Un plan Alzheimer pour la Nouvelle-Calédonie

Six thèmes, 29 propositions, l’association France Alzheimer Nouvelle-Calédonie à rédigé un livre blanc, le premier. Il vient d’être présenté et remis aux pouvoirs publics à l’occasion des 15 ans de l’association.

La maladie d’Alzheimer est une dégénérescence neurologique incurable liée au vieillissement qui affecte les capacités cognitives dont la mémoire. Avec plus de 8 660 personnes concernées sur le territoire (aidants familiaux et professionnels) dont 2 000 malades et environ 250 nouveaux cas diagnostiqués par an, cette maladie est devenue une priorité pour une politique de santé intégrée à l’échelon local. « Au-delà des chiffres alarmants, cette maladie et les maladies apparentées sont au centre de nombreuses problématiques sociétales comme la place des malades dans la société ou au sein de la structure familiale, la place des malades à l’hôpital, le rôle des aidants familiaux et de proximité, les difficultés économiques, les problèmes de retraite, etc. Or à ce jour aucun plan de lutte n’existait sur le territoire », explique Caroline Coutel, gériatre et conseillère bénévole à France Alzheimer Nouvelle-Calédonie.

Profitant des 15 ans de l’association France Alzheimer Nouvelle-Calédonie et de la présence sur le territoire de Joël Jouen, le président de l’Union nationale de France Alzheimer (voir encadré), l’association locale a rédigé un livre banc de 50 pages, 29 propositions regroupées en six thèmes et avec pour objectif de répondre aux besoins des personnes malades et des familles, « des besoins qui sont très loin d’être couverts. Seul un investissement fort du gouvernement, mais également de l’ensemble des autorités publiques et privées dans la mise en œuvre d’une vraie politique de santé publique autour de la maladie d’Alzheimer pourra apporter des réponses adaptées par l’élaboration de la mise en place de mesures stables et pérennes », précise le médecin.

Regard, accompagnement et soins

Sans rentrer dans le détail, le livre blanc Alzheimer fait avant tout des propositions sur la sensibilisation de la population à la maladie. Ne pas en avoir peur et savoir exactement ce qu’elle est (voir encadré). L’association demande à ce que le regard soit donc plus juste sur les malades, que la société soit plus inclusive en offrant un cadre adapté (travail, vie quotidienne, loisirs…) ou que leurs droits juridiques soit reconnus et adaptés. Il faut que la maladie soit mieux diagnostiquée et plus tôt, en respectant les règles d’éthique. « Il faut aussi communiquer sur l’importance de ce diagnostic et faciliter l’accès des patients aux bilans, adapter le parcours de soins et développer des unités de soins. Le nombre de lits d’hébergement temporaire ou de lits de répit est passé de un pour 2 000 patients », ajoute Caroline Coutel.

Soutenir, combattre et alléger les coûts

Le livre blanc fait de nombreuses propositions également sur le soutien du malade avec une demande de renfort de la formation des professionnels, des aidants, des encadrants pour renforcer leurs interventions. Il avance une réflexion sur les structures d’accueil, « largement insuffisantes, soit moins de 17 lits pour 1 000 personnes de 65 ans et plus », précise le médecin. De la prise en charge aux approches non médicamenteuses, en passant par l’alimentation, la sociabilité, l’accompagnement à la fin de vie, la mise en valeur et le statut des aidants ou encore l’allègement du coût de la maladie, toutes ces questions sont traitées et accompagnées de pistes concrètes.

En conclusion, le président de l’association France Alzheimer Nouvelle-Calédonie, Pierre Déméné, demande « que le défi du vieillissement cognitif soit relevé. Le pays ne s’est pas doté de dispositifs de prise en charge en quantité et qualité suffisantes. D’importants efforts sont donc à mener. Relevons ce défi, car bien vieillir n’est pas un luxe ! »


Trois questions à Joël Jaouen, président de l’Union nationale de France Alzheimer.

Votre présence en Nouvelle-Calédonie coïncide avec la remise d’un livre blanc. Était-ce voulu ?

Effectivement, ce livre blanc est un défi que j’ai lancé à l’association France Alzheimer Nouvelle-Calédonie en indiquant que je viendrai pour ses 15 ans si ses membres proposent quelque chose de concret, un véritable support de travail à la société. En France, nous avons le bénéfice de posséder les plans Alzheimer depuis 2008 qui ont transformé la vie de nos malades et leurs familles dans beaucoup de domaines, mais ici, il n’y avait aucun écrit, aucun plan. Ce nouveau et premier livre blanc de France Alzheimer Nouvelle-Calédonie est donc un véritable tournant, c’est la toute première feuille de route que les pouvoirs publics et les partenaires vont pouvoir s’approprier pour avancer, à leur tour et en réponse, des propositions.

Vous avez rencontré les élus et les partenaires locaux à ce propos. Quel est votre premier ressenti sur la réception de ce livre blanc ?

Le député Philippe Dunoyer a déclaré à juste titre « il y a dorénavant un avant et un après livre blanc ». Toutes les rencontres que j’ai eues en rapport avec la présentation de ce livre blanc me rendent optimiste. Il fallait ce support pour engager réellement des axes de travail. Maintenant, il faut répondre aux propositions émises. La balle est dans le camp de tous ces partenaires, du public comme du privé pour que les choses avancent. J’espère en tout cas que la présence de notre délégation pour accompagner ce livre blanc lui donne encore plus de crédibilité.

Est-ce que la maladie est perçue différemment ici qu’en Métropole ?

Si la maladie est la même partout dans le monde, l’accompagnement est différent selon la partie du globe où l’on se trouve. Et compte tenu de sa spécificité d’indépendance en matière de politique de santé publique et sociale, la Nouvelle- Calédonie a ses spécificités. C’est ce que je viens de découvrir et que j’avais besoin de ressentir. C’est ici plus difficile de mener une véritable politique de santé et pour nous, association, de faire bouger les choses. C’est pour cela que je suis heureux aujourd’hui d’avoir proposé avec l’association locale ce livre blanc. Une association que, je crois, nous allons encore plus accompagner compte tenu justement des spécificités locales en matière de santé.


L’Alzheimer, une maladie qui fait si peur

L’Alzheimer arrive en deuxième position des maladies qui font le plus peur aux Français (20 %), derrière le cancer (38 %) et à égalité avec l’accident vasculaire cérébral (AVC). 49 % des Français connaissent au moins une personne atteinte et 66 % ont peur d’être un jour eux-mêmes touchés par cette maladie neurodégénérative, selon un sondage Ipsos réalisé du 23 au 25 juin auprès de 1 058 personnes pour La Croix, Notre Temps et la Fondation pour la recherche sur Alzheimer. 5 % des personnes interrogées estiment être mal informées sur cette maladie en général, 61 % sur ses symptômes et 66 % sur les professionnels de santé à consulter en cas de suspicion de la maladie.

C.Sch