Un Président, des symboles et des questionnements

Le président de la République arrive ce jeudi à 16 heures à La Tontouta. Parmi les temps forts de sa visite de trois jours en Nouvelle-Calédonie, des commémorations à Ouvéa, une restitution symbolique de l’acte de possession de la Nouvelle-Calédonie au centre culturel Tjibaou, et un discours au Théâtre de l’Île.

Quatre ans après son prédécesseur, François Hollande, quelques mois après son Premier ministre, Édouard Philippe, Emmanuel Macron va fouler à son tour le sol calédonien. À l’approche de l’organisation du référendum, qui dessinera notre avenir, et dans un contexte mémoriel également très fort en ce début de mois de mai, cette visite aura évidemment une teneur bien particulière. Et plus que jamais, on l’imagine, elle aura été pensée dans ses moindres détails.

Le programme

Ce jeudi à 17 heures, après un rapide point presse à La Tontouta, Emmanuel Macron, venu avec le ministre des Affaires étrangères, Jean- Yves Le Drian, Annick Girardin, ministre des Outre-Mer, et Sébastien Lecornu, secrétaire d’État à la Transition écologique, ainsi qu’une soixantaine de journalistes, fera sa première apparition place Bir Hakeim pour une traditionnelle cérémonie républicaine de dépôt de gerbe, devant les autorités du territoire et de l’État.

Il se rendra ensuite au Sénat, à 18 heures, pour une cérémonie coutumière, répondant ainsi aux réclamations de ses représentants qui s’étonnaient, il y a deux semaines, que cette étape ne soit pas prévue dans le programme. Ils avaient demandé aussi un « pardon » pour le peuple kanak et la reconnaissance de la colonisation comme crime contre l’humanité… À voir si le président les a entendus.

La soirée sera ponctuée par une cérémonie d’élévation à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur pour Jean Lèques, le premier Calédonien à recevoir cette distinction, puis par un dîner au haut-commissariat avec les responsables politiques.

Le lendemain, vendredi 4 mai, le Président sera en province Nord en matinée, à l’hôtel de province, puis au lycée Michel-Rocard de Pouembout pour une visite de l’établissement et une rencontre avec la jeunesse. Il reviendra à Nouméa dans l’après-midi, précisément au quartier Pierre-Lenquette afin d’évoquer le dispositif de police de sécurité du quotidien, en expérimentation localement.

Emmanuel Macron devait s’exprimer le soir devant les 26 membres de la CPS sur le changement climatique et la coopération régionale mais aux dernières nouvelles il n’y « passera pas » selon le haut-commissariat et laissera donc le ministre de l’Interieur présider le rendez-vous.

Samedi, le 5 mai, Emmanuel Macron ira à Ouvéa. Une première pour un président de la République depuis 30 ans et le drame de la grotte de Gossanah. Sur l’île, le chef de l’État doit rendre hommage aux gendarmes tués à Fayaoué, le 22 avril 1988, se recueillir à Wadrilla sur la tombe des 19 militants kanak abattus le 5 mai, puis sur le lieu de l’assassinat de Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné-Yeiwéné, en 1989. L’idée même de cette visite, 30 ans jour pour jour, après l’assaut de la grotte, continue de susciter une vive polémique à Iaaï. Le collectif de Gossanah notamment refuse toujours sa présence qu’il juge comme une « provocation ». Pour l’instant le Président a maintenu cette étape où il ne doit néammoins pas faire de discours ni se rendre à Gossanah.

À 16 heures, il sera de retour sur la Grande Terre, au centre culturel Tjibaou, pour une autre cérémonie coutumière. C’est ici qu’Emmanuel Macron rendra au gouvernement collégial, l’acte de possession par la France de la Nouvelle- Calédonie, signé le 24 septembre 1853 par le contre-amiral Febvrier-Despointes au nom de Napoléon III. Ce « geste » est censé reléguer au passé les « actes unilatéraux » et marquer symboliquement l’ouverture d’une nouvelle période pour la Nouvelle-Calédonie et entre la France et la Nouvelle-Calédonie. Un acte qui cependant n’a pas manqué d’interpeller les défenseurs de la Calédonie dans la France (lire ci-dessous). Le document était gardé aux Archives nationales d’outre-mer, à Aix-en- Provence, et sera désormais aux Archives de Nouville.

Le chef de l’État prononcera enfin, samedi soir, son discours principal au Théâtre de l’Île, un lieu inédit pour ce genre d’exercice.

Entre les lignes

Le programme d’Emmanuel Macron semble révélateur d’une volonté appuyée de considérer, d’échanger, de marquer le moment avec le peuple kanak, à un tournant charnière de son histoire, au Sénat, dans le Nord et au centre culturel Tjibaou. Avec un questionnement en revanche sur le passage à Ouvéa, toujours mal vu par une partie de la population.

Par ailleurs, seule la séquence au Théatre de l’Île pourrait contenir un hommage à tous ceux qui ont contribué à la construction de la Nouvelle- Calédonie, ce que réclament maintenant nombre de loyalistes ayant pris connaissance du programme. Et d’où l’opportunité, estiment-ils de la marche « bleu-blanc-rouge » de vendredi pour montrer au Président l’attachement inébranlable de Calédoniens à la France.

Selon l’entourage d’Emmanuel Macron il ne sera pas question, en tout cas, comme pour Édouard Philippe, d’exprimer quelle que préférence que ce soit pour le référendum, mais de rappeler que l’État est totalement investi dans la préparation du scrutin, qu’il est garant du bon déroulement du processus et que c’est aux Calédoniens maintenant de choisir leur destin. Le reste sera précisément dans le vécu, les échanges et les discours.

C.M.


Geste « inopportun » et « programme déséquilibré »

Les Républicains calédoniens considèrent que le projet de remise de l’acte de prise de possession à la Nouvelle-Calédonie est « une initiative inopportune à la veille du référendum », ont-ils écrit dans un communiqué. Cette séquence s’inscrit de plus selon eux « dans un programme présidentiel déséquilibré en défaveur de ceux qui veulent rester français ».

Les Républicains calédoniens attendent que le président de la République puisse « également faire un geste pour tous les Calédoniens attachés au maintien dans la France ». C’est aussi pour faire entendre cette « majorité silencieuse » et montrer « la réalité de la volonté de l’immense majorité des Calédoniens à rester dans la France » qu’ils appellent à la marche de vendredi.

Sonia Backes, responsable du groupe, a ajouté sur les réseaux sociaux que cette événement permettrait de donner une voix aux 30 000 personnes qui ne pourront pas voter le 4 novembre, de montrer aussi que ce sont toutes les couleurs vivant ensemble en Nouvelle- Calédonie qui se retrouvent sous le drapeau bleu blanc rouge. Enfin étant donné le « risque que des engagements soient pris avant le référendum » qui auraient « de lourdes conséquences sur l’après, même si le « non » l’emporte » (maintien sur la liste des pays à décoloniser, transfert des compétences de l’article 27, engagement de maintenir un corps électoral fermé, etc)… Cette manifestation constituera « un signal fort pour que cette marche forcée vers la souveraineté s’arrête ». Le rendez-vous est donné on le rappelle, ce vendredi 4 mai à 11h30, sur le parking de Port Moselle.