Une rentrée (presque) normale

Parmi sa centaine d’écoles publiques, la province Sud en compte une un peu particulière… C’est celle du CHT. Localisée à Magenta, cette école accueille les enfants et adolescents hospitalisés dans les services de pédiatrie pour la dernière rentrée avant le grand déménagement au Médipôle en fin d’année.

L’ école du CHT est située au deuxième étage de l’établissement de Magenta. C’est une grande salle de classe guillerette, très fournie, décorée à profusion de dessins, de collages et de photos, avec son aquarium et son poisson, une salle de classe comme toutes les autres… à quelques détails près.
La pièce, d’abord, est séparée par des bibliothèques en trois sections : maternelle, primaire et secondaire. Elle doit pouvoir accueillir tous les enfants, de 3 à 18 ans.
On y rencontre l’équipe éducative au complet, une équipe féminine, tout sourire : Hélène, la directrice, Patricia, l’aide-maternelle, Sonja, la maîtresse de primaire, Isabelle et Eliana pour le secondaire. Des enseignantes en blouse blanche.

Souplesse

À 8 h 30 tapantes, c’est l’heure du début de la classe mais ici point de cloche ou de sonnerie. C’est Patricia, à l’école du CHT depuis 1985, qui se charge généralement de chercher les enfants. Aujourd’hui, il y a Jonathan, Raimana, Lazare, en primaire… et au total une petite dizaine d’élèves. L’un a la jambe cassée, l’autre vient avec une machine qui fait un peu de bruit, un troisième ne semble pas au mieux mais tous ont l’air plutôt contents. On apprend même que les exercices sont « nets » au CHT.

La classe est obligatoire à l’hôpital aussi, dans la mesure du possible. « On ne les bouscule pas, bien sûr. On ne les réveille pas non plus. Mais on les incite à venir quand ils en sont capables, explique la directrice. Et ils sont généralement ravis. Cela leur permet d’occuper leurs journées, de se rencontrer. » Et il y a des règles également. « On n’arrive pas en pyjama », on « crache son chewing-gum », etc. Mais ici le personnel enseignant se doit de s’adapter à l’univers médical dont il finit toujours « totalement imprégné ». Les professeurs doivent être au fait des maladies, les cours peuvent être entrecoupés par les soins, on prend également en compte la fatigabilité, la prise de médicaments.

« On n’a pas forcément le même rythme, la même cadence ni les mêmes exigences », explique Sonja. On passe davantage par le biais du jeu, de l’envie, on est plus sur de l’individuel. L’approche du métier est effectivement différente : les effectifs ne sont pas les mêmes, il n’y a pas de problèmes de discipline non plus. Les enseignantes sont par ailleurs sur le qui-vive : elles ont tous les jours des élèves qui arrivent, et qui partent. Sans compter les coups durs, « heureusement peu nombreux ».

Garder le lien

Un peu moins de 80 % des enfants sont à l’hôpital pour de courts séjours, de moins de quinze jours. L’école est dans le cas échéant au moins un très bon moyen d’« occuper son esprit », au mieux une solution pour « ne pas perdre le fil » et reprendre sans difficultés au retour. Pour les moyens ou longs séjours, il s’agit parfois de faire en sorte qu’ils ne redoublent pas et même, pour les plus grands, de passer un examen. Le programme peut tout à fait être établi en lien avec les établissements scolaires. Dans tous les cas, la structure permet de « garder un lien avec l’école » et aussi d’échapper à la réalité, à la maladie. D’ailleurs, on ne parle pas trop de la maladie. « Il faut vraiment que ça vienne de l’enfant. Nous, on est vraiment là pour faire l’école, nous dit Hélène. Avant, on faisait tout mais maintenant, il y a davantage de spécialistes, des psychologues, diététiciens, dentistes qui viennent les voir ».

Au final, beaucoup de choses ont changé et vont encore changer dans cette école dont, encore aujourd’hui, peu de personnes ont connaissance « même en milieu scolaire ». Cette école qui avait vu le jour dans la salle à manger du service au début des années quatre-vingts.

Déménagement

Actuellement, les professeurs reçoivent chaque matin une liste des enfants hospitalisés et sillonnent différents établissements de Nouméa pour leur faire la classe et ne pas les priver de cette chance, de ce droit que la maladie ne saurait effacer.

Une partie de l’équipe part au CHT Gaston- Bourret pour faire classe « au chevet » et il faut aussi s’occuper du Casado, le centre d’accueil et de soins pour adolescents, et du CCSR, le centre de réadaptation déjà installé à Koutio. On prépare aussi les cartables pour les petits qui sont évasanés. En fin d’année, l’école du CHT connaîtra sa plus grande révolution : une rentrée au Médipôle. Malgré « le tri du siècle » qui attend les professeurs et le pincement au cœur de quitter cette classe qui a vu passer tant d’enfants, l’envie de continuer reste intacte.

Texte et photos : C.M.