat frontal, Philippe Dunoyer (Calédonie ensemble) apporte une remarque consensuelle. « Même si la situation est difficile, l’économie calédonienne est résiliente. » Pour stabiliser l’édifice financier, il convient de donner à l’économie des perspectives sur « l’évolution du statut de la Nouvelle-Calédonie », estime le député, invitant l’assemblée à « engager collectivement le débat d’orientation politique ».


 

Le prêt de 25 milliards toujours en négociation

Le gouvernement Mapou négocie un prêt de 25 milliards de francs auprès de l’Agence française de développement (AFD), son principal créancier. L’État a d’ores et déjà accordé sa garantie à ce prêt « dédié au financement prioritaire de la crise sanitaire », à condition qu’il finance également « un plan de relance ».

Dans le budget 2022, la répartition serait la suivante : un milliard pour les « dépenses de gestion de crise », deux pour les « mesures économiques » (chômage partiel, etc.), 11 pour financer le déficit du Ruamm et, enfin, pour la « relance économique », 11 milliards à utiliser en trois ans.

 

Gilles Caprais (© G.C.)