« Pratiquer le zéro déchet, c’est alléger sa vie »

Béa Johnson, figure du mouvement international « Zero Waste » ou « zéro déchet » à la maison était de passage en Nouvelle-Calédonie. Au détour de sa conférence, elle nous a expliqué comment ce mode de vie et de consommation est, chez elle, source de bonheur et d’économies et non pas de prise de tête ! De quoi bousculer un peu les idées préconçues …

Tenez-vous bien : la poubelle annuelle de la famille Johnson tient dans un petit bocal d’un quart de litre. On y trouve quelques petits bouts de papier. On aurait presque le vertige en pensant au nombre de poubelles qu’on a sorties ces derniers mois sans même y penser (environ 438 kilos par an et par habitant en province Sud)…

Mais Béa Johnson n’a pas toujours été une image du « Zero Waste ». Cette Française vivait en toute opulence son rêve américain dans une banlieue résidentielle de San Francisco. Jusqu’à ce qu’elle décide, avec son mari, de vivre plus simplement et différemment, de s’arracher au monde de l’hyperconsommation. Une démarche qui les a finalement poussés à faire le vide dans leurs affaires, à changer leurs habitudes et au final, à trouver un autre équilibre, source de bonheur.

« Irresponsables »

C’est lors d’un déménagement que Béa et son mari, Scott, ont ouvert les yeux sur les tonnes d’« affaires inutiles » qu’ils avaient collectées au fil des années. En deux ans environ, ils se séparent de 80 % de leurs affaires, s’installent délibérément dans une maison plus petite. Dans cette démarche de simplification, ils vont plus loin et remettent finalement en question toutes les activités quotidiennes de leur famille. Ils débranchent la télé, annulent leurs abonnements à diverses publications, stoppent les virées shopping « devenues un passe-temps sans intérêt, un prétexte pour sortir et s’occuper ».

Avec ce temps libre, ils se sensibilisent aux questions environnementales qui les préoccupaient déjà sans qu’ils ne les intègrent dans leur vie. Comme beaucoup d’entre nous, ils étaient friands des déplacements en voiture, buvaient de l’eau en bouteille, mangeaient parfois des plats surgelés entourés de plastique, utilisaient d’innombrables produits toxiques. « Nous étions devenus des citoyens et des consommateurs irresponsables », explique Béa Johnson. « Furieux » d’enseigner cela à leurs enfants, ils « ouvrent les yeux » : lui, démissionne et crée sa propre entreprise de conseil en développement durable et, elle, devient une spécialiste de la démarche « zéro déchet ».

Cinq règles pour viser le zéro déchet

« Comprenant que le recyclage n’était pas la solution miracle à la crise environnementale », Béa Johnson entreprend d’instaurer des alternatives écologiques à la maison, des astuces qu’elle détaille dans ses publications et expose lors de conférences à travers le monde.

Pour faire court, elle propose cinq règles pour un style de vie zéro déchet :

• La première étape consiste à refuser ce dont nous n’avons pas besoin. Par exemple, les articles à usage unique, les cadeaux promotionnels, les publicités dans les boîtes aux lettres, les reçus …

• Ensuite, il faut réduire, limiter sa consommation, ses achats, ses effets personnels, ses déplacements en voiture, la technologie, éviter les activités qui soutiennent ou qui incitent à la consommation (magasines, etc.), échanger, vendre, donner ce qui peut l’être.

Réutiliser. Refuser et réduire vous auront déjà permis d’éliminer le superflu. La réutilisation est, selon Béa Johnson, le
« pivot central » du zéro déchet. On fait ses courses avec des contenants réutilisables, on emprunte, on troque, on loue, on achète d’occasion, on répare, on récupère.

Recycler. Nous sommes bien placés pour le savoir, le recyclage dépend beaucoup de ce qui est mis en place localement par les villes, les entreprises… Béa Johnson nous incite à nous renseigner et quand le système en place n’est pas satisfaisant, à appliquer toutes les autres règles pour minimiser ce qu’il y aurait à recycler !

Composter. Cette fois, c’est possible, il s’agit de recycler les matières organiques. Et en y pensant à l’avance, on privilégie les matériaux compostables en bois, par exemple.

Exemples pratiques 

Dans son livre et au fil de ses conférences, Béa Johnson donne de nombreux exemple de la vie courante.
Dans un processus de « désencombrement », elle conseille ainsi de réduire au maximum tous les ustensiles et gadgets dans sa cuisine. Ai-je besoin de quatre cuillères en bois ? Le trop-plein pourra être donné ou échangé.

Elle conseille de bannir l’essuie-tout, les mouchoirs en papier, les bouteilles d’eau, les films alimentaires, les filtres à café, les sachets de thé… Elle préconise de faire une liste de courses, ce qui évite les oublis, les achats compulsifs et les multiples trajets. Elle favorise les achats en vrac, le shopping avec des paniers, des sacs en tissu, les contenants en verre, les sacs à pain. Il est important également, dit-elle, de revoir ses recettes.

Béa Johnson a par ailleurs revu ses produits d’entretien. Le vinaigre blanc remplace la panoplie de produits ménagers que nous utilisons. Dans la salle de bain, elle évoque la coupe menstruelle, les liquides en vrac, le savon solide… À noter que Béa Johnson fabrique son maquillage elle-même, à partir de diverses poudres et utilise des recettes de grand-mère pour les petits maux du quotidien. Niveau hygiène toujours, elle parle du retour aux bons vieux mouchoirs en tissu et choisit du papier toilette recyclé, à défaut d’avoir un WC japonais.

La garde-robe de chacun des membres de la famille tient dans une valise. Elle compte personnellement « quinze pièces » qui lui permettent de s’habiller « hiver comme été ».

L’épicerie en vrac du Faubourg-Blanchot est la première du genre sur le territoire. Elle permet aux consommateurs de se procurer des produits sans emballage.

Avantages

Si la famille de Béa Johnson n’a pas atteint complètement le « zéro déchet », elle n’est en tout cas pas loin du but. Et les avantages mis en avant sont multiples. Il y a d’abord, évidemment, l’impact environnemental : moins de pollution, plus de préservation. Mais la qualité de vie de la famille Johnson s’est améliorée à d’autres niveaux. La conférencière explique qu’ils font jusqu’à 40 % d’économies, « l’avantage le plus facilement quantifiable ». Elle estime, par ailleurs, que sa famille est en « bien meilleure santé qu’avant », avec une nourriture plus saine, plus d’activités en plein air, moins d’exposition aux produits toxiques.

Béa Jonhson insiste aussi beaucoup sur le gain de temps de ce style de vie. D’ailleurs, elle n’est pas forcément adepte du « tout fait maison », au risque de se retrouver à ne faire plus que ça ! « En se débarrassant du superflu, en arrêtant d’accumuler et en changeant les habitudes », la gestion du foyer peut être facilitée. « Réutiliser permet en particulier de gagner le temps que l’on perd à acheter, transporter ou se débarrasser des articles jetables », poursuit-elle. Du temps qui permet de s’impliquer dans sa communauté, dans des activités saines. L’idée répétée par la conférencière est bien d’atteindre le bonheur, l’équilibre et non pas de s’enfermer dans des règles et de s’épuiser ! En discutant avec Béa Johnson, nous tombons d’accord sur le fait qu’il s’agirait finalement d’un retour au bon sens, appliqué naturellement par nos parents ou grands-parents.

C.M.


Le concept

La démarche « Zero Waste » ne consiste pas à recycler plus, mais à produire moins de déchets.

Le terme « zéro déchet » est une traduction de l’anglais « zero waste » littéralement « pas de perte », « pas de gâchis ».
Adhérer à cette démarche, c’est se donner un objectif de réduction du gaspillage et des déchets au quotidien en allant plus loin que la simple intégration du recyclage dans notre gestion de ces déchets. « L’objectif n’est pas de produire toujours plus de déchets sous prétexte qu’ils sont recyclables, mais d’en produire moins et de gérer autrement les déchets existants », peut-on lire sur le site Zero Waste France.

Le mouvement Zero Waste s’appuie sur la réutilisation de tous les produits et/ou de leurs composants (réparation, troc, vente d’occasion). Au niveau des emballages, il exclut les modes de distribution reposant sur le jetable, au profit des systèmes basés sur la réutilisation (consignes, vente en vrac…).

À une échelle plus globale, il se base aussi sur la modification des modes de production « afin qu’ils deviennent sobres et efficients dans l’utilisation des ressources naturelles et de l’énergie, permettant de réduire l’utilisation des matières premières ». Il s’agit de passer de modes de production « linéaires et toxiques » à des systèmes « circulaires et résilients », grâce aux progrès de l’éco-conception.

En limitant au maximum les déchets, le Zero Waste a pour objectif l’élimination du stockage en décharge ou de la combustion partielle en incinérateur.
En Europe, plus de 400 villes ont rejoint le réseau Zero Waste. San Francisco, où réside Béa Johnson, a été l’une des premières villes à atteindre la valorisation complète de tous ses déchets, 100 % recyclés ou compostés.