Le nickel au cœur de toutes les inquiétudes

Le secteur de la métallurgie va mal depuis maintenant plusieurs années. Après avoir connu une euphorie, dans les années 2000, le métal a retrouvé un cours normal. Le manque de compétitivité des installations calédoniennes et la situation institutionnelle ont conduit la SLN et Vale NC dans des situations alarmantes. Vale NC a d’ores et déjà placé près de 1 300 salariés en chômage partiel et la SLN redoute le pire si la situation ne se débloque pas d’ici quinze jours.

Le métal du diable n’a jamais aussi bien porté son nom. Depuis maintenant plusieurs mois, la situation de Vale NC est au cœur de très fortes tensions entre Calédoniens. La cession de l’usine du Sud par Vale a progressivement glissé sur le terrain politique, dans le contexte incertain de la fin de l’Accord de Nouméa. Après des blocages et de nombreuses dégradations, la situation s’est un peu apaisée même si rien n’est encore réglé. Le site de l’usine n’est que partiellement accessible par les équipes de Vale NC qui ne peuvent, de fait, reprendre le travail. La fermeture de l’unité de production d’acide a imposé l’arrêt des opérations qui ne pourront reprendre qu’avec la reprise de la mine. Une reprise qui aura un coût important pour l’industriel et pourrait se chiffrer à plusieurs milliards.

Cette situation a imposé la mise en chômage partiel de près de 1 300 salariés de l’entreprise, sans compter les sous-traitants dont l’activité est sérieusement perturbée, voire impossible depuis maintenant plus d’un mois. Si le dispositif prévoit que les indemnités soient versées par l’employeur, elles doivent ensuite être prises en charge par le régime d’assurance- chômage dont les prestations mensuelles hors Vale sont de l’ordre de 240 millions de francs. Rien que pour les 1 300 salariés, la facture pourrait être de l’ordre de 150 millions de francs par mois que la Cafat aura bien du mal à assumer. C’est donc très probablement le gouvernement qui devra mettre la main à la poche pour éviter la cessation de paiement du système de protection sociale, qui est déjà dans une impasse financière. L’assèchement de la trésorerie qui intervient plus tôt chaque année, devrait être criant dès le début de l’année.

Un coût trop lourd pour l’assurance-chômage

Un sujet d’autant plus préoccupant que les perspectives de reprise des activités de l’usine du Sud demeurent plutôt incertaines. Lors de son passage au journal télévisé de NC La 1ère, Sonia Backes, la présidente de la province Sud, a proposé que la participation des Calédoniens au capital de l’usine monte à 51 %. Une proposition qui vise à rassurer la population quant à la présence de la multinationale Trafigura au capital, une entreprise pointée du doigt pour des scandales environnementaux et financiers. L’idée serait que sa participation passe de 20 à 19 %. Pas sûr que le collectif « Usine du Sud = usine pays », qui ne s’est pas exprimé, saisisse cette main tendue. Les discussions sur la composition du capital et les différentes participations n’a toujours pas avancé depuis le retrait du collectif de la table des discussions.

L’État, par la voix du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, a également proposé une « implication plus forte ». Une offre que le ministre a toutefois assorti de deux conditions et en particulier une clause résolutoire prévoyant le retrait de l’État du projet en cas d’indépendance de la Nouvelle- Calédonie. Le landerneau politique calédonien de tous bords est impatient que le ministre détaille cette proposition, qui peut être sujette à interprétation. Les indépendantistes pourraient notamment y voir l’opportunité de récupérer l’outil de production en même temps que l’accession à l’indépendance. Petit détail, l’État n’a pas précisé la manière dont il se désengagerait et rien ne dit qu’il serait prêt à rétrocéder gracieusement ses participations à la Nouvelle-Calédonie.

Si les indépendantistes ne participent plus aux discussions, ils étaient toutefois présents à la table ronde organisée au haut-commissariat, le 12 janvier, sur la question environnementale. Un sujet qui, outre celui du capital, conditionne la reprise des activités de l’usine. Les débats ont notamment porté sur la stabilité du barrage, le projet Lucy, les infiltrations liées aux résidus du barrage dans les cours d’eau et nappes souterraines et leur impact sur la faune et la flore, le risque de liquéfaction des matériaux du sous-sol supportant le barrage, les risques hydrologiques liés à l’exploitation minière, la cohérence et l’amélioration des réseaux de surveillance de l’environnement, le risque écotoxique sur le milieu marin et enfin, les risques sanitaires pour les employés du site. Autant de sujets qui doivent faire l’objet d’études. La Dimenc est chargée de proposer un calendrier et une liste d’experts. Reste à savoir quelle sera ensuite la position du collectif, à savoir s’il accepte une reprise des activités avant le rendu de ces différentes études.

La SLN au bord du gouffre

La situation de la SLN n’est guère plus enviable puisque selon Guillaume Verschaeve, le nouveau directeur, a indiqué, lors d’une conférence de presse organisée le 12 janvier, que l’industriel disposait d’une quinzaine de jours avant de devoir engager une procédure de sauvegarde alors qu’une mandataire ad hoc, Hélène Bourbouloux, a été nommée au mois de septembre afin d’évaluer la capacité de l’entreprise à sortir de l’ornière. Le rapport de la mandataire contenant les pistes d’évolution devrait être présenté prochainement. Comme l’a souligné le directeur, confiant malgré les multiples blocages sur les sites miniers, la SLN a montré qu’elle pouvait être rentable sur les mois de septembre à octobre, notamment grâce à l’atteinte du plein régime d’exportation. Reste qu’un grand nombre de mines sont désormais fortement perturbées, si ce n’est totalement à l’arrêt impliquant l’arrêt d’activité pour un grand nombre de salariés et de sous-traitants. Kouaoua connaît, par ailleurs, une situation particulière suite aux dégradations de la serpentine qui a poussé au chômage partiel 217 salariés venant s’ajouter à ceux de Vale.

Faute de pouvoir débloquer la situation, selon la SLN, la procédure de sauvegarde devra être lancée d’ici quinze jours et pourrait se traduire, in fine, par le dépôt de bilan de l’opérateur historique. En toile de fond, de ces difficultés sur mines qui ne pourront se régler qu’au travers d’accords politiques, s’ajoute la question de la future centrale électrique, un dossier encore incertain et pourtant l’un des piliers du sauvetage de la SLN. En attendant, une mobilisation de soutien à la SLN est prévue, le 14 janvier, à 8 heures, baie de la Moselle.

De son côté, le gouvernement entend soutenir les deux industriels. Lors de la réunion de collégialité, le 12 janvier, le gouvernement a adopté deux avant-projets de loi du pays visant à « permettre le retour de la compétitivité des mineurs et des métallurgistes calédoniens ». Un paradoxe pour deux textes qui visent à créer une redevance à l’extraction (servant à alimenter le futur fonds pour les générations futures) et une taxe sur les exportations minières (qui doit abonder les budgets des communes minières et le budget de répartition). Des prélèvements qui ne répondent pas à proprement parler aux exigences des industriels, mais qui sont la contrepartie de l’autorisation des exportations de minerai des réserves géographiques métallurgiques, autrement dit, du minerai qui peut être transformé uniquement dans les usines calédoniennes de la SLN et de Vale NC, comme le prévoit le Code minier.

Pour faire simple, cette taxe et cette redevance sont une contrepartie politique pour faire accepter les exportations de minerai nécessaires afin de compenser le manque de compétitivité de la SLN et de Vale NC. Un dossier qui devrait rapidement se retrouver sur le bureau du Congrès, mais dont l’adoption reste encore incertaine. En parallèle de ces avant-projets de loi, le gouvernement devait examiner une demande d’autorisation d’exportation de 1,5 million de tonnes de minerai par an par la SLN. Une demande reportée, faute de consensus au sein du gouvernement qui laisse présager de fortes oppositions au sein du Congrès.

M.D.