Avenir institutionnel : Le rapport Dosière fait grincer les dents !

La question du référendum de 2018 doit bien être posée selon les termes de l’Accord de Nouméa : oui ou non à l’accession à la pleine souveraineté. Même si l’information des Calédoniens sur le sujet laisse gravement à désirer, et même si « nous ne sommes pas à l’abri d’un embrasement si la situation n’est pas gérée avec diplomatie ». Le rapport Dosière sur l’avenir institutionnel n’est pas tendre pour la classe politique et contient des choses qui ne font pas plaisir à entendre, mais bonnes à savoir…

Entamée fin 2015, la mission conduite par Dominique Bussereau, député LR de Charente- Maritime, sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie s’est achevée au début de l’année : son rapporteur, le député PS de l’Aisne, René Dosière, a remis la semaine dernière son document de 180 pages sur le bureau de l’Assemblée nationale. Chaud devant !

Le premier point que clarifie le rapport Dosière est aussi le premier hiatus qu’il dissipe : la question à poser aux Calédoniens lors du scrutin d’autodétermination est celle prescrite par l’Accord de Nouméa et uniquement celle-là. Même si « personne n’a envie d’un référendum couperet, alors que peu l’affirment… », concèdent laconiquement les missionnaires du palais Bourbon. Un niet est donc recommandé à toutes les velléités de modification ou de rajout à la question référendaire.

Pas d’information des citoyens !

Sauf qu’après avoir interrogé les milieux politiques, économiques et syndicaux du territoire (mais pas les citoyens lambda !) les missionnaires en sont convaincus : « Le débat, nécessaire, n’a pas suffisamment eu lieu, il n’a pas irrigué la société calédonienne, les partenaires ne l’ont pas porté et, désormais, le contexte électoral n’y est pas propice. La jeunesse, notamment, semble ignorer tout ou presque des enjeux. Il n’est peut-être pas trop tard ? Demain, en tout état de cause, la question de la pleine souveraineté devra être posée ; un point d’équilibre, suscitant l’adhésion du plus grand nombre, sera nécessaire. »

Exactement ce qu’affirmait Sonia Lagarde, citée in extenso dans le rapport, et qui reproche à Paris d’avoir mis la charrue avant les bœufs : « L’État a organisé la venue de ces experts pour qu’ils travaillent sur les thématiques qui ont été annoncées. Mais cela n’a que l’intérêt d’éclairer la classe politique. Il serait indispensable de commencer par le commencement, en faisant de la pédagogie et en expliquant enfin à la population, qui ne le sait pas, ce que recouvre l’Accord de Nouméa ! »

L’État à la manœuvre ?

Conséquence, prévient René Dosière : ce sera certainement à l’État de prendre l’initiative du référendum. « Quoiqu’il en soit, le rôle de l’État sera essentiel dans la période à venir, écrit-il. D’abord, parce que, depuis l’origine, l’État est un partenaire reconnu comme tel par les deux communautés. Ensuite, parce qu’il est le seul à pouvoir s’abstraire des conflits locaux, qu’ils soient personnels ou politiques. Enfin, parce qu’il est le garant d’une absence d’instrumentalisation de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. »

Mais alors, pourquoi avoir laissé dériver la question institutionnelle jusqu’à la veille du référendum ? C’est Dominique Bussereau, le patron de la mission qui répond : « Ici, les divisions politiques sont extrêmes. Les anti- indépendantistes, et en particulier le mouvement Calédonie ensemble qui dirige actuellement la province Sud, sont d’abord préoccupés par le sort de leurs candidats aux prochaines élections législatives, estimant que, selon leur poids, ils pourront plus ou moins influer sur la suite des événements. »

Le rapporteur n’est pas plus indulgent pour les partis indépendantistes : « Le système politique calédonien fonctionne selon un logiciel du début des années 1980, de plus en plus déconnecté des réalités sociales, dit René Dosière. Les dirigeants indépendantistes qui sont aujourd’hui mes interlocuteurs faisaient déjà partie du paysage politique en 1991 ; on ne voit guère la relève. Cela tient pour l’essentiel au fait qu’ils ignorent tout des conséquences du référendum qui aura lieu en 2018, voire du contenu de l’Accord de Nouméa… » Un comble. Mais un comble qui figure noir sur blanc dans un rapport de l’Assemblée nationale.

Climat d’insécurité

Enfin, écrit le député Dosière, « Je veux insister sur le climat d’insécurité qui règne en Nouvelle- Calédonie, climat lié en particulier aux incidents survenus au sein de la tribu de Saint-Louis. La violence qui règne au sein de cette tribu s’est traduite par des morts chez les forces de l’ordre comme dans la population et l’on se demande si, de cette situation plus ou moins circonscrite, ne risque pas de jaillir l’étincelle qui embraserait l’ensemble du territoire si d’aventure la sortie de l’Accord de Nouméa ne se déroulait pas dans de bonnes conditions ».

Au final, le rapporteur conclut : « Tout ceci fait que j’achève notre mission plus inquiet que je ne l’étais au début de nos travaux ! » Il ne fallait peut-être pas venir, vu que l’on ne voit pas à quoi ça a servi.

M.Sp.