OPT : les syndicats craignent une « privatisation », la direction dénonce leur « immobilisme »

L’intersyndicale dénonce la gestion de l’établissement public et craint notamment une privatisation des télécoms.

Yoann Lecourieux, président du conseil d’administration, rejette les accusations et fait valoir que le plan stratégique a fait l’unanimité au gouvernement. Une nouvelle mobilisation est prévue le 27 juillet.

La grève du 29 juin était « un avertissement de premier ordre ». Revendiquant 80 % de mobilisation parmi les 1 200 employés de l’OPT, l’intersyndicale a annoncé deux jours plus tard qu’un nouveau préavis serait déposé pour le 27 juillet, date du prochain conseil d’administration.

L’USTKE, la fédération des fonctionnaires et L’Usoenc n’écartent pas quelques avancées, notamment en ce qui concerne le principal outil informatique de l’OPT, Convergence, accusé de peser sur les nerfs des salariés par ses nombreux « dysfonctionnements », malgré un investissement de près de 7 milliards de francs.

« La direction s’est enfin décidée à prendre le taureau par les cornes », reconnaissent les syndicats. Mais à leur sens, le logiciel n’est que le révélateur d’un problème plus vaste, celui du plan stratégique de l’établissement public.

« On a créé une usine à gaz »

« On voulait aller vers la flexibilité, la modernité… Et on a créé une usine à gaz. » Kendjy Togna (USTKE), dénonce « une séparation des métiers qui ouvre une possibilité de privatisation des télécoms ». Les représentants des salariés parlent carrément de « sabotage », notamment dans la branche des services bancaires. « Ils dégradent, et après ils vont privatiser parce que ça ne marche pas », assure Yoan Michelon (Usoenc).

Pour Virginie Barreau (CFE-CGC), « l’ouverture à la concurrence est une illusion sur un petit territoire ». Elle prend l’exemple du marché de l’électricité : « EEC gagne de l’argent, Enercal est sous perfusion ».

« Les télécoms financent nos deux autres métiers (le courrier et la banque, NDLR), qui sont déficitaires. Et ces dernières années, l’OPT a montré que l’on avait besoin d’elle », estime Lionel Woreth (Fédération des fonctionnaires), qui insiste sur les 8,7 milliards reversés au budget de la Nouvelle-Calédonie depuis 2016.

« Me faire ce reproche, à moi…»

Chez Yoann Lecourieux, les soupçons de velléités de privatisation ne passent pas. « Me faire ce reproche, à moi… Je me suis pris 16 procès au sein d’un conseil d’administration qui a fait front pour protéger l’OPT et la Nouvelle-Calédonie des agressions d’une société privée », lance le président de l’établissement public, faisant référence aux actions de la SCCI (Société calédonienne de connectivité internationale), qui conteste le monopole sur les câbles internet sous-marins.

« Il y a des manières plus directes d’aller à la privatisation », ironise-t-il. « Il ne faut pas amener les gens dans la rue par un simple mensonge. »

« Le pire, pour l’OPT, c’est l’immobilisme », estime Yoann Lecourieux, président du conseil d’administration.

Quant au plan stratégique adopté dernièrement, « il a été discuté, travaillé pendant près de deux ans » après consultation de « plus de 50 % des employés », à travers « des ateliers, des enquêtes ». Yoann Lecourieux invoque également l’approbation « à l’unanimité » au gouvernement et en conseil d’administration, qui réunissent « toutes les tendance possibles et imaginables ».

Il associe la position des syndicats à de l’« immobilisme ». « Croire que l’OPT va pouvoir rester comme ça pendant les cinquante prochaines années, c’est un leurre. L’OPT doit se préparer à de nombreuses agressions extérieures. Le monde des télécoms et de l’internet évolue beaucoup. »

Gilles Caprais


La situation « se dégrade »

Le rapport d’activité 2021 de l’OPT, adopté fin juin, indique que l’Office a réalisé un bénéfice de 600 millions de francs (-45 % sur un an), pour un chiffre d’affaires de 22,7 milliards (+0,3 %), le tout dans un contexte économique « difficile ». Mais la situation « se dégrade », en raison du poids croissant des « dépenses difficilement compressibles » : salaires, subventions, intéressement et impôt sur les sociétés. Ce qui impose, estime la direction, la mise en œuvre du plan stratégique.

Gervolino part, de Deckker arrive

Thomas de Deckker, ancien secrétaire général du gouvernement, a remplacé au mois de juin Philippe Gervolino à la direction de l’OPT.