Arnaud Bloc, une histoire de « philosophie »

AB Ferme, à la Ouenghi, existe depuis bientôt quinze ans. Labélisée bio pour la production végétale, l’exploitation, qui mêle élevage et cultures, s’inspire aussi de l’agroforesterie et poursuit un objectif d’autonomie. Des pratiques qui répondent au changement climatique et plus largement à la vision de l’agriculture portée par Arnaud Bloc et Catherine Bezac.

Les 24 hectares de la propriété s’étendent sur les bords de la Ouenghi. À l’ombre des arbres, s’y côtoient poulets, lapins, oies, cultures vivrières, maraîchères et fruitières. Arnaud Bloc, intarissable, parle avec enthousiasme de son exploitation, lancée en 2007 et labélisée en 2011. « On a été les cinquièmes à être certifiés », glisse l’agriculteur, un des pionniers du « bio » en Nouvelle-Calédonie.

À l’époque, il tâtonne et expérimente. « On a, par exemple, essayé de faire un répulsif naturel, du purin d’ail et du purin d’aloès. On regardait des reportages pour voir comment cela se passait ailleurs, mais il fallait tout adapter parce que ce n’est pas le même climat ni les mêmes insectes. On a été une sorte d’exploitation test. »

Le fumier comme engrais

Après l’élevage, Arnaud Bloc développe les végétaux. Ignames, patates douces, aubergines, tomates, carottes, bananes sont plantées au fil des années. Il réalise que les deux sont complémentaires. « Je me sers du fumier des animaux comme engrais et je n’ai pas besoin d’intrants. » Les poulets, élevés en plein air, mangent de l’herbe (le reste de leur nourriture est constituée de céréales sans farine animale), le fourrage est fait sur site, aucun produit chimique n’est utilisé, l’exploitant plante ses propres semences. La démarche est globale : tendre vers l’autonomie et dépendre le moins possible de l’extérieur. « On réutilise notre matière, tout vient de l’exploitation. Plus on gère nous-mêmes sur place, mieux c’est. »

Une façon de faire naturelle pour Arnaud Bloc, mais exigeante. Elle nécessite davantage de patience et implique des pertes. Les poulets ne sont pas protégés contre les attaques de chiens ou de rapaces, ils mettent plus de temps à s’engraisser qu’en bâtiment et cela revient plus cher. Les oiseaux, eux, mangent les tomates. « Il y a toujours un pourcentage de ce qu’on produit qui repart à la nature. » Malgré les difficultés, il n’y a aucun regret. « C’est une histoire de conscience, une philosophie et une perception différente des choses. Je n’ai jamais voulu travailler avec des produits chimiques qui peuvent provoquer des réactions négatives sur les insectes, j’aurais l’impression d’empoisonner un peu les gens. C’est une fierté, on est en adéquation avec la production. En respectant l’animal et l’environnement, on protège le consommateur. »

Meilleure rentabilité ?

Arnaud Bloc et sa compagne, Catherine Bezac, qui travaille à ses côtés, ne manquent pas de projets pour cette année. Cultiver davantage (carottes, aubergines, courgettes, betteraves), développer le fruitier et l’agroforesterie. « Il s’agit de mélanger les arbres et les cultures, comme l’embrevade, qui fait de l’ombre, ce qui est intéressant avec les fortes chaleurs. » Mais aussi alterner animaux et végétaux sur une parcelle en laissant l’herbe repousser naturellement.

À ceux qui voudraient sauter le pas, Arnaud Bloc répond patience et attention. « Avec ces méthodes, il faut nourrir la terre et préparer les sols, cela prend beaucoup de temps. L’agriculture biologique se fait sur des années. » Pour, à terme, s’avérer plus rentable ? « Il est possible de produire autant, voire plus sur une surface égale et il y a moins de charges puisqu’on n’utilise pas d’engrais, moins de carburant et de machines. »

AB Ferme, pour Arnaud Bloc, sont également les initiales d’agriculture biologique. « C’était prédestiné », sourit-il.

 


Les temps sont durs

Les intempéries survenues lors de ces deux saisons chaudes ont été particulièrement difficiles. Les dernières inondations ont détruit plusieurs cultures. « L’igname est la seule, avec les patates, qui a résisté aux inondations. Les produits maraîchers, carottes, radis, tomates anciennes, courgettes, ont été noyés, il faut reprendre à zéro. »

L’élevage aussi est touché. Les lapines, très fragiles, ont fait moins de petits et certaines sont mortes d’une crise cardiaque en raison du tonnerre et des éclairs.

 


L’agroforesterie

Cette pratique consiste à associer les arbres à l’agriculture. La symbiose offre de nombreux avantages : lutte contre l’érosion, renforcement de l’adaptation au stress climatique, amélioration de la fertilité des sols, ombrage pour les animaux, etc.

 


315 tonnes

En 2020, 127 producteurs sont labellisés Bio Pasifika (instauré par l’association Biocalédonia créée en 2009) en Nouvelle-Calédonie, contre 105 en 2019 et 90 en 2018. La production biologique s’évalue à 315 tonnes contre 257 tonnes en 2019.

 

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)