Baccalauréat corrigé localement : Encore des réticences

Dans le cadre de la mise en œuvre du projet éducatif de la Nouvelle-Calédonie voté par le Congrès le 15 janvier dernier, des groupes de travail planchent actuellement sur l’établissement d’une liste d’actions qui devront être présentées fin juin. L’occasion de remettre certains sujets sur le tapis, à l’instar de l’éventuelle correction du baccalauréat en Nouvelle-Calédonie, qui fait toujours polémique…

Correction du bac en local : un consensus se dégage, l’article des Nouvelles calédoniennes révélant l’avancement des discussions au sein de la communauté éducative sur le sujet a fait bondir plus d’un Calédonien.
L’idée n’est pas nouvelle, on le rappelle. Dans le cadre d’un transfert de compétences bien avancé, l’État souhaite se libérer d’une série de contraintes qui coûtent encore beaucoup d’argent. Ainsi l’ancien vice-recteur ne cachait pas sa volonté de réduire les coûts d’organisation des examens en optant pour une correction locale. Et à l’époque, une grande partie des élus étaient plutôt favorables à cette réforme.

Rien d’étonnant, donc, à ce que le sujet revienne à la table des discussions lorsque l’on évoque l’avenir de l’école calédonienne.
Cette fois, certains, l’UGPE en tête, mais également le SNES, mettent en avant les difficultés liées au transfert des copies vers la métropole qui pénalise de deux semaines les révisions post-bac dont bénéficient généralement l’ensemble des bacheliers métropolitains, et même Polynésie. Mais également le fait que pour les enseignants, cette correction est un aboutissement dans les prérogatives de leur métier. La représentante de l’éducation au gouvernement, Hélène Iékawé, semble toujours soutenir ce changement (qui s’est déjà matérialisé pour certains cursus ou matières) même si elle concède qu’il appartiendra aux élus du Congrès de prendre la décision définitive en concertation avec la communauté éducative et l’État.

Priorité aux élèves

Dans ces discussions en revanche, il est important de ne pas occulter qu’une grande partie de la communauté éducative se montre réservée, consciente des problèmes qui se posent : problèmes d’impartialité et de neutralité, d’anonymat, de pressions pour augmenter le taux de réussite, etc. Ainsi, l’UT CFE-CGC, syndicat majoritaire dans l’enseignement, a jugé bon de clarifier sa position dans un courrier adressé au membre du gouvernement en charge de l’enseignement et au vice-recteur. Le syndicat précise que vu la « sensibilité du sujet », il a préféré consulter sa base et que sur 451 adhérents ayant donné leur avis sur la question, 60 % sont défavorables à une correction locale. Sans surprise, l’UT CFE-CGC se positionne donc contre la réforme pour les raisons exposées ci-dessus, citant par ailleurs l’importance d’apporter un « regard extérieur » qui permet de « vérifier que le niveau est bon » et de « pouvoir évaluer dans une certaine mesure la qualité du travail des enseignants ». Le syndicat conclut en indiquant que « les risques d’une correction locale sont avérés et léseront davantage nos futurs bacheliers » et en soulignant surtout que « la correction locale ne doit pas être utilisée pour répondre à des attentes politico-idéologiques de certains […] et se décider que sur les avantages ou les inconvénients pour les élèves et uniquement les élèves ».

Débat

Du côté des élus, on est également encore loin d’être sur la même longueur d’onde. Les Républicains ont ainsi précisé la semaine dernière qu’ils n’avaient jamais donné leur accord et sont étonnés « qu’une telle affirmation puisse être relayée puisqu’à ce stade ni le gouvernement, ni le Congrès n’ont été consultés sur cette problématique ». Ils évoquent d’autres aspects pour lesquels « aucune réponse rassurante n’a été apportée à ce stade », comme celle de la validation nationale du diplôme et de la garantie de certification sur chaque diplôme par une académie nationale « afin que les Calédoniens soient traités de manière équitable lors de leur inscription dans l’enseignement supérieur ». Si tout le monde concède que les enseignants sont à même de faire ce travail localement, faute de garanties et d’un débat général, on voit toujours mal cette réforme faire consensus.

C.M

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Correction du bac : comment ça se passe ?

Selon les matières, les correcteurs peuvent évaluer une centaine de copies chacun, en deux semaines. La correction des copies débute par une réunion au sein des académies qui permet aux enseignants d’échanger les points de vue sur les sujets. Contrairement à ce qu’ils ont l’habitude de faire, ils doivent noter des élèves qu’ils ne connaissent pas, sans rien savoir de l’enseignement qu’ils ont reçu. À cette occasion, ils notent des « copies tests » à bulletin secret pour voir si les appréciations sont similaires. Puis, ils engagent leur correction à domicile, se retrouvent une nouvelle fois avec les autres correcteurs avec un maximum de copies corrigées pour repérer éventuellement d’importants écarts de notes. Ils échangent sur les copies qui posent problème ou celles qui sont extrêmement bien notées, par exemple. Les derniers jours servent à ajuster les notes puis à les saisir sur internet.

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Les lycées français à l’étranger optent pour le numérique

L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) a peut-être trouvé LA solution. Elle a présenté, au Salon de l’éducation en mars, la « correction dématérialisée » du baccalauréat, un système de traitement des copies qui concernera l’ensemble des lycéens français à l’étranger à la session 2016. Concrètement, les élèves écrivent toujours à l’encre sur leurs copies A4, mais à la sortie des épreuves, elles sont aussitôt numérisées et rendues anonymes avant d’être envoyées aux correcteurs via une plate-forme ultra-sécurisée sur laquelle les données sont cryptées. L’enseignant corrige et annote les copies directement sur l’interface, remplit un barème ainsi qu’un encadré pour les appréciations générales. Il peut communiquer avec les autres correcteurs ou les responsables pédagogiques via une messagerie instantanée pour échanger sur une note, par exemple. L’objectif est de réduire les coûts de l’examen de 20 à 80 % selon l’enclavement du centre, a précisé Le Monde, puisque que les correcteurs viennent de l’extérieur. Le dispositif pourrait bien s’étendre à d’autres concours, a fait valoir l’Éducation nationale… Pourquoi pas à nous ?