Des signes pour mieux consommer

Les labels de qualité ont été officiellement inaugurés, vendredi, à la Foire de Bourail. L’occasion pour les partenaires, institutionnels et professionnels, de revenir sur ces signes et leur intérêt dans une optique d’indépendance alimentaire.

La Foire de Bourail est LE rendez- vous agricole de l’année. L’aspect commercial a certes pris le pas sur le côté rural mais comme le veut la tradition, il convient toujours d’y être présent. Tous les services institutionnels du monde agricole étaient sur place. L’occasion d’officialiser les signes d’identification de la qualité et de l’origine pour les produits agricoles, agroalimentaires et ceux issus de la mer. Pour mémoire, ces signes ont été validés au travers d’un projet de loi du gouvernement fin juillet qui sera prochainement soumis au Congrès.
S’ils ont été officiellement présentés vendredi à Bourail, ils ne sont pas totalement étrangers aux consommateurs puisque les premiers produits labellisés ont commencé à être distribués sur le marché depuis 2011. C’est le cas des labels Agriculture responsable et Bio Pasifika. Les signes, désormais au nombre de six, seront encadrés par une loi de pays. Elle fixera notamment des sanctions pour les exploitants ou commerçants qui utiliseraient de manière frauduleuse ces signes de qualité. Ce manque de sanctions faisait défaut jusqu’à présent et limitait grandement l’intérêt du respect d’un cahier des charges sans contrepartie, sans parler de l’absence de garantie pour le consommateur. La loi vise donc à donner de la crédibilité à ces signes.

Différents produits, différents prix

Mais la protection des producteurs n’est pas la seule condition nécessaire pour donner du sens à ces labels. Il faut également différencier le produit des autres au niveau de la commercialisation. Une différenciation qui doit passer par les prix, en lien avec la qualité, mais aussi la mise en valeur. Il est encore très fréquent que les produits soient mélangés, sans tenir compte de leur provenance ou de la qualité. Seuls quelques commerces jouent le jeu, comme ceux du groupe Casino-Géant, qui a ouvert un magasin pilote à Port Plaisance. Mais les produits labellisés Agriculture responsable sont également disponibles au marché du Mont-Dore, où une stalle leur est dédiée, chez un primeur de Magenta ou encore au marché broussard.

C’est donc relativement peu alors que l’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de favoriser une consommation locale de qualité afin de la substituer à des produits d’importation. En toile de fond, c’est la question de l’autonomie alimentaire qui se pose. La province Sud travaille activement depuis maintenant près de deux ans sur sa politique agricole dans cette optique. On peut tout de même regretter qu’il n’y ait pas davantage de coordination entre les provinces sur cette question d’intérêt territorial, même si le Sud représente 76 % de la production agricole globale. Un chiffre à remettre dans un contexte où l’agriculture calédonienne parvient à couvrir 15 % des besoins du territoire.

Point positif, en deux années, la production de fruits et légumes « responsables » représente près de 40 % de la production globale (soit 6 500 tonnes pour une quarantaine d’adhérents. Seuls 15 exploitants sont néanmoins certifiés pour un volume de production de 2 000 tonnes de fruits et légumes et 800 tonnes de céréales (*)). Et le réseau Repair, syndicat des producteurs qui gère le label Agriculture responsable et prochainement Agriculture intégrée, s’attend à ce que l’encadrement des signes de qualité crée un appel d’air. Jean-Christophe Niautou, le président du réseau Repair, espère pouvoir plus que doubler ce volume dans les deux prochaines années.

Changement de mentalité

En matière de bio certifié, les volumes sont nettement moins importants. Les 80 producteurs membres de l’association BioCaledonia cultivent entre 1 et 2 %. Mais l’important, comme le souligne Thomas Carlen, le président de l’association, est de donner des garanties aux consommateurs afin de créer une dynamique de conversion ou de reconversion des producteurs. Aujourd’hui, la demande pour les produits bio est largement supérieure à l’offre. Un constat qui est également valable pour l’agriculture raisonnée.

Ces labels sont également l’occasion de mettre en valeur une autre production, celle de l’agriculture familiale, moins visible mais tout aussi importante. Elle représente 10 % de la population agricole (pour 23 % en 1991) et environ 10 milliards de francs de l’économie non marchande. Les labels étant incitatifs, l’idée est de pouvoir éventuellement capter leurs surplus de production.

Au-delà de la simple question stratégique d’approvisionner son propre marché en faisant du volume, c’est la question des prix qui se pose. C’est tout l’objectif de l’Interprofession fruits et légumes qui a vu le jour en début d’année. Elle regroupe l’ensemble des professionnels, de l’exploitant à la grande distribution en passant par la restauration collective, et vise à mettre en cohérence les offres et les demandes. De cette façon, on évite les pénuries comme cela a longtemps été le cas et par la même occasion les flambées de prix. L’Ifel est également l’occasion de travailler sur la différenciation de la qualité des produits. L’industrie de transformation pouvant, par exemple, écouler des produits moins jolis ou normés que la grande distribution. Signe qu’il reste encore du travail, l’Interprofession fruits et légumes est à ce jour, la première et la seule interprofession. La forte augmentation du prix des fruits frais au mois de juillet – de près de 20 % – montre que l’Ifel a encore du pain sur la planche.


Quel retour à la terre ?

Le gouvernement et la province Sud ont affiché récemment leur volonté de tendre vers l’autosuffisance alimentaire, un objectif plus que louable pour lequel les institutions ont mis en place des dispositifs. C’est
notamment le cas du bail rural dont le projet de loi sera prochainement examiné par le Congrès et qui vise en particulier à faciliter l’installation des jeunes agriculteurs. Il reprend les grandes lignes de ce qui existe en métropole à quelques différences notoires. Le dispositif calédonien ne reprend pas l’aspect environnemental introduit en métropole. Mais c’est surtout en matière d’avantages que diffèrent les textes. Le bail calédonien, en plus de ne pas prévoir de taxe foncière pour le propriétaire, exonère complètement les revenus tirés des loyers (100 % sur les neuf premières années et 50 % pour les neuf années suivantes). Pour le locataire, l’exonération est également complète sur les revenus de son activité agricole. Les différents droits d’enregistrement ont également été revus drastiquement à la baisse. Si le dispositif est effectivement incitatif, on peut tout de même s’interroger sur l’opportunité de réinstaurer une taxe foncière. Si le propriétaire foncier est incité, il ne perd rien à ce que sa terre ne soit pas exploitée. La taxe l’encouragerait justement à profiter des avantages du bail rural tout en constituant une ressource non négligeable pour la collectivité en cette période de disette budgétaire.

Mais de manière plus large, cet avantage pose quand même quelques questions, notamment du fait qu’il ne concerne pas les terres coutumières (du moins dans la version du bail rural publiée au Journal officiel de Nouvelle-Calédonie du 7 juillet 2016). C’est également sans compter sur le fait que le fermier sera prioritaire en cas de mise en vente du terrain, y compris face à l’Adraf qui disposait jusque-là d’un droit de préemption. Cette remise en cause du droit de l’Adraf pourrait avoir du sens si la réforme foncière était terminée, ce qui est parfois suggéré du côté de l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier. Reste que l’établissement public géré par l’État dispose encore un stock foncier de l’ordre de 9 000 hectares (dont 80 % relève du stock « dur » ou autrement dit non attribuable à court terme). Si l’on considère la réforme terminée, l’Adraf n’a paradoxalement toujours pas été transférée à la Nouvelle-Calédonie et ses nouvelles missions toujours pas définies.

Il n’existe donc pas vraiment d’aides à mettre en valeur les terres coutumières, en dehors du dispositif Zodep (zone de développement prioritaire). En quatre ans, une seule zone a été délimitée, les projets sont encore dans les cartons et les avantages fiscaux censés être incitatifs n’ont visiblement pas été définis par le Congrès. De la même façon, le Fonds de garantie sur terre coutumière, créé en 2011, ne fait que vivoter, faute de financement par les institutions, en particulier l’État qui n’a pas honoré ses promesses.


Les labels, comment ça marche et à quoi ça sert ?

Pour le consommateur, rien de plus simple. Les signes de qualité sont matérialisés par des autocollants placés sur l’emballage des produits. Ils sont une garantie que les produits respectent bien les cahiers des charges rattachés à chaque signe. Le label Bio Pasifika garantit, par exemple, que les produits ne comportent aucun intrant chimique. Du côté producteur, le gouvernement (via l’Erpa, Établissement de régulation des prix agricoles) sera notamment en charge d’agréer les organismes de certification des exploitants et les organismes de défense et de gestion (groupement de producteurs qui auront la charge de définir les cahiers des charges qui seront également homologués par le gouvernement). La contrepartie de cette garantie sera une meilleure valorisation des produits et donc un meilleur prix de vente. Les producteurs labellisés bénéficieront également de campagnes de communication institutionnelles.