[Dossier] Biscochoc : stratégie Pacifique

Dominique Lefeivre, président de Biscochoc, dans l’espace boutique situé au sein des locaux de l’usine, qui produit chaque année 450 tonnes de chocolat à destination du marché calédonien. © A.-C.P.

D’abord le Vanuatu, maintenant la Nouvelle-Calédonie, bientôt les Salomon. Biscochoc bâtit son ambition dans le Pacifique. Depuis 2021, l’entreprise s’intéresse au développement d’une filière cacao sur le territoire et envisage d’acheter les récoltes des cultivateurs calédoniens qui se lancent dans l’aventure.

Dominique Lefeivre ne veut travailler qu’avec des cacaos du Pacifique. Et ce, pour plusieurs raisons, la principale étant la « grande qualité » de ceux de la région. Le président de Biscochoc cherche également à diminuer l’empreinte carbone de l’entreprise, ce qui impliquait de délaisser le cacao d’Afrique de l’Ouest. L’entreprise a repris une plantation sur l’île de Malekula, au Vanuatu, en 2017. « Les cabosses sont produites à moins de 700 km de nos locaux. » Et sont cultivées selon les principes de l’agroforesterie et « du commerce équitable », assure Dominique Lefeivre, qui insiste sur l’engagement environnemental, sans insecticide ni herbicide. Ainsi, le fabricant maîtrise l’ensemble de la chaîne de production, de la culture de la fève à la tablette. « Cela nous permet d’avoir une traçabilité sur tout le processus. » Avec la future usine en construction à Nouville (lire par ailleurs), « l’ensemble des procédés de transformation des fèves, que nous avons développés et fait valider en Europe, seront internalisés. Nous serons autonomes ».

Un débouché économique

Dans cette stratégie, le Vanuatu représente la première étape. La Nouvelle-Calédonie, la deuxième. L’industriel s’investit dans le développement d’une filière locale portée par la Chambre d’agriculture et de la pêche. Touho, Poindimié, Ponérihouen… Depuis 2021, plusieurs missions sont menées sur la côte Est, où de « nombreux arbres remarquables ont été identifiés », notamment de la variété Criollo, « particulièrement recherchée pour son arôme fort et sa finesse gustative ».

Le climat se prête à cette culture. « Le cacaoyer aime bien la chaleur et être arrosé. » Dominique Lefeivre a rencontré des cultivateurs intéressés pour se lancer, à l’image d’Alfred Levy à Hienghène, début avril. « C’est incroyable, la terre est tellement riche qu’il a eu des cabosses en trois ans et demi au lieu de quatre et demi en général. »

Biscochoc a pris un engagement. « À partir du moment où le travail est de qualité, on achète », assure l’industriel, offrant ainsi un débouché. Une façon de « renforcer l’activité économique en Brousse et de fixer les gens chez eux ». Avec la mise en sommeil de l’usine du Nord, le programme semble susciter des attentes. « Des gens reviennent et ne savent pas quoi faire. Alors, en accord avec les mairies, des réunions sont organisées. » Là aussi, l’idée est de s’appuyer sur l’agroforesterie et d’associer « des cultures complémentaires comme le poivre, la vanille, le coprah, les bananiers, les ignames, le taro… afin d’offrir des sources de revenus supplémentaires. »

Insertion à la prison de Koné

Du cacao, il va en pousser jusque dans l’enceinte du centre pénitentiaire de Koné. Le projet, financé par le ministère de la Justice, bénéficie d’un espace de « 8 000 m2 ». Un outil de réinsertion destiné aux détenus en fin de peine, explique Dominique Lefeivre. « Ils ont commencé à creuser les tranchées et à mettre le paillage en vue de planter les arbres. » Biscochoc souhaite s’en servir comme parc à bois. « Il s’agit d’utiliser les branches pour faire des greffes, ce qui permet d’avoir des fruits au bout de deux ans contre quatre normalement. » Les fèves produites seront traitées par l’usine de Nouville. Du chocolat calédonien pourrait être dégusté dès la fin de l’année. C’est le challenge à relever : « réaliser les premières tablettes pour l’inauguration de l’usine, en décembre », grâce aux deux récoltes « tests » prévues en juin et octobre.

Biscochoc vise ensuite les Salomon, l’objectif étant de développer l’export et d’élargir l’offre en proposant différentes origines de cacao. « On vend celui du Vanuatu à l’étranger et les gens ont des demandes sur les autres îles de la région. » Le marché visé ? L’Asie. Seuls deux clients sont fournis en Europe, Valrhona (France) et Martin (Royaume-Uni). « Cela fait partie de notre plan RSE (responsabilité sociétale des entreprises) d’essayer de rester au plus proche. » Biscochoc, résolument Pacifique.

A.-C.P.


Un chocolat de qualité ?

Le chocolat de Biscochoc provient exclusivement du Vanuatu depuis 2017 et la reprise d’une plantation sur l’île de Malekula, Metenesel, où poussent 569 398 cacaoyers entretenus par 340 cultivateurs. La plupart sont des hybrides Criollo-Amelonado.

Dominique Lefeivre a mis en place de nouveaux procédés concernant les étapes de fermentation et de séchage afin « d’obtenir une fève de meilleure qualité », ainsi que pour les recettes de fabrication du chocolat. Ces méthodes ont été validées par Valrhona, leur partenaire français, une maison spécialisée dans le chocolat haut de gamme. « C’est notre référence. Valrhona propose une de nos cuvées spéciales du Vanuatu. Une autre de nos gammes est présentée dans des magasins équivalents aux Galeries Lafayette au Japon. »

Biscochoc travaille également à diminuer le taux de sucre dans ses produits. « On a décidé de monter en cacao et de passer les tablettes de 72 % à 75 %. » Un chocolat noir 100 % et un au lait 55 % ont aussi été conçus pour le marché asiatique.


Des prix à la hausse

Les prix flambent dans le monde (« ils ont été multipliés par cinq en deux ans ») depuis l’année dernière, en raison de la crainte d’une pénurie de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana, les deux principaux pays producteurs, victimes de fortes pluies, maladies fongiques et sécheresses. « On vient aussi de nous annoncer que le beurre de cacao qu’on met dans nos chocolats passe de 7,80 à 40 euros, s’inquiète Dominique Lefeivre. On va essayer de maintenir les prix, mais ce sera compliqué. »

D’autant qu’une autre augmentation est attendue en lien avec la taxe sucre. Selon le président de l’entreprise, cela devrait entraîner un surcoût global de 30 millions de francs. « On devrait le répercuter sur le prix d’une tablette, peut-être que cela la fera augmenter de 30 à 40 francs avec la marge des revendeurs. »


Une nouvelle usine à Nouville

Dominique Lefeivre a racheté en 2015 l’entreprise spécialisée dans le chocolat, fondée en 1979. Le président de Biscochoc a lancé, il y a quatre ans, un vaste chantier de construction d’une usine à Nouville (9 200 m2), les locaux actuels à Ducos étant devenus inadaptés. Un projet de 2,7 milliards de francs, dont 900 millions pour les machines. La structure doit être inaugurée à la fin de l’année. « Avec les projets à l’export et de développement, il devenait vital de changer de lieu. » Ce déménagement devrait s’accompagner d’un agrandissement des équipes. « On compte passer de 70 à 80 employés, à moins que la crise nous oblige à revoir nos ambitions. » Ses premiers effets s’en sont fait ressentir à Pâques. « On a eu une baisse de 20 % de notre chiffre habituel. »