2022 sera éminemment politique

La Nouvelle-Calédonie va sortir de son enfermement politique en début d’année avec des échéances nationales. Il faudra choisir les 10 et 24 avril le prochain président de la République ou, qui sait, la future présidente et, les 12 et 19 juin, nos deux députés. L’attention se portera ensuite à nouveau sur l’échelon local avec la période de transition qui doit aboutir en 2023 à la définition d’un projet commun et d’un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie. Les indépendantistes, eux, ont souhaité attendre la fin des élections nationales avant d’engager les discussions.

 

♦ Présidentielle

La campagne présidentielle est déjà engagée. Une trentaine de candidats sont déclarés, plus ou moins connus de l’opinion publique : Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon, Christiane Taubira, Fabien Roussel… Les candidats à gauche sont toujours plus nombreux et la primaire socialiste ne s’est pas préparée sous les meilleurs auspices. À droite, Valérie Pécresse, Nicolas Dupont-Aignan sont également candidats. Marine Le Pen et Éric Zemmour se partagent l’électorat d’extrême droite. Le président de la République, Emmanuel Macron, n’a pas encore officialisé sa candidature, mais celle-ci fait peu de doute.

Qu’on ne s’y trompe pas, cette élection est cruciale pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie : pas sûr que tous les candidats aient la même envie de garder ce territoire dans le giron français ou de respecter le processus en cours. Certains estiment, notamment, que le troisième référendum n’est pas recevable. Localement, les comités de soutien sont déjà actifs, et la course aux parrainages que certains candidats peinent encore à recueillir auprès des élus (maires, conseillers territoriaux, provinciaux, etc.) est engagée.

Le comité local de soutien à Emmanuel Macron, porté par Sonia Lagarde en 2017, a été réactivé et présenté au mois de décembre. Sa coordination est assurée par Christopher Gygès, membre du gouvernement. Il rassemble d’autres soutiens de la première heure comme Isabelle Lafleur, Françoise Suve, Nina Julié, Alesio Salega ou encore Jean-Pierre Delrieu et d’autres maires, à l’instar de Nicolas Metzdorf, Willy Gatuhau, Patrick Robelin. Plus récemment, Sonia Backes, présidente de la province Sud, et avec elle, une dizaine d’élus Les Républicains calédoniens, ont également apporté leur soutien à Emmanuel Macron, rompant avec le soutien traditionnel aux figures de la droite classique. 25 autres élus de la commune de Païta en ont fait de même. Ils estiment qu’Emmanuel Macron a eu un engagement sans faille en Nouvelle-Calédonie au plan politique, sanitaire et économique. Et qu’il sera à même de rassembler toutes les sensibilités dans une période où le dialogue sera indispensable.

Les soutiens, notamment du Rassemblement, à la candidate LR Valérie Pécresse.

Les soutiens à Valérie Pécresse (LR) se sont dévoilés début janvier. Ce groupe rassemble des membres du Rassemblement, Virginie Ruffenach, Thierry Santa, le sénateur Pierre Frogier, le maire de Dumbéa Georges Naturel, ou encore le maire de Boulouparis, Pascal Vittori. Pour eux, la présidente d’Île-de-France connaît bien le quotidien des Français et est « la seule candidate donnée gagnante dans les sondages face à Emmanuel Macron ».

Éric Zemmour a également son représentant en la personne de Brieuc Frogier. Ce dernier insiste sur sa volonté que la Nouvelle-Calédonie reste française, qu’il n’y ait pas d’autre référendum et qu’elle soit le pilier de la France dans le Pacifique avec une véritable base militaire.

Pour l’instant, les indépendantistes n’ont pas déclaré leurs préférences. Ils votent traditionnellement à gauche.

 

♦ Législatives

Philippe Gomes et Philippe Dunoyer, de Calédonie ensemble, sont les deux députés calédoniens.

 

Les élections législatives devraient donner lieu à de sérieuses batailles politiques. Il faudra, pour les futurs candidats, obtenir le soutien des partis nationaux. Elles s’organisent déjà en sous-main en filigrane de la présidentielle. En 2017, Calédonie ensemble avait raflé les deux sièges : pour Philippe Dunoyer sur la première circonscription (devant Sonia Backes et Charles Washetine en quatrième position) et Philippe Gomès dans la seconde (devant Louis Mapou), tous deux positionnés au sein du groupe UDI (Union des démocrates indépendants) et indépendants (centre) à l’Assemblée nationale.

Le camp non-indépendantiste détient ces sièges depuis leur création, en 1988. Le scrutin étant ouvert, comme l’élection présidentielle, à l’ensemble du corps électoral, cette élection ne devrait pas faire exception, en tout cas dans la première. Celle-ci, qui concerne Nouméa, les Loyauté et l’île des Pins, recensait au premier tour en 2017 un peu plus de 10 % de voix indépendantistes, et la seconde, qui regroupe la Grande Terre hors Nouméa et Bélep, 30 %, avec, au second tour, un écart de 5 000 voix entre Philippe Gomès et Louis Mapou.

Les candidatures devraient, là encore, être multiples. Le Rassemblement et les Républicains calédoniens ambitionnent de récupérer ces sièges, et il faudra aussi compter désormais avec Générations. Thierry Santa, président du Rassemblement, a devancé ses partenaires en annonçant que le parti présenterait ses deux candidats. À l’inverse, les indépendantistes adoptent généralement une stratégie unitaire.

 

♦ Période de transition

Sébastien Lecornu a demandé aux élus du Congrès d’esquisser une méthode et un calendrier de discussions.

 

Si le troisième référendum permet à la Nouvelle-Calédonie de sortir de la période des accords, il n’a pas réglé la question institutionnelle. Il laisse d’ailleurs un échiquier politique totalement divisé. Bien que le Non l’ait emporté une nouvelle fois, le scrutin a été marqué par une abstention massive de plus de 56 %. Les indépendantistes refusent toujours d’en reconnaître la légitimité et un premier recours a été déposé devant le Conseil d’État.

À partir du mois de juin, au commencement, donc, de la nouvelle mandature présidentielle et législative et selon la volonté des indépendantistes, les discussions officielles vont pouvoir reprendre. Durant cette période de transition doit être discuté le futur statut de la Nouvelle-Calédonie, validé par référendum au plus tard le 30 juin 2023. Il doit normalement porter sur un nouveau statut dans la République, mais l’on voit poindre l’ampleur des difficultés. L’objectif sera de sortir de l’opposition binaire entre le Oui et le Non et de construire un projet commun. Les indépendantistes doivent dire quelle est leur vision du futur, notamment au sujet du droit à l’autodétermination que certains non-indépendantistes veulent voir supprimé.

Une méthode et un calendrier doivent être esquissés prochainement. Le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a écrit en ce sens aux élus du Congrès. L’État prévoit également une nouvelle consultation de la société civile, plus large que celle déjà réalisée en 2021. Les Calédoniens pourront apporter leurs contributions sur le bilan de la période écoulée et exposer leurs aspirations pour l’avenir. Il y aura également un audit sur la décolonisation et les accords (Sébastien Lecornu doit aller à l’ONU en ce début d’année pour évoquer ce sujet) et des questions générales à traiter comme la lutte contre les inégalités sociales, la question du système fiscal et social.

 


Présidentielle 2017

 

Fillon au premier, Macron au second

Au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 en Nouvelle-Calédonie, François Fillon était sorti en tête au premier tour avec 31,13 % des suffrages exprimés, suivi par Marine Le Pen (29,09 %) et Emmanuel Macron (12,75 %). Au second tour, Emmanuel Macron avait obtenu 52,57 % des voix face à Marine Le Pen (47,43 %), qui réalisait ici son meilleur score.

 

Quels soutiens ?

Dès 2017, au premier tour, Emmanuel Macron était soutenu par Sonia Lagarde et Isabelle Lafleur. Le Rassemblement LR soutenait François Fillon, Philippe Gomès, Alain Juppé après l’affaire Fillon et le Rassemblement national, Marine Le Pen. Calédonie ensemble avait donné une liberté de vote, tout comme l’Union calédonienne (UC) et le Parti travailliste. Le Palika, l’Union progressiste en Mélanésie (UPM) ou encore le Rassemblement démocratique océanien (RDO), s’étaient prononcés pour Benoît Hamon.

Au deuxième tour, Emmanuel Macron avait rallié une bonne partie des représentants de Calédonie ensemble, ainsi que les principaux partis indépendantistes et, à titre personnel, l’un de ses leaders, Daniel Goa. L’UC, le Parti travailliste, le Rassemblement, Calédonie ensemble, avaient laissé la liberté de vote aux électeurs. Les principales personnalités de l’Union pour la Calédonie dans la France (UCF) telles que Gaël Yanno, Gil Brial, Philippe Blaise, s’étaient rangées derrière Marine Le Pen ainsi qu’Harold Martin, Simon Loueckhote et Sonia Backes (sans donner de consigne et sans la nommer)

 

Chloé Maingourd (© Archives DNC/C.M.)