Affaires de violences sexuelles dans le sport : « Le signalement est obligatoire »

La justice enquête sur deux entraîneurs de natation pour des soupçons de violences sexuelles sur mineurs déjà largement répandus dans le milieu sportif, a révélé l’enquête de NC La 1ère. Certains responsables ont-ils failli à leur obligation de signalement ? « À ce stade, nous n’avons pas d’élément en ce sens », indique le procureur de la République, Yves Dupas, pour qui le milieu sportif doit se concentrer sur « la prévention de ces agissements ».

DNC : Où en sont les procédures concernant des violences sexuelles sur mineurs dans le sport ?

Yves Dupas : Le parquet de Nouméa a diligenté dernièrement cinq enquêtes visant des encadrants sportifs. Ces faits concernent la natation, l’escalade, le tennis et la danse. Une affaire a été jugée, celle du moniteur d’escalade, qui a écopé de trois ans de prison dont un avec sursis (en avril 2021, NDLR). Et nous avons actuellement quatre procédures qui ont donné lieu à une information judiciaire. Le magistrat instructeur poursuit l’enquête pour cerner l’étendue exacte des agissements des mis en cause, qui peuvent avoir exercé ailleurs qu’en Nouvelle-Calédonie. Dans l’une des procédures, la natation, nous avons douze victimes. Et dans trois des quatre procédures, il y a eu placement sous contrôle judiciaire.

En Nouvelle-Calédonie, de quels moyens de lutte dispose la justice ?

Nous avons ajusté notre organisation en 2021. Nous avons désormais un vice-procureur chargé des mineurs, à qui est confié le suivi des procédures impliquant des violences sexuelles dans les milieux sportifs et socioculturels. Pour nous, c’est une garantie d’efficacité : il est à même de rechercher d’autres procédures ailleurs qu’en Nouvelle-Calédonie et de voir si la personne a déjà fait l’objet d’une enquête, même classée sans suite. L’idée, c’est de retravailler toutes les procédures déjà engagées, de les analyser de manière à mieux cibler nos poursuites.

Les témoignages recueillis par NC La 1ère montrent que dans l’entourage des suspects, de nombreuses personnes se doutaient fortement d’abus sexuels. Pourquoi n’ont-elles pas effectué de signalement ?

Certaines personnes peuvent hésiter à signaler. La rumeur publique n’incite pas nécessairement à la dénonciation. Je pense que le cœur de l’évolution se situe en interne, dans les fédérations, dans les clubs, qui doivent mener un important travail de prévention de ces agissements. Cela peut paraître basique : diversifier les encadrants, assurer la mixité, ne pas fermer la porte d’un bureau, ne pas faire la bise…

En tout cas, le signalement aux autorités est obligatoire concernant les atteintes physiques ou sexuelles envers les mineurs. Le non-signalement est un délit passible de cinq ans d’emprisonnement.

 

Les enquêtes sont là pour établir si certains niveaux de responsabilité ont pu manquer à leurs obligations [de signalement]. Dans ces dossiers, à ce stade, nous n’avons pas d’élément en ce sens.

 

Y a-t-il eu des failles ?

Les enquêtes sont là pour établir si certains niveaux de responsabilité ont pu manquer à leurs obligations légales. Dans ces dossiers, à ce stade, nous n’avons pas d’élément en ce sens. Mais cela peut se produire.

Un président de club de natation affirme avoir évincé un entraîneur. N’aurait-il pas dû également prévenir la justice ?

Pour des faits suffisamment identifiés, oui. Après, il faut approcher très clairement le niveau d’information qui était celui du dirigeant. Il peut y avoir des licenciements par précaution. Dans le doute, faute d’éléments, c’est compliqué. En tout cas, la responsabilité pénale peut être enclenchée pour un responsable de club qui ne signale pas ces faits alors qu’il en est avisé de manière claire.

Ces affaires sont-elles le révélateur d’un problème spécifique au sport ou peut-on penser que si l’on creuse dans d’autres domaines, les atteintes sexuelles seront aussi nombreuses ?

Ce qui caractérise aussi le sport, c’est cette proximité par rapport au corps. Mais, c’est surtout l’emprise sur le jeune qui est déterminante. On peut imaginer ce type de comportement dans d’autres activités, culturelles ou ludiques. À partir du moment où l’on a un public mineur, qui est dans une position de respect, d’admiration par rapport à un encadrant, ce type de schéma est toujours possible.

 

Propos recueillis par Gilles Caprais (© Archives DNC/A.-C.P.)