À la poursuite du consensus calédonien

Le ministre Gérald Darmanin lors de sa visite de la SLN en mars 2023. / © Archives DNC, B.B.

Les discussions sur le futur du territoire continuent avec le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer en visite jusqu’au 25 novembre. L’absence annoncée de l’Union calédonienne (UC) risque de perturber le calendrier.

Gérald Darmanin aura fort à faire pour aboutir à la réforme constitutionnelle souhaitée en 2024. Les sujets de discorde ne manquent pas avant la visite du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, du 23 au 25 novembre.

Les conditions d’ouverture du corps électoral n’ont pas été tranchées. Il n’y a toujours pas de consensus sur la répartition des élus du Congrès. Ni sur le transfert des compétences, ni sur l’exercice du droit à l’autodétermination. Des rencontres à deux et des « réunions plénières », c’est-à-dire à trois, sont prévues vendredi pour poursuivre le dialogue politique. « La véritable négociation va démarrer avec l’arrivée de M. Darmanin. Jusque-là, on a fait qu’échanger en bilatérales avec l’État et avec les non-indépendantistes », a précisé Victor Tutugoro, président de l’Union progressiste mélanésienne (UPM), le 15 novembre en conférence de presse.

Une partie des indépendantistes et les non-indépendantistes au complet ont échangé au haut-commissariat pendant une quinzaine d’heures autour des différentes versions du document martyr. « Il y a des points d’accord, il y a des points sur lesquels on peut arriver à un accord et il y a des points durs où il faut prendre le temps », a résumé en conférence de presse, le 16 novembre, Jean-Pierre Djaïwé, porte-parole du Palika. L’exercice aurait permis de se faire comprendre, relève Gil Brial. L’élu des Loyalistes parle d’une « phase importante » des négociations où chacun se serait expliqué sur ses positions. « Personne n’a renié son combat. Nous sommes toujours indépendantistes et loyalistes, mais on discute et on voit les convergences », poursuit-il.

Au moins ceux qui participent. « Nous avons représenté l’UNI, l’Union nationale pour l’indépendance [UPM et Palika, NDLR], parce que les représentants de l’Union calédonienne et des Nationalistes n’étaient pas autour de la table », a tenu à rappeler Victor Tutugoro. L’une des chaises est demeurée désespérément inoccupée. Elle devrait le rester malgré la visite ministérielle. L’Union calédonienne (UC) a confirmé son retrait lors de sa conférence de presse du 15 novembre.

Le parti met en cause le document martyr jugé « irrecevable » et s’oppose à la réforme constitutionnelle. Son absence ampute la délégation indépendantiste de sa principale composante. Le Rassemblement démocratique océanien (RDO) devrait suivre la même ligne. Le Palika appelle de ses vœux un nouveau congrès du front pour mener une « clarification » entre ses quatre membres. Le parti a invoqué les engagements pris au 41e congrès du FLNKS pour rappeler les « responsabilités » de l’UC qui, de son côté, s’en revendique pour justifier son retrait.

CRISE DE LA CHAISE VIDE

Cette politique de la chaise vide aura forcément des conséquences sur le processus en cours. Même absents, les réfractaires pèseront. « Tout ce qu’on a obtenu jusqu’à aujourd’hui pour la Nouvelle-Calédonie, c’est le FLNKS qui l’a obtenu. On ne pourra pas trouver un accord sans l’UC », déplore Judickael Selefen, porte- parole du Palika.

Les discussions ont beau être « constructives et positives », elles auront du mal à aboutir, abonde Philippe Michel, président du groupe Calédonie ensemble au Congrès. En plus d’arbitrer les différents points de mésentente, le parti non-indépendantiste attend du ministre une « initiative » pour rassembler l’ensemble des partenaires. « Est-ce que le Palika signera un accord sans l’UC ? Je suis convaincu que non », pose Philippe Michel.

Les Loyalistes et le Rassemblement veulent s’en tenir à l’agenda fixé par l’État pour au moins parvenir à s’entendre sur le corps électoral et le rééquilibrage du congrès. « D’ici la fin de l’année, tout est possible, nous en avons les capacités », espère Gil Brial. Les indépendantistes de l’UNI ne semblent pas opposés à faire des compromis qui esquisseraient les contours d’un statut qu’ils exigent transitoire. « On montre à l’État qu’on est sur la voie d’un consensus pour déclencher la modification constitutionnelle et repousser les élections provinciales en fin d’année prochaine ou début 2025 », explique Judickael Selefen.

Tout le monde se donnerait les « chances d’arriver à un accord global », ajoute-t-il. Ce discours positif est repris dans chaque camp. Tous les participants maintiennent que les discussions avancent. « Petit à petit, les choses sont crantées, note Philippe Michel. Les positions ont évolué. Il y a deux ans, aucun indépendantiste ne voulait discuter. » Aujourd’hui, une partie le fait. L’autre ne ferme pas totalement la porte.

Brice Bacquet

Bruno Le Maire au chevet du nickel

Le nickel sera l’autre gros dossier de ce déplacement ministériel. Gérald Darmanin est accompagné du ministre de l’Économie et des Finances, présent du 25 au 27 novembre.

Bruno Le Maire porte un projet de loi de réindustrialisation décarbonée de la France dans lequel la filière calédonienne joue un rôle important en fournissant les minerais nécessaires à la fabrication de batteries électriques. À son programme figurent justement les visites des trois usines.  Des annonces devraient être faites pour soutenir le secteur en difficulté, notamment sur la question énergétique.

En août, le rapport de l’inspection générale des finances et du Conseil général de l’économie signalait que la fermeture d’une des trois usines était « inévitable » sans nouveau soutien public. Depuis, l’actionnaire principal de KNS, Glencore, a annoncé qu’il cesserait de financer l’usine du Nord en février 2024 si « aucune nouvelle solution de financement n’était identifiée ». Dans la foulée, le plus gros actionnaire de la SLN, Eramet, confirmait stopper ses financements. Sa PDG, Christelle Bories, est actuellement sur le territoire.