14e Comité des signataires : réactions et explications

La première journée du 14e Comité des signataires était consacrée à Matignon aux questions électorales, institutionnelles mais aussi sécuritaires. Parmi les avancées les plus notables, la fin du litige électoral qui retardait et entravait la préparation des échéances à venir, les prémisses d’un calendrier et d’une méthode pour les discussions sur l’avenir institutionnel entre partenaires calédoniens. Et seul point noir : une réponse de l’Etat jugée légère sur l’insécurité en Nouvelle-Calédonie avec simplement la venue d’une mission d’observation. 

Les réactions à Paris. 

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Manuel Valls

« Je voudrais saluer tous les participants de ce comité car il y a eu un niveau d’intervention, un niveau d’écoute, un accord et des compromis, ce qui est indispensable si l’on veut préparer les nouvelles étapes (…) après des échanges denses et nombreux et exigeants en terme de concessions réciproques, les partenaires sont parvenus à un compromis, à un véritable pacte de confiance. Cet accord politique permet de régler définitivement la question des listes électorales spéciales pour les élections provinciales. Les partenaires considèrent que le litige sera définitivement clos une fois que les opérations ultérieures relatives à la radiation des électeurs effectivement inscrits après le 8 novembre 1998 aura été réalisées, au printemps 2016. Bien sûr les personnes concernées seront traitées avec respect, et pourront faire valoir leur droit dans une démarche contradictoire devant les commissions électorales et les tribunaux. (…)

Sur l’avenir institutionnel, Yves Dassonville, Alain Christnatch et Jean-François Merle nous ont présenté les conclusions des travaux menés par la mission sur ce sujet (…) Les partenaires se sont accordés pour donner une nouvelle impulsion aux discussions en vue de la préparation de la sortie de l’Accord de Nouméa et de la consultation de l’accession ou non à la pleine souveraineté au plus tard en novembre 2018. L’Etat a proposé à la fois une méthode de discussion et un calendrier. La méthode c’est de travailler à la fois sur ce qui rapproche et sur ce qui distingue par l’établissement des points de convergence et de divergence sur les domaines régaliens : monnaie, défense, relations internationales, citoyenneté, justice, forces publiques et libertés publiques. Ces groupes de travail se tiendront à Nouméa sous l’égide du Haut-commissaire. Nous avons tous souhaité un calendrier resserré. 2015 a été l’année de l’analyse, 2016 doit être l’année de la formulation des positionnements avant l’échéance électorale de 2017 »

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George-Pau Langevin

« Chacun a fait un effort dans la continuité de ce que nous avions souhaité au mois de juin dernier. On s’était dit qu’on allait objectiver la situation et en fonction de cela on pourra prendre des décisions politiques sur qui ou pas doit figurer sur cette liste provinciale. On a vu chacun faire un pas. Le rapport fait par monsieur Mélin-Soucramanien a permis de distinguer plusieurs catégories. On avait environ 900 personnes arrivées après novembre, 120 personnes dont on ne retrouve trace nulle-part dans les fichiers et 2300 personnes arrivées entre 1988 et 1998. Ce qui a été décidé, après évidemment des discussions assez fermes, ça a été de dire que ceux arrivés après novembre 1998 n’ont pas vocation à figurer sur la liste. Par conséquent, il va y avoir une procédure de levée d’anonymat qui permettra de transmettre aux commissions concernées le dossier des personnes visées. Elles seront alors conviées à s’expliquer au vue de leur radiation. Si elles peuvent prouver qu’elle étaient effectivement en Nouvelle-Calédonie avant 1998, elles ne seront pas radiées ».

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Pierre Frogier (Les Républicains) 

« Il me semble que ce comité est une nouvelle étape, un nouveau pas. Il y a de nouvelles avancées et pour ce qui m’intéresse, c’est à dire l’avenir institutionnel, la proposition du Premier ministre qui est de se retrouver autour d’une table entre formations politiques, pas seulement entre experts, pour discuter, pour définir ce qui nous rapproche et ce qui nous éloigne en fonction des travaux d’expertise est un premier pas vers un rapprochement de nos points de vue et je ne doute pas que cela nous amènera tranquillement vers un nouvel accord. S’il ne s’agissait que du scrutin d’autodétermination tel qu’inscrit dans la loi de 1998, nous n’aurions pas besoin de nous parler avant. Le scrutin d’autodétermination s’impose à nous. Moi je ne le souhaite pas car je sais que ce n’est pas une solution pour la Nouvelle-Calédonie. Dans un second temps, on verra comment faire en sorte que tout nous rapproche. Mais je quitte ce Comité des signataires en estimant que nous avons fait un premier pas pour définir une méthode qui sera favorable à la Nouvelle-Calédonie ».

Sonia Backes (Les Républicains) 

« Le point très positif de cette journée c’est que le litige électoral est enfin clos politiquement après sept heures de débat. Cela fait 15 ans que l’on traîne ce litige électoral, 15 ans que l’Union calédonienne revendique, attaque, fait des recours notamment à l’ONU. La clôture de ce litige est tout de même exceptionnelle et les personnes concernées par les recours peuvent se satisfaire que ce soit désormais terminé. Sur l’avenir institutionnel, le début de quelque chose est en train de se former. Je ne sais pas ce que cela donnera puisqu’on a seulement validé le calendrier et la méthode.

Le point négatif de cette journée reste la question de la sécurité. L’Etat n’a pas été assez loin, il n’est absolument pas à la hauteur de ce qu’on attendait. La situation en Nouvelle-Calédonie est dramatique, tout le monde est concerné par les cambriolages et les agressions physiques et verbales. Et on a un Etat qui nous propose une mission d’observation. Ce n’est pas du tout à la hauteur des enjeux et si l’Etat prend pas la mesure de la situation en Nouvelle-Calédonie, c’est explosif ».

Harold Martin (Les Républicains)

« On n’a pas avancé. La réalité est« que va-t-il se passer en 2018 ? ». Les indépendantistes ont toujours le même discours, c’est à dire qu’il faut aller au référendum par ce qu’ils veulent l’indépendance. Mais si on va jusqu’au référendum, il n’y aura pas d’indépendance. Après, je comprends le Premier ministre. Lui, son exercice s’arrête en mai 2017 pour la présidentielle. Donc son soucis, c’est de faire en sorte que tout ce passe bien d’ici-là (…)

Sur le corps électoral, on a accepté de revenir sur 1072 cas dont on a aucun élément. Ces personnes auraient reçu une lettre leur demandant des justificatifs avec un accord pour qu’elles soient radiées. Mais tout cela ne marche plus, à partir du moment où l’UC remet en cause tout le reste, il n’y a plus de raison de se mettre d’accord sur les 1072. Enfin moi, je m’opposerai à ce qu’on les supprime si on a pas résolu le reste. A la sortie de ce comité, il y a une bonne sérénité. Oui, l’UC n’est pas d’accord mais tous les autres groupes politiques le sont ».

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Philippe Gomes (Calédonie ensemble) 

« Nous avançons lentement sur le chemin d’un consensus éclairé. Ce n’est pas un chemin facile bien sûr mais on a définitivement mis derrière nous l’affaire du corps électoral. C’est un poids de moins dans la vie politique calédonienne puisque l’on traîne ce boulet depuis 15 ans et que cela a largement pollué les relations entre indépendantistes et non indépendantistes. Et puis surtout, on a pris un élan nouveau pour définir nos accords et nos désaccords sur la sortie de l’Accord d’ici le mois d’octobre prochain. Nous allons essayer d’arriver à une somme de convergences et une identification des divergences de façon à éclairer le lendemain du référendum quel qu’il soit.

Matignon a essayé de trouver un compromis entre la volonté d’un scrutin d’autodétermination exigé par les indépendantistes (ils veulent que la question de l’indépendance soit clairement posée), une volonté consensuelle de certains autres comme les Républicains qui refusent le choix binaire et la volonté de Calédonie ensemble qui dit qu’il faut éclairer le lendemain quel qu’il soit.

L’ensemble de ces éléments nous conduit aujourd’hui à nous engager dans une démarche où l’on va dire quelles sont nos convergences et de se positionner en fonction d’elles. Au mois d’octobre, on aura ce qui nous rassemble et qui est fondamental – puisqu’on a toujours dit que 90% du projet de société de demain pouvait nous rassembler – et ce qui continue à nous diviser même quand on fait tous les efforts nécessaires pour se rassembler. Au moins les Calédoniens seront éclairés de manière plus précise sur ce qu’il se passera au lendemain du référendum de 2018. J’ai senti moi une dynamique positive, une démarche très volontariste des uns et des autres même si chacun est ferme sur ses convictions. Ce n’est pas un long fleuve tranquille mais il y a une réelle volonté d’aboutir et quand cette volonté est présente, on doit finir par trouver le bon chemin ».

Rock Wamytan (UC) 

« Sur les quatre points à l’ordre du jour, trois n’ont pas posé de problèmes particuliers. Par contre sur le litige électoral, nous ne sommes pas tout à fait satisfaits. L’évaluation quantitative du litige électoral faite l’année dernière pour les élections provinciales portait sur 3974 personnes que nous avons estimées par l’intermédiaire de la commission politique et citoyenneté. Ces personnes étaient donc, pour nous, indûment inscrites sur les listes électorales.

L’expert Mélin-Supramanien vient de nous confirmer les résultats que nous connaissions déjà : environ 1062 personnes sont arrivées après 1998 dont 180 personnes à peu près dont on ne trouve aucune trace nulle part dans les fichiers. Or, on les retrouve sur la liste électorale spéciale pour les provinciales. Cela nous donne raison. Nous avons convenu d’une levée de l’anonymat et d’une radiation par les commissions électorales si ces personnes n’apportent pas la preuve de leur arrivée avant 1998.

Là où nous ne sommes pas tout à fait satisfaits, c’est sur les 2300 personnes arrivées entre 1988 et 1998. D’abord parce qu’elle ne sont pas inscrites sur la liste générale alors que la loi les y oblige. Le problème c’est que certaines personnes que nous avons pu identifier sont arrivées, sont restées deux ou trois ans puis sont reparties. Et elles restent inscrites sur les listes électorales. A partir de ce moment là, même si certaines sont revenues depuis, elles n’ont plus le droit d’être inscrites à moins de produire un justificatif de leur départ. C’est pour cela que le débat a duré 7 heures. Le débat est clos politiquement sur cette question qui a bénéficié d’une décision majoritaire à laquelle notre groupe politique n’a pas partagé, mais nous nous y plions ».

Propos recueillis à Paris par Myriam Grandcler

Photos HC/M.G.