SMA : « Un acteur naturel du destin commun »

Nommé commandant au 1er août 2015 du SMA, Service militaire adapté, le général Luc de Revel vient de passer quelques jours en Nouvelle-Calédonie en mission d’inspection annuelle. Pour l’ancien commandant des Fanc, Forces armées de la Nouvelle-Calédonie, il s’agissait autant d’un retour aux sources sur un territoire qu’il connaît et qu’il apprécie, que d’une revue d’ensemble d’un dispositif qui fait ses preuves en Nouvelle-Calédonie depuis trente ans. 

 

DNC : Vous êtes depuis à peine un an à la tête du SMA et vous en connaissez sur le bout des doigts le fonctionnement. Quelle en est la philosophie ?

Luc de Revel : Le SMA est un dispositif militaire d’insertion professionnelle destiné à des jeunes qui sont déscolarisés, sans emploi ou sans formation. L’objectif est de redonner une formation globale à ces jeunes de manière à leur permettre de s’insérer dans le monde professionnel.

DNC : Dans ce cadre spécifique, considérez-vous que l’armée soit dans son rôle ?

Luc de Revel : Je ne sais pas si l’armée est dans son rôle mais ce que je peux vous dire, c’est qu’il s’agit d’une mission qui a été confiée à des militaires qui œuvrent au ministère des Outre-mer et qu’elle possède un caractère social.

Le SMA, à l’origine, était une forme du service militaire du temps où il était obligatoire. Donc cette forme a perduré après la fin du service national mais elle peut non seulement être comprise comme une mission sociale mais aussi comme une mission de l’État au profit d’une partie de sa jeunesse. Les aspects défense ont en partie disparu. Est donc resté ce rôle plus spécifiquement social.

DNC : Le SMA s’adresse à nos compatriotes ultramarins, comme ici, en Nouvelle-Calédonie. Avez-vous une attention particulière à l’égard des spécificités de chacun des territoires sur lesquels vous intervenez ?

Luc de Revel : C’est le cas dans la mesure où chaque régiment doit être véritablement intégré dans son environnement, qu’il soit institutionnel, économique ou humain. Nous avons donc en permanence cette volonté d’être en phase avec tous nos partenaires locaux.

DNC : Vous effectuez une inspection du régiment du SMA de Nouvelle-Calédonie, trente ans après sa création au moment des « Événements ». Comment jugez-vous, à la fois en tant qu’ancien commandant supérieur des Fanc et aujourd’hui commandant du SMA, le rôle qu’a pu jouer le Service militaire adapté au cours de cette période de l’histoire récente du pays ?

Luc de Revel : La volonté politique initiale d’installer le SMA en Nouvelle-Calédonie, en particulier dans ce qui est devenu la province Nord, traduisait le souhait  de participer au rééquilibrage. Dans ses fonctions propres, je pense que le SMA est une réussite, il n’y a qu’à voir le fait que de très nombreux jeunes kanak se sont reconnus dans ce dispositif. Ils l’ont rejoint volontairement et ils restent encore un outil de ce vivre ensemble qui a participé au retour à une harmonie sur le territoire et effectivement à la création d’une sentiment de destin commun.

DNC : Historiquement, le SMA a donc formé, éduqué et inséré de nombreux jeunes kanak. Est-ce qu’aujourd’hui il n’a pas vocation à être acteur de ce destin commun que vous évoquez et d’intégrer plus largement les autres communautés du pays ?

Luc de Revel : Le SMA est acteur de fait, mais il n’a pas pour vocation d’être un moteur de ce développement. Toutefois, il est un acteur naturel de ce destin commun parce qu’il est ouvert à l’ensemble des jeunes qui veulent bien le rejoindre. La communauté kanak s’est reconnue dans le SMA et y est venue avec enthousiasme, je crois, parce que cela répondait à une besoin et une envie. Je souhaite que cette envie demeure et que, dans la mesure du possible, d’autres communautés se reconnaissent aussi dans cet outil. C’est en ce sens que le SMA est un outil du destin commun. On sait bien que si des jeunes d’origines différentes se retrouvent ensemble, se forment ensemble et travaillent ensemble, ils participent de fait à la création d’une véritable collectivité calédonienne.

DNC : Dès l’origine, le choix a été fait d’installer le SMA dans le Nord. Est-il souhaitable à l’avenir d’étendre cette implantation sur les autres provinces ?

Luc de Revel : Il s’agit d’une question fréquemment posée. Nous pouvons, en effet, y réfléchir. Il appartient, je crois, aux Calédoniens d’y réfléchir aussi. Il leur appartient d’estimer collectivement s’ils souhaitent ou pas, en fonction des objectifs du SMA, une forme de rééquilibrage de l’implantation géographique du Service militaire adapté. Mais je le redis, c’est avant tout une réflexion calédonienne globale.

Ensuite, si cette volonté faisait consensus ici, il nous appartiendrait d’en étudier les modalités, mais nous n’en sommes pas à cette étape. La réflexion n’est pas interdite mais nous n’en sommes qu’au stade de la réflexion.

DNC : Aujourd’hui la France est attaquée, menacée, visiblement ébranlée dans ce que sont ou ce que doivent être ses valeurs. Des voix s’élèvent pour demander le retour du service militaire. Comment le commandant du SMA réagit-il à cette revendication ?

Luc de Revel : Je constate, effectivement, qu’il y a ici ou là, je l’ai d’ailleurs constaté lorsque j’étais commandant supérieur des Fanc et je l’entends toujours aujourd’hui, une certaine forme de regret ou de nostalgie du service militaire. Il est vraisemblable qu’il répondait à un besoin, je crois aussi que celui dont nous sommes nostalgiques, un peu un service militaire rêvé, ne correspond plus exactement avec ce qu’il était, notamment dans ses dernières années d’existence. On sent bien néanmoins qu’il existe une certain nostalgie d’une forme de service qui permette de mettre ensemble toute la jeunesse d’un pays, d’un territoire ou d’une collectivité pour lui apprendre à développer ce sentiment collectif et d’appartenance commune. Le SMA, pour certains, répond au moins en partie à ce besoin. C’est en tout cas ce que j’ai pu voir et c’est sans doute la raison pour laquelle certaines communautés s’y retrouvent particulièrement. Il me semble que des projets, en Nouvelle-Calédonie ou ailleurs, de service civique peuvent aussi constituer une réponse à cette demande. Au niveau national, il n’est pas envisagé de remettre une activité de service militaire mais la réflexion sur des services alternatifs, que ce soit en métropole ou ici, peuvent constituer une partie de la réponse. Jusqu’où ira t-on ? Je ne le sais pas, mais je suis persuadé que ces services civiques sont une réponse à ce besoin exprimé de servir.

 


 

Le SMA en chiffres

Fin 2015, le SMA (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie et Polynésie) comptait 5 764 bénéficiaires dont 4 606 volontaires stagiaires, dont 530 en Nouvelle-Calédonie. L’évolution des objectifs va d’ailleurs se poursuivre pour atteindre un total de 6 000 bénéficiaires en 2017. Le pourcentage global de jeunes femmes dans les effectifs du SMA s’élève à 26 % mais il atteint plus de 42 % sur les sites de Koumac et Koné. On retiendra aussi que les taux de réussite en Nouvelle-Calédonie sont parmi les meilleurs de tous avec par exemple 85,4 % au permis de conduire pour une moyenne de 78 % ou 89,2 % pour le certificat d’aptitude personnelle à l’insertion, soit cinq points de plus que la moyenne nationale. À retenir aussi, car c’est l’un des objectifs majeurs et fondateurs du SMA, le taux d’insertion qui dépasse désormais les 76 %, faisant du Service militaire adapté un tremplin unique pour accéder à l’emploi.

 

Des formations en étroite adéquation avec la demande

Détachement, groupement et finalement régiment depuis le 26 juillet 2012, le Service militaire adapté a trouvé une place de choix dans le cœur des Calédoniens.

Au-delà de l’encadrement, c’est aussi et sans doute avant tout en raison des opportunités qu’il offre chaque année à des centaines de jeunes du pays d’accéder à une formation et une possibilité d’insertion dans la société, qu’il a trouvé une place unique dans le système. En pratique, la compagnie de commandement de formation professionnelle et de logistique est basée à Koumac, le site qui a vu naître le SMA. C’est là que s’organisent les services du régiment. Y sont dispensées les formations en hôtellerie et restauration, celles en lien avec la terre et l’agriculture et aux métiers du transport et de la logistique et donc logiquement les formations et, le cas échéant, la délivrance des permis de conduire. Koumac accueille également la première compagnie de formation professionnelle destinée aux agents de prévention et de sécurité, sapeurs-pompiers volontaires, auxiliaires d’autonomie ou encore aux agents de maintenance informatique. L’autre grand pôle d’activité du Service militaire adapté est implanté sur la commune de Koné avec trois plates-formes principales : les métiers de la mine, du bâtiment et le secteur industriel.

 

C.V