Autorisée à exporter, la SLN devra investir

Une autorisation d’export de deux millions de tonnes supplémentaires par an contre un investissement de 30 milliards de francs. C’est le point central de l’accord signé mardi par le gouvernement et la SLN. L’entreprise s’engage sur vingt ans pour, entre autres, moderniser ses installations et s’orienter vers un nickel plus écologique.

Le protocole signé mardi matin par la SLN et le gouvernement fait figure d’accord de la dernière chance pour l’usine métallurgique. « Sans cela, je ne vois pas très bien comment on aurait pu s’en sortir sur le long terme. Cela ne suffit pas, mais c’était une condition nécessaire à la survie de la SLN », reconnaît Guillaume Verschaeve, directeur général.

L’entreprise est autorisée à exporter deux millions de tonnes de minerai de basse teneur en plus des quatre actuelles. Soit six millions en tout. Le résultat de plusieurs mois de discussions entamées en octobre, en relation avec le groupe Eramet, et une bonne nouvelle pour la société qui rencontre d’importantes difficultés financières depuis une dizaine d’années. En contrepartie, la SLN s’engage à repenser son fonctionnement sur le long terme.

200 emplois supplémentaires

« Cela ne concerne pas seulement les aspects industriels et financiers, développe Guillaume Verschaeve. Il s’agit d’un modèle de société. » La première période de ce plan en trois phrases, de 2022 à 2025, est cruciale pour la suite. L’idée est que les exportations financent les investissements. Ils sont conséquents, environ 30 milliards de francs, dont plus d’un milliard doit être dédié aux engagements sociétaux. « Il faut pérenniser l’outil industriel, améliorer les performances, investir dans l’activité minière et rétablir l’équilibre entre l’activité et l’impact dans chaque commune », liste Guillaume Verschaeve. En visant le maintien des 1 000 emplois directs attachés à l’usine et en en créant 200 supplémentaires principalement en province Nord.

Autre chantier de taille, l’installation d’équipements destinés à diminuer les rejets de poussières et de dioxyde de soufre dans la ville de Nouméa. Enfin, en vue de parvenir à un nickel « décarboné », l’élimination progressive des émissions de CO2.

Huit francs le kilowattheure

C’était essentiel pour les indépendantistes, qui s’étaient opposés à l’augmentation des exportations en 2019. « On avait besoin que la SLN nous dise à quoi serviraient les deux millions de tonnes, insiste Louis Mapou, président du gouvernement, on ne voulait pas dire oui sans savoir où on allait. » L’autorisation doit permettre à la société de « retrouver de la compétitivité dans le fonctionnement » et d’investir dans l’appareil industriel. « Ils avaient besoin du soutien de la Nouvelle-Calédonie. »

L’accord, présenté en collégialité, a obtenu l’assentiment de tous. Et implique que le gouvernement trouve une solution pour que la SLN ait un kilowattheure à huit francs d’ici 2026, avec la future centrale, contre 14 aujourd’hui. Un dossier pour lequel il doit recevoir le soutien de la CRE, Commission de régulation de l’énergie, dont une mission est annoncée sur le territoire, et alors que le gouvernement étudie les deux dossiers retenus à la suite de l’appel d’offres lancé fin 2020. En attendant, la centrale B devant fermer, une solution provisoire va être mise en place par l’entreprise, mais sans baisse du coût de l’électricité.

Qu’en est-il du respect de toutes ces promesses ? Un suivi régulier sera assuré, affirme Louis Mapou. « On fera le point chaque année. C’est comme tous les mariages. »


Avec cet accord, le gouvernement estime que la SLN doit porter les intérêts calédoniens localement, mais aussi à l’international.

 

L’accord dans le détail

Moins polluer, créer une École des mines, lancer des recherches visant à traiter le minerai de basse teneur… La SLN doit respecter de nombreuses obligations précisées dans le document.

♦ « Décarboner » la production

La SLN doit lancer des études pour faire émerger des procédés de ferronickel « décarboné ». Et, dès 2026, lancer les investissements nécessaires visant à éliminer les 800 000 tonnes de CO2 émises chaque année par le processus de production de Doniambo. Il est question, à horizon 2040, de remplacer le gaz par de l’hydrogène qui serait produit par des fermes photovoltaïques.

♦ « Transformer la perception des habitants »

Lors de la signature, Louis Mapou a expliqué sa vision de l’usine dans la ville. « Il faut se pencher sur un projet d’acceptabilité sociale du site de Doniambo à Nouméa, un vieux projet qui n’a pas été poursuivi. Il faut reprendre ce dossier parce qu’on ne peut pas concevoir que cette unité reste en l’état. » Cela comprend le fait de diminuer fortement les émissions de poussières et de dioxyde de soufre afin de « transformer la perception des habitants de l’usine », travailler sur l’impact visuel mais aussi réutiliser l’espace laissé par la fermeture de la centrale B.

♦ « Recréer un lien »

Cela passe notamment par l’augmentation de l’enveloppe dédiée à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) de 600 millions de francs aujourd’hui à entre 1 à 1,5 milliard de francs. Et ainsi « recréer un lien qui s’est un peu distendu entre la SLN et le pays, surtout depuis le démantèlement des villages à Népoui, Kouaoua, Thio, etc. », souhaite Louis Mapou.

♦ Traiter les basses teneurs

Afin de s’adapter à la baisse des teneurs en nickel et en fer de ses massifs, la SLN doit mener un travail pour parvenir, à moyen à terme, à enfourner du minerai de basse teneur. Ce qui nécessite d’évaluer les techniques et les investissements nécessaires.

♦ Recenser la ressource

L’accord prévoit la réalisation d’un état des lieux des titres miniers afin d’avoir une vision précise des ressources pour pouvoir « se projeter, mieux les traiter et les valoriser ».

♦ Fonder une École des mines

L’idée est d’augmenter le niveau de formation par la création d’une École des mines. La SLN doit en être un des membres fondateurs.


 

Une production en-dessous des objectifs

La SLN a exporté 2,5 millions de tonnes de minerai à basse teneur en 2020 et moins de trois millions en 2021, loin des quatre millions que l’entreprise peut vendre. Guillaume Verschaeve, directeur général, indique que les six millions de tonnes exportées peuvent être atteintes en 2024. Leur teneur en nickel est limité à 2 % maximum par cargaison et à 1,8 % en moyenne sur l’année.

Concernant le ferronickel, là aussi, le résultat n’est pas là. La barre des 50 000 tonnes n’a pas été touchée en 2019 ni en 2020 (47 000 tonnes environ). En 2021, « la production de ferronickel a connu son niveau le plus bas de l’histoire de la SLN », déclare Guillaume Verschaeve, inférieur à 40 000 tonnes, en raison notamment du conflit de l’usine du Sud et des mauvaises conditions climatiques. « Le début de l’année se passe mieux, il y a de bonnes raisons de réussir 2022. »


 

Un fort endettement

La dette de la SLN s’élève à 55 milliards de francs, sur un endettement maximal possible de 63 milliards. La période de remboursement doit démarrer en 2024. « On va peut-être renégocier un peu les échéances », glisse Guillaume Verschaeve. Car pendant la première période, jusqu’en 2025, l’entreprise est censée assurer les investissements les plus lourds. « Le désendettement viendra plus tard. » Le retour à l’équilibre est prévu dès cette année.


 

140 ans d’histoire

La SLN, société historique créée en 1880 et premier employeur privé du territoire, est détenue à 56 % par le groupe minier et industriel français Eramet. La Nouvelle-Calédonie est entrée dans la gouvernance via la cession de 30 % du capital de l’entreprise après les accords (puis 34 % en 2007) à la Société territoriale calédonienne de participation industrielle (STCPI), qui regroupe les trois provinces. Le fondeur japonais Nisshin Steel détient 10 % des parts. Le minerai de nickel, extrait des mines, est acheminé par voie maritime à l’usine de Doniambo, à Nouméa, où il est transformé en métal, le ferronickel, constitué à majorité de fer et contenant au moins 20 % de nickel.


 

1,2 million de tonnes pour la NMC

Le gouvernement vient également d’autoriser la Nickel Mining Company (NMC) à vendre du minerai à la société Yangzhou Yichuan Nickel Industry Co. Ltd (Yichuan) via Posco International Corporation. Il s’agit d’un renouvellement de l’autorisation d’exportation avec une légère augmentation de la quantité, de un à 1,2 million de tonnes par an jusqu’à fin 2022 (dont les teneurs sont inférieures ou égales à 1,9 % en nickel par cargaison et à 1,68 % en moyenne sur l’année).

 

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)