L’alcool, un fléau politique aussi…

Après l’enterrement du plan ISA, la naissance avortée du plan Do Kamo, il semble que nos élus aient la plus grande difficulté à se positionner avec bon sens et sans démagogie sur le problème de la consommation excessive d’alcool. Un constat qui s’est une nouvelle fois illustré ces derniers jours …

Il aura malheureusement fallu cette séance pour que l’on reparle de notre positionnement face à l’alcool et à la consommation massive en Nouvelle- Calédonie liée à toutes les formes de délinquance et à des problèmes sanitaires d’ampleur. Et c’est une nouvelle fois par des mesures économiques que l’on a traité le sujet.

Mercredi dernier en effet, les élus devaient se positionner sur la taxation des boissons alcoolisées et sucrées, importées ou locales, et il a été décidé, à la majorité, de maintenir un taux majoré pour les boissons alcoolisées importées (whisky, vodka, rhum) mais de préserver l’avantage fiscal existant pour la production locale avec un taux à 3 % contre 22 % visiblement envisagés par le gouvernement.

TGC…

À peine sorti du Congrès, le groupe Calédonie ensemble a fustigé les indépendantistes, les Républicains et l’UCF qui se sont positionnés en faveur de l’amendement déposé par l’Union calédonienne sur la minoration des taxes pour la production locale. « Une forte taxation, que les entreprises fabricantes peuvent supporter, aurait contribué à réduire la consommation… à limiter les consommations excessives d’alcool. »

La décision a également fait « bondir » l’Association de prévention routière qui œuvre depuis les années 2000 contre les accidents de la route dans lesquels, rappelle-t-elle, l’alcool est impliqué dans 60 % des cas. « Cette journée est à marquer d’une pierre noire, s’est indigné Jean-Michel Leveque, vice-président de l’association. Les élus avaient l’occasion de résoudre un problème économique et de santé publique et ils ne l’ont pas fait ». Le message est on ne peut plus « navrant », estime le médecin urgentiste, qui souligne que l’alcool, consommé dans des proportions incroyables localement, est « un neurotoxique comme le mercure, une drogue plus addictive que la cocaïne ». « On vient dire que c’est un produit de première nécessité ! Et on vient dire que si c’est produit localement, c’est moins grave ! » Même colère pour Gilles Palix, le président de l’association : « On avait l’occasion d’avancer et, au lieu de cela, on a eu une énième trahison au nom de l’emploi local ».

L’UFC-Que choisir s’est également emparée du sujet. Par voie de communiqué, l’Union des consommateurs a renchéri. « Nous avons toujours indiqué qu’une taxe à la consommation comme la TGC ne devait pas se limiter à assurer des rentrées fiscales, mais devait aussi refléter des choix de société. » Pour elle, vu le contexte calédonien, la décision prise par le Congrès est « au mieux un très mauvais signal au consommateur, au pire, un acte irresponsable ».

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… Ou taxe comportementale

Face à ce branle-bas de combat et à l’incompréhension ambiante, les Républicains ont tenu à s’exprimer ou plutôt, disent-ils, « à rétablir la vérité » sur la volonté des uns et des autres lors de cette séance.

La « vérité », juge le groupe, est que Calédonie ensemble a engagé une « campagne de désinformation ». Pour les Républicains la majorité des élus avait en effet fait savoir que l’augmentation de la pression fiscale sur ces produits était nécessaire mais qu’elle devait se faire par « l’instauration d’une taxe comportementale dédiée » (prévue par le plan Do Kamo) et non par une simple délibération sur les taux de TGC, une « taxe aveugle » dont le rendement « ne sera pas forcément affecté aux campagnes de prévention et qui ne rentrera de surcroît en vigueur qu’en juillet 2018 ».

« Ces propos relèvent de la démagogie, ce sont des effets d’annonce qui illustrent surtout la totale incapacité du gouvernement à lutter efficacement contre les problèmes liés à l’alcool », a fait valoir Grégoire Bernut. Après l’enterrement du plan ISA lors du changement de pouvoir, le non- démarrage du plan Do Kamo, un programme quinquennal pour la sécurité routière 2014-2018 avait aussi été adopté et pourtant, force est de constater que rien n’a avancé.

Nouveau plan

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Les Républicains ont décidé de déposer plusieurs propositions de délibérations modifiant les textes relatifs à la lutte contre l’alcoolisme. Ce plan reprend les principales mesures du plan ISA.

Un premier axe concerne la distribution et la promotion de l’alcool. Il est proposé d’instaurer des caisses dédiées, ou des « bottle shops », à l’instar de ce qui se fait en Australie. L’alcool y serait accessible sous présentation d’une pièce d’identité et un fichier permettrait de refouler les personnes ayant déjà commis des délits ou des crimes, sous l’emprise d’une consommation d’alcool. Il est ensuite proposé d’interdire les campagnes publicitaires dans la presse écrite et les campagnes de réduction de prix de boissons alcoolisées dans les commerces.

Le deuxième volet concerne l’augmentation de la fiscalité de l’alcool à travers une taxe dédiée, la taxe sur les tabacs et l’alcool (TAT3S), qui existe, qui est déjà affectée à l’Agence sanitaire et sociale et dont le rendement supplémentaire (deux milliards de francs) « devrait permettre de financer de nouvelles campagnes de prévention ». L’alcool augmenterait de 20 %…

Enfin, le dernier axe prévoit le renforcement des moyens d’intervention et des sanctions pour ivresse sur la voie publique : ici les Républicains soutiennent la proposition de l’Union pour la Calédonie dans la France (UCF) sur la destruction des boissons par les forces de l’ordre (extension aux policiers municipaux). Ils proposent enfin de faire évoluer le niveau des amendes de la première à la deuxième catégorie (de 4 600 F à 18 000 F), comme en métropole.

Ces textes devraient être abordés mardi en séance du Congrès.


Une problématique déjà « discutée » pour le groupe Le Froid

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La solution d’une nouvelle contribution est aussi acceptée par la société Le Froid, qui a tenu à répondre à Calédonie ensemble par la voix de Matthieu Caillard, président du conseil d’administration. « Nous continuerons à mener des actions dans l’espace de travail bien

défini par le gouvernement et le Congrès, à savoir le plan Do Kamo, qui prévoit bien cette nouvelle contribution. La société Le Froid y est favorable dans la mesure où cette nouvelle taxe doit être un outil de progrès, incitatif à la reformulation de l’offre alimentaire et affectée à la mise en place d’actions de prévention concrètes. Soit tout le contraire de la TGC qui est une taxe aveugle car basée sur le chiffre d’affaires et affectée au budget de fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie ».

La société Le Froid de rappeler que tous les groupes politiques avaient identifié la problématique, « qui consistait à soutenir l’industrie locale en cette période de crise » et de préciser enfin que ce taux réduit ne correspond pas uniquement aux produits de première nécessité, comme Calédonie ensemble l’avance, mais aussi à d’autres produits transformés localement, comme « le sucre de canne ou de betterave, conserves de poissons, graisses et huiles végétales, etc. ».


Ce qu’on en pense …

Comme l’illustre ce nouvel épisode, nos élus, de quels que bords politiques soient-ils, ont toujours autant de mal à faire face au problème de la consommation excessive d’une certaine partie de la population en Nouvelle-Calédonie, par électoralisme peut-être, ou par manque de préparation et d’imagination. Une nouvelle fois, ils envisagent de pénaliser la population dans son ensemble, alors qu’heureusement, tous les Calédoniens ne sont pas des ivrognes… et le commerce, qui n’est pas responsable des addictions des uns et des autres. Exactement comme ils l’avaient fait avec les mesures visant à interdire la vente d’alcool certains jours, qui ont bien prouvé leur inefficacité !

Ils veulent faire augmenter les prix et instaurer des bottle shops sans se soucier une minute des nombreux commerces qui vont sérieusement pâtir de cette situation, et des personnes sans problèmes qui vont devoir une nouvelle fois mettre la main au portefeuille. Ont-ils seulement lu les études qui ont prouvé que les diverses interdictions, ou l’augmentation des prix étaient inefficaces ? Ces réactions prouvent une nouvelle fois la difficulté de nos représentants à prendre le problème de la délinquance et de l’addiction à la base plutôt qu’en en bout de chaîne.

C.M.