Avenir institutionnel : une question de temps

Lors de son audition, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a fait le point sur la situation en Nouvelle-Calédonie et a invité les membres du comité à s’y rendre.

Lors d’une audition devant le Comité spécial de la décolonisation de l’ONU à New York, Gérald Darmanin a évoqué un possible déclenchement du droit à l’autodétermination dans une ou deux générations. Un délai trop long pour le FLNKS. Un bon timing pour les non-indépendantistes. À quelques jours de la visite du ministre des Outre-mer.

« Prendre le temps », « on n’a plus le temps », « on va arrêter d’attendre ». Tout ne serait-il donc qu’une histoire de temps concernant l’avenir institutionnel ? Gérald Darmanin a assuré aux membres du C24 à l’ONU, vendredi 19 mai, que l’État travaille bien à négocier un nouveau statut – « je voudrais garantir aux Nations unies que nous en discutons » – et étudie « comment on pourra déclencher ce droit à l’autodétermination à l’échelle d’une ou deux générations ».

Une position satisfaisante, estiment Les Loyalistes qui, dans la lignée de l’État, « sont inscrits dans un temps long ». « On est en phase avec Gérald Darmanin », affirme Christopher Gygès. Les non-indépendantistes considèrent le principe d’autodétermination comme normal. « Il est dans la Constitution et dans notre projet de société. »

Mais, une nuance est ajoutée, celle de prévoir comment les Calédoniens pourraient se prononcer, à savoir s’ils souhaitent déclencher ce processus ou pas. À l’image de ce qui existe au Québec, où 50 % + 1 voix de la population peut demander l’organisation d’un référendum. « Sonia Backes y est favorable », ajoute le membre du gouvernement.

UNE « POSTURE D’ENTRÉE »

Pour Victor Tutugoro (UPM) qui conduit, avec Roch Wamytan, la délégation du FLNKS dans les discussions avec l’État sur l’avenir institutionnel, cette déclaration n’est guère étonnante. « Je pense que c’est une posture d’entrée en négociation », considère celui qui parle plutôt d’un référendum dans 10 ou 15 ans.

« L’État veut aller vite alors que nous voulons prendre le temps de discuter des choses qui vont être mises sur la table. »

Car « on n’est pas encore arrivé aux discussions », glisse l’élu indépendantiste. Elles devraient débuter la semaine prochaine, avec la venue du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer le 1er juin. Et se feront dans le cadre de bilatérales avec l’État. La seule séquence trilatérale concernera le rendu des deux audits sur la décolonisation et le bilan de l’Accord de Nouméa. « Une trilatérale d’écoute. » Ces rapports vont servir de base aux échanges « pour essayer de construire l’avenir », poursuit Victor Tutugoro. Leur restitution était donc importante afin de pouvoir les entamer.

Les Loyalistes, eux, sont fatigués d’attendre les indépendantistes. « Je pense qu’on a été au bout des discussions que l’on pouvait avoir, pose Christopher Gygès. Ils ne veulent pas venir. Il faut que l’État mette son projet sur la table et que ceux qui veulent y aillent, c’est possible d’avancer sans eux. » En ligne de mire, comme l’a déjà évoqué Gérald Darmanin, les élections de 2024 « avec un corps électoral élargi ».

ACCÉDER À « UN ÉQUILIBRE »

Avec un tempo différent, les trois partenaires arriveront-ils à se mettre au diapason ? « L’État veut aller vite alors que nous voulons prendre le temps de discuter des choses qui vont être mises sur la table. » Selon Victor Tutugoro, Gérald Darmanin est « pressé », notamment sur le corps électoral et l’autodétermination. « Nous sommes dans une autre démarche. » Les indépendantistes ne reconnaissent pas le troisième référendum, donc l’Accord n’est pas fini.

Comment parvenir au compromis ? « On y est arrivé par le passé dans des moments bien plus tendus, rappelle Christopher Gygès. On ne veut pas en arriver là, mais on ne peut pas continuer comme cela. » Déjà, parce qu’il faut respecter le résultat des trois consultations et parce que c’est « souhaitable au vu des difficultés sociales et économiques de la Nouvelle-Calédonie. Il faut un nouveau statut institutionnel pour l’avenir et s’attaquer aux problèmes qui intéressent les Calédoniens ».

Victor Tutugoro soutient également qu’un compromis est possible. « Nous sommes des gens de bonne volonté. Nous sommes obligés de trouver un accord. » Le principal est d’accéder à « un équilibre », « une vision commune ».

Il se dit prêt, concernant le corps électoral, à « bouger sur la liste provinciale » – pas sur celui de la consultation d’autodétermination. Une position que l’ensemble des indépendantistes ne partage pas. « Certains ont des postures radicales. Moi, je fais partie de ceux qui disent qu’on ne peut pas continuer comme ça. »

C’est tout l’enjeu. Le point de rencontre. Le placement du curseur. Une question de temps.

 

Le FIP « respecte le processus de chaque pays »

Les Loyalistes ont réagi, dans un communiqué, aux propos de Mark Brown, Premier ministre des îles Cook, tenus sur RNZ (Radio New Zealand). Également président du Forum des îles du Pacifique, il a déclaré, au sujet de la Nouvelle-Calédonie, que le FIP « respecte le processus de chaque pays », et que « ce n’est pas le rôle [de l’organisation] d’interférer dans les affaires internes de pays qui déterminent leur dépendance ou indépendance ».
Les Loyalistes l’interprètent comme « un désaveu cuisant » pour les indépendantistes et le fait que le FIP « ne soutiendra pas le FLNKS qui cherche à annuler le résultat du référendum de 2021 ». Pour le groupe politique, cette position « confirme la neutralité » de l’institution.

 

Anne-Claire Pophillat