SLN : la future centrale électrique sur les rails

Le dossier de la future centrale électrique visant à remplacer celle au fioul lourd de Doniambo avance. Contrairement au projet initial de l’industriel, cette unité de production fonctionnera au gaz. Une ressource non renouvelable, mais moins polluante que le charbon. La loi du pays permettant le financement de l’opération a été examinée par le gouvernement.

Les atermoiements de la SLN pour remplacer la centrale au fioul lourd de Doniambo auront eu de multiples conséquences. La première relève de la santé publique. Cela fait maintenant des années que, de mois en mois, la province Sud doit accorder des autorisations d’exploiter dérogatoires à cette centrale qui, combinée avec le trafic routier, rend littéralement malades les populations soumises aux émissions de gaz et de particules fines, comme l’a montré une étude épidémiologique, commandée par le gouvernement, et dont les résultats ont été présentés en 2016.

La deuxième conséquence aura été la reprise en main du dossier par les collectivités. On regrettera au passage le fait que l’industriel n’ait pas assumé ses responsabilités au moment où il aurait dû et surtout quand il en avait les moyens. Pour rappel, en 2012 et 2013, près de 108 milliards de francs ont été siphonnés de la SLN et distribués en dividendes, avec la bénédiction du représentant de la Nouvelle- Calédonie, nommé au conseil d’administration d’Eramet.

Un enjeu de santé publique

Entre-temps, le Congrès a adopté le schéma pour la transition énergétique en juin 2016 et la COP21 est passée par là. Dès lors, il était politiquement plus difficile de faire admettre la construction d’une centrale à charbon pratiquement dans le centre-ville de Nouméa. La centrale est d’ailleurs au cœur des objectifs fixés par le schéma en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. La production de dioxyde de carbone devrait chuter de 54 % avec cette nouvelle unité de production électrique (440 000 tonnes contre 950 000 tonnes par an). Les gaz, à l’origine des problèmes de santé, seront eux aussi en forte baisse. Les émissions de soufre disparaîtront complètement. L’émission d’oxyde d’azote, plus connu sous le nom de NOX, sera divisée par 14, de même que celle des poussières. Une révolution pour les poumons des Nouméens, même si la pollution atmosphérique tient également pour une bonne part au trafic routier.

Les conséquences seront par ailleurs déterminantes pour la SLN qui court après la réduction de ses coûts. Après avoir réussi à atteindre son objectif de 4,5 dollars pour une livre de nickel, la nouvelle présidente- directrice générale d’Eramet, Christel Bories, a récemment souligné la nécessité d’aller plus loin en ramenant le coût de production à 4 dollars la livre de nickel. L’énergie, poste de dépense prépondérant, est intimement liée aux performances de l’entreprise. Avec cette nouvelle centrale, les économies ne sont pas anodines. Sans autre effort, l’outil permettra à la SLN d’atteindre les 4,2 dollars la livre.

Contrairement à la centrale de Doniambo, la future centrale sera portée par la collectivité via Nouvelle-Calédonie Energie (NCE), une filiale d’Enercal. Un établissement public administratif a également été créé, l’Agence calédonienne de l’énergie (ACE). Son rôle, outre la promotion de l’utilisation rationnelle de l’énergie et l’accélération du développement des énergies renouvelables, sera de porter les capitaux publics permettant le financement de la centrale. L’ACE sera l’actionnaire majoritaire de NCE. La SLN sera aussi présente au capital de Nouvelle-Calédonie énergie qui sera le maître d’ouvrage pour le développement du projet et la construction.

La présidence de NCE pose toutefois quelques questions et notamment celle de savoir si Philippe Gomès peut en occuper la fonction. Il semblerait que non, comme le souligne notre confrère du Chien bleu dans sa dernière édition. Selon le Code électoral, un parlementaire ne peut exercer certaines fonctions, comme celle de président, au sein de structures jouissant d’avantages assurés par l’État ou une collectivité publique. Mais à voir les chiffres, on comprend mieux la détermination à conserver la main sur NCE.

LE grand projet des années à venir

En termes financiers, la centrale représente un investissement global de près de 70 milliards de francs et chaque année, ce sont près de dix milliards de francs de fonctionnement que la société aura à gérer. NCE aura recours à un emprunt de 47 milliards de francs qui sera garanti par l’État, évitant ainsi à la Nouvelle- Calédonie de s’endetter plus qu’elle ne l’est aujourd’hui. L’État apportera une contribution de 13 milliards de francs au travers du dispositif de défiscalisation et des aides pour la phase d’étude prévues dans les contrats de développement à hauteur de 646 millions de francs. Les actionnaires apporteront, enfin, en fonds propres, environ 11 milliards de francs dont six seront mis sur la table par l’Agence calédonienne de l’énergie qui a vocation à récupérer une partie de la fiscalité sur les produits pétroliers.

Cette centrale aura de multiples conséquences à commencer par l’important chantier qu’il représente, au niveau de la centrale et des équipements de stockage du gaz. Selon Nicolas Metzdorf, le porte-parole du gouvernement, ces installations pourraient même permettre de développer de nouvelle activité, comme la création de data centers ou d’entrepôts frigorifiques qui pourraient bénéficier du froid produit par la regazéification ou le transport en commun au gaz.

Une déclaration néanmoins peu en phase avec les décisions prises dans le cadre du projet Néobus, qui ont justement écarté le gaz pour des questions de coût et de maintenance au profit du diesel. Le gouvernement est pourtant partenaire de ce projet de transport en commun. Toujours selon le gouvernement, l’emploi du gaz et la meilleure productivité de la future centrale devraient permettre une réduction du prix de l’électricité pour les particuliers et pas seulement l’industriel. On est toutefois encore loin de la concrétisation. Le projet de loi vient tout juste d’être envoyé au Conseil d’État. La fin du chantier est prévue, quant à elle, à l’horizon 2023.

M.D.