Sofiane Bennabi, la pole dans la peau

Sofiane Bennabi lors de son passage au championnat interrégional du Sud-Ouest, l’an dernier. Il avait proposé un numéro les yeux bandés. © Évasion sport by Charles

Il passe sa vie accroché à une barre verticale. Médaillé de bronze au championnat interrégional de pole dance du Sud-Ouest le 20 avril à Hendaye, le Calédonien Sofiane Bennabi est professeur de danse dans les environs de Toulouse. Portrait d’une ascension fulgurante.

De Toulouse à Albi en passant par Foix et Carcassonne… Pour partager sa passion avec le plus grand nombre, Sofiane Bennabi n’hésite pas à se déplacer en train d’une école de danse à l’autre. Et entre les classes collectives, les cours privés, les compétitions et les spectacles, le Calédonien de 26 ans peut rester plus de 15 heures par semaine accroché à une barre en métal rotative. « La difficulté, c’est la douleur. Au départ, ça brûle la peau et ça fait des bleus. C’est une discipline dans laquelle il faut s’investir physiquement », explique-t-il.

Professeur de pole dance depuis un peu moins de deux ans, le Nouméen d’origine indonésienne par sa mère et arabo-espagnole par son père n’a pourtant pas beaucoup d’ancienneté dans le milieu. Ce n’est qu’en 2020 que Sofiane Bennabi passe le pas de la porte d’un studio de danse toulousain situé à cinq minutes à pied de son domicile. « La première fois que l’on m’a proposé d’essayer, je me suis un peu senti insulté. Je voyais surtout le côté strip-tease, cela ne m’attirait pas du tout », avoue-t-il.

Cours privés au rabais

Finalement, c’est le coup de foudre immédiat. Mais la joie n’est que de courte durée : après quelques séances seulement, le Covid-19 pointe le bout de son nez. « J’ai acheté une barre pour la mettre au milieu de mon salon dès la première semaine du confinement, raconte Sofiane. J’en faisais deux heures par jour, je me lançais des challenges pour maîtriser de nouvelles figures. »

Avec un corps déjà formé pour ce type d’effort, notamment grâce à plusieurs années de pratique de l’escalade, dont quelques compétitions sous les couleurs de l’équipe de Nouvelle-Calédonie, les progrès de l’autodidacte sont fulgurants.

© Phat Tran

Après un an d’entraînement intensif à domicile et en parallèle de son métier de vendeur en bijouterie, Sofiane Bennabi décide de donner des cours privés dans son salon aux personnes désireuses de s’initier à la pole dance. « Je n’avais aucune idée des tarifs, alors au début je faisais payer 5 € (environ 600 francs) les 1 h 30 de cours et en plus j’offrais le thé à la fin [rires]. »

Mais entre les cours et son travail, le Toulousain d’adoption fait un burn-out : « je travaillais depuis plusieurs années dans la galerie d’un centre commercial, je ne voyais pas la lumière du jour. Je voulais sortir de Toulouse, me reconnecter avec la nature. Alors j’ai choisi Foix. Cela me faisait un peu penser à la Calédonie, mais en plus froid ». Après quelques recherches, il tombe sur une école de pole dance qui recrute un professeur et tente sa chance.

Spectacles et compétitions

C’est là qu’il fait la rencontre de Cerone, champion du monde chez les plus de 50 ans, et Maureen Sunny, l’une des pionnières de la pole toulousaine, qui le poussent à participer à des compétitions. Médaillé d’argent au championnat interrégional du Sud-Ouest en 2023, où il s’incline finalement face au futur numéro 1 français, Sofiane Bennabi est monté cette année sur la troisième marche du podium. Ce n’est qu’un début pour celui qui a placé la barre haute : devenir champion de France afin de représenter son pays à l’international.

En parallèle, le Calédonien multiplie les spectacles à travers l’Hexagone. « Je n’oublie pas mon île pour autant. Mes vacances sur le Caillou en début d’année m’ont permis de découvrir une superbe communauté avec beaucoup de potentiel. Mais là, je sens que je dois d’abord lancer ma carrière. »

Titouan Moal

 

Cirque et strip-tease

La pole dance, sous sa forme actuelle, est née dans les tentes des cirques itinérants des années 1920, où les danseuses utilisaient le poteau soutenant le chapiteau dans leurs chorégraphies. Puis, à partir de la fin des années 1960 et avec l’apparition du Burlesque, la discipline quitte progressivement les fêtes foraines pour migrer vers les boîtes de strip- tease.

Ce n’est qu’en 2015 que la danse à la barre verticale est reconnue comme une discipline à part entière par le Conseil international de la danse de l’Unesco et gagne en quelque sorte ses lettres de noblesse.

Cette pratique doit notamment sa réputation sulfureuse au fait que les danseurs sont obligés de porter des tenues légères. Une nécessité car, pour adhérer convenablement, un maximum de peau doit être en contact direct avec la barre en métal rotative.

En vogue sur le Caillou

En Nouvelle-Calédonie, la pratique a été en partie développée par Nathalie Oddou, à l’origine de la première école de pole dance à Nouméa en 2012. Elle enseigne aujourd’hui cette discipline à près de 200 élèves, dont plusieurs ont ouvert leurs propres studios ou proposent des créneaux dans des écoles de danse de la capitale. « Quand je suis revenu sur le territoire en janvier, j’ai recensé quatre ou cinq associations, raconte Sofiane Bennabi. Il me semble qu’il y a même quelques pratiquants dans le Nord. »

Ces dernières années, l’activité se développe sur le Caillou, « notamment parce que l’image est en train de changer, elle est de moins en moins associée au “strip-tease”, explique Nathalie. J’ai beaucoup lutté contre cela au début, en prônant le côté physique et sportif du pole dance ».