Vale va quitter la Nouvelle-Calédonie

Après des mois d’atermoiements, la direction de Vale Nouvelle-Calédonie a annoncé devant la presse que l’industriel brésilien souhaitait vendre l’ensemble de ses actifs du Sud calédonien. Un départ qui sera progressif et marqué par une réorientation stratégique. La question d’un plan social reste en suspens, en attendant plus de précisions dans le cadre du comité d’entreprise extraordinaire du 9 décembre et la définition d’un nouveau calendrier prévu pour mars 2020.

Depuis 2005, le géant brésilien a accumulé les difficultés sur son projet d’usine du Sud. Entre les blocages, les fuites d’acide et les soucis industriels, les pertes se sont accumulées de manière vertigineuse. Elles sont de l’ordre de 20 milliards de francs sur six ans. Après avoir été question de mise sous cloche, puis d’un redémarrage autour du projet Lucy finalement reporté, Vale a donc décidé de se séparer de son usine qui lui aura tout de même coûté la bagatelle de neuf milliards de dollars US. Il y a trois ans, Vale avait procédé à une première dévaluation de son usine pour favoriser l’arrivée d’un nouvel actionnaire en remplacement du japonais Sumitomo. Ce dernier souhaitait se désengager du fait que Vale Nouvelle-Calédonie ne parvenait pas à atteindre ses objectifs.

La nouvelle est tombée le 24 novembre dans les milieux d’affaires, Vale a une nouvelle fois procédé à une dépréciation de son actif faisant chuter sa valeur de trois milliards de dollars US à 1,462 milliard. Mais cette fois-ci, l’enjeu n’est plus de trouver un nouvel actionnaire, mais bien un repreneur. Après 14 ans, le Brésilien va donc jeter l’éponge en cédant l’ensemble de ses participations qui représente 95 % du capital, les 5 % restants appartenant aux collectivités calédoniennes via la SPMSC.

Antonin Beurrier, le P-DG de Vale Nouvelle- Calédonie, a toutefois annoncé que le groupe se retirerait progressivement et souhaitait accompagner la transition en proposant en particulier une nouvelle stratégie industrielle. Il a notamment expliqué que le projet Lucy serait réalisé et que le groupe brésilien s’était engagé à le financer. Tout l’enjeu de ce projet est d’augmenter la durée de vie de l’usine. Sans travaux, le site de stockage devait arriver à saturation en 2021, empêchant l’usine de fonctionner. Les contre-performances de l’industriel ont toutefois donné un délai pour l’utilisation du site actuel.

Concernant la stratégie industrielle, l’idée est de produire uniquement du NHC, « nickel hydroxide cake », un produit intermédiaire utilisable pour la production de batteries des véhicules électriques après raffinage. Si l’industriel a décidé d’arrêter la production d’oxyde de nickel et du carbonate de cobalt, c’est essentiellement pour des difficultés techniques qu’il ne parvient pas à résoudre au niveau de la raffinerie pour un produit plus abouti.

Un plan social encore à définir

La conséquence de cette réorientation sera la fermeture de la raffinerie qui transforme le NHC en oxyde de nickel et en carbonate de cobalt. Une fermeture qui ne sera pas sans conséquences sociales puisque l’installation occupe une centaine de personnes sans compter la maintenance. Toute la question est de savoir quelle forme prendra le plan social qui touchera Vale, même si le P-DG se veut plutôt rassurant. La question sera évoquée avec le personnel à l’occasion d’un comité d’entreprise extraordinaire le 9 décembre. Si les salariés en savent plus à l’issue de ce rendez-vous, une chose est sûre, les coupes ne seront pas anodines.

Antonin Beurrier a annoncé devoir faire 12 milliards de francs d’économies pour parvenir à l’équilibre financier. Des économiques qui seront trouvées à 80 % grâce à la fermeture de la raffinerie qui feront baisser le coût de production de 20 %. Les 20 % d’économies restantes seront trouvés sur la masse salariale, ce qui représente un peu moins de 2,5 milliards de francs. Une réorganisation des ressources humaines devrait permettre de faire des économies, mais pour atteindre les 2,5 milliards de francs, l’industriel devra

très probablement tailler dans le vif. Tiraillés, les syndicats apportent leur soutien à cette nouvelle vision tout en soulignant qu’ils seront vigilants sur l’emploi. Une position partagée par la province Sud qui a indiqué qu’elle « sera très exigeante sur les conditions de mise en œuvre des mesures d’accompagnement des salariés et des sous-traitants. »

Un massif théoriquement dédié à l’usine

Mais comme l’a également précisé Antonin Beurrier, cette nouvelle stratégie ne pourra fonctionner qu’avec un complément d’activité. Il est question d’exporter les saprolites, que ne traite pas l’usine du Sud, avec une demande d’autorisation d’exportation de deux millions de tonnes par an. Une demande conséquente qui se heurtera probablement à un problème technique même si la majorité actuelle s’est prononcée à plusieurs reprises en faveur des exportations, en particulier si elles ont vocation à maintenir des emplois, tout comme pour la SLN, il y a quelques semaines.

À l’instar de l’usine de KNS et le massif du Koniambo, le massif de Goro est directement adossé à l’usine du Sud et a été classé à ce titre réserve géographique métallurgique, comme le souligne Ensemble pour la planète. Autrement dit, le minerai ne peut être utilisé que pour alimenter une usine bien particulière et ne peut être exporté. EPLP déplore cette demande d’exportation et rappelle qu’elle dénonce depuis des années que le véritable objectif des industriels dans le Sud est la mainmise sur une réserve de minerai colossale. La fédération d’associations précise également qu’elle attend une décision de la cour administrative d’appel de Paris à propos d’une demande d’annulation du permis d’exploitation minière accordé pour 20 ans par Philippe Michel, l’ancien président de la province Sud.

En tout cas, la situation actuelle est plutôt paradoxale. Ces quinze dernières années, la Nouvelle-Calédonie s’est lancée dans la construction de deux usines, en plus de celle de la SLN, sans compter ses usines off-shore. L’idée était de produire du nickel localement afin de maximiser les retombées pour le territoire. Force est de constater qu’au cours de ces quinze dernières années, les exportations de minerai brut ont explosé et concernent désormais tous les métallurgistes qui ne peuvent s’en passer pour financer le déficit d’exploitation de leurs installations. Devant ce constat, les marges de manœuvre des responsables politiques sont relativement limitées, d’autant que le soutien financier de l’État pourrait être beaucoup plus incertain.

M.D.