300, ou la quête du score parfait

Jean-Yves Rolland, du Pacif’ik Bowling Club, s’est classé deuxième de la soirée du 25 mars, avec une moyenne de 181 points sur les huit parties, à moins d’un point du vainqueur, René Gervolino.© G.C.

Douze strikes d’affilée. Au Pacif’ik, à Ducos, plusieurs compétiteurs ont approché cette performance mythique. Le Graal du bowling réclame des qualités techniques, physiques, mentales et une parfaite connaissance du matériel.

Malcolm Xenie a déjà réalisé un score de 267, « mais c’était un coup de chance », soutient-il modestement. Ce soir, “Panda” est parti pour une autre belle performance. Un spare, cinq strikes, série en cours sur la piste 6. Malcolm lance à deux mains, comme son modèle, l’Australien Jason Belmonte. La boule glisse à 28,5 km/h, côté droit, puis la rotation prend le dessus. Virage à gauche, entrée dans la « poche », l’espace entre les deux premières quilles. Strike. Tapage de main avec les adversaires, toujours. Panda passe la boule au polish. « Quand elle glisse encore plus, je peux envoyer des tours. »

En Nouvelle-Zélande, un appareil a mesuré son lancer à 506 tours/minute. Pratiquant depuis un an à peine, il a plongé dans les statistiques. « Je mange bowling, je dors bowling… Même quand je suis à la salle [de musculation] ‒ il a participé aux championnats de Calédonie de bodybuilding 2023 ‒ entre deux exercices, je regarde des vidéos de bowling. »

DEPUIS LE COMMODORE

Deux pistes plus loin, Philippe Champeil partage cette addiction aux chiffres et à la technique, le jeune retraité de la SLN est spécialiste des briques réfractaires incorporées dans les fours de Doniambo. Compétiteur depuis 1984, du temps du Commodore, sur l’anse Vata, bowling en bas, boîte de nuit à l’étage, il est extrêmement attentif à l’huilage de la piste, qui sèche peu à peu. Les boules glissent moins, entament plus vite leur virage. Pour compenser cet effet, Philippe décale son point de lancer, prenant pour repère les 39 lattes qui composent toutes les pistes de bowling du monde. « J’ai commencé à la latte 23 et je vais finir à la 34 », prédit-il.

Encore faut-il choisir la bonne boule. Quand le novice lance une simple boule de polyester à coque dure et à noyau rond, le compétiteur choisit des boules réactives, percées sur mesure. La résine est plus souple, le noyau a une forme complexe, symétrique ou asymétrique, pour donner au lancer une trajectoire régulière ou brutale.

TENIR LA PRESSION

« Pour faire un strike parfait, on dit qu’il y a 180 paramètres à respecter », résume Ricardo Gremy. Le président de la Ligue calédonienne de bowling (52 licenciés), auteur d’un 279 il y a quelques années, invite à considérer la régularité comme la clé de voûte de son sport. « Il ne suffit pas de faire une belle partie. On en joue huit d’affilée, ça dure plusieurs heures. » On s’hydrate ‒ jamais d’alcool pendant les compétitions ‒ et on se restaure. Sur les coups de 20 heures, les croque-monsieur et les steak-frites-ketchup affluent du snack.

« Le plus dur, c’est d’être régulier quand on commence à être un peu fatigué, et surtout quand la pression monte. Quand tu fais un trou, il faut vite oublier et se remobiliser. Et quand tu enchaînes les strikes, il faut garder la tête froide. » Dans ces cas-là, Kika Takatai, seule femme parmi les 20 concurrents en Ligue A, joue la carte de la décontraction. « Je parle avec les gens pour me libérer de la pression. Si je me concentre trop, je joue mal. »

Malcolm applique aussi cette tactique, avec succès jusqu’ici. Après huit strikes consécutifs, tous les yeux sont rivés sur sa piste, où se dessine une performance rare. Mais la belle série s’arrête là, sur un 254 qui restera le meilleur score de la soirée, à quelque distance des 289 de Jean-Paul Ferreira, record du Pacif ’ik, et du mythique 300.

Gilles Caprais