Suicide chez les jeunes : des chiffres toujours aussi alarmants

À l’occasion de la Journée mondiale du suicide, le 10 septembre, la province Sud a organisé la veille une journée de sensibilisation à l’île des Pins. L’occasion de faire un point sur la situation en Nouvelle-Calédonie où 30 décès par suicide en moyenne chaque année sont enregistrés, les jeunes étant les principaux touchés.

Périodiquement, des opérations de sensibilisation au suicide sont organisées dans les établissements scolaires du territoire et rappellent que ce fléau représente la deuxième cause de mortalité chez les jeunes, après les accidents de la route. Mais cette année, un accent particulier a été mis sur l’île des Pins. Un décès par suicide ayant marqué la population de l’île il y a quelque temps, l’Upass (Unité provinciale de l’action sanitaire et sociale) de Vao et l’Association des femmes de Kunié ont donc décidé d’organiser samedi dernier une journée dédiée. Les échanges, débats, conférences et ateliers, qui ont marqué l’événement, ont permis de faire un point sur la situation du suicide en Calédonie.

Des chiffres inquiétants

Chaque année, on compte en moyenne une trentaine de décès par suicide sur le territoire. 2013 ayant été plus marquée avec 43 décès constatés. Les chiffres ne varient pratiquement plus d’une année sur l’autre, « les hommes de la tranche 25-44 ans étant les principaux touchés », selon Benjamin Goodfellow, psychiatre au CHT et auteur d’une étude sur le suicide en Calédonie pour le compte de l’OMS dont les conclusions seront formulées en 2018. Le médecin précise : « qu’il faut surtout voir que la Calédonie est plus touchée qu’ailleurs par ce fléau ». Les données mondiales précisent qu’au-dessus de treize suicides pour 100 000 habitants chaque année, on fait partie des pays les plus touchés du globe. Pour le territoire, ce chiffre atteignait déjà les 13,6 entre 1991 et 2011.

Une situation que connaissent beaucoup de pays insulaires de la région et que confirme l’Organisation mondiale de la santé dans son Baromètre santé sur le Pacifique avec cette phrase : « Les peuples autochtones sont plus touchés que les autres par des problèmes de santé mentale et de suicide. » Pourquoi ? Les études menées dans le Pacifique depuis de nombreuses années ont démontré que dans des pays où une transformation sociale s’opère à grande vitesse, les populations sont plus vulnérables au suicide.

Un fossé générationnel trop important et une transformation sociale à grande vitesse accentuant considérablement les risques de suicide chez la jeunesse. Selon les psychiatres, avec des communes en pleine mutation, pourvoyeuses de marginalisation ou de questionnements identitaires, elles cumulent un ensemble de facteurs favorables au suicide. On le voit avec une commune comme Païta où le nombre de décès par suicide est élevé, soit une trentaine pour 20 000 habitants en dix ans.

Envisager de « passer à l’acte »

Si le nombre de décès par suicide semble stable d’une année sur l’autre, le dernier Baromètre santé sur les jeunes a relevé des chiffres qui confirment un certain mal-être. Sur l’ensemble des 10-18 ans, 15 % déclarent avoir sérieusement envisagé de se suicider au cours des douze derniers mois. On observe une proportion comparable entre les provinces (14 % en province des Îles, 12 % en province Nord et 15 % en province Sud.) Les filles sont bien plus nombreuses (22 %) que les garçons (8 %). Dans le détail des âges, les 16-18 ans sont plus nombreux (entre 12 % et 23 %) que les 10-15 ans (13 %) à avoir songé au suicide. Des taux bien supérieurs à la Métropole avec 3 % en 2010 sur les deux tranches d’âge concernées.

À cela s’ajoute une donnée de l’enquête en cours de Benjamin Goodfellow. Le psychiatre du CHT avance que « des jeunes âgés entre 19 et 26 ans déclarent être passés à l’acte au moins une fois dans leur vie. »

C.Sch