Simon Loueckhote : «La France, c’est aussi un choix de cœur»

Ancien sénateur, ancien président du Congrès, figure politique emblématique du territoire et des îles, Simon Loueckhote est un Kanak anti-indépendantiste de la première heure. Toujours fidèle à Jacques Lafleur, celui pour qui « la France est une chance » nous explique ce qu’il ressent à l’approche du référendum.

DNC : Signataire de l’Accord de Nouméa pour le RPCR le 5 mai 1998, quel est votre sentiment sur tout le chemin parcouru ?

Simon Loueckhote : Je ne peux dissocier les accords Matignon-Oudinot et l’Accord de Nouméa. Les premiers ont été négociés et signés en 1988 par Jacques Lafleur, Jean-Marie Tjibaou et Michel Rocard, Premier ministre, au lendemain des douloureux événements qui ont ensanglanté mon île, Ouvéa, endeuillé la Nouvelle-Calédonie, tendu les relations entre la France, les pays de la région Paci que et l’ensemble de la communauté internationale. C’est à cette occasion, conscients qu’un basculement vers une probable guerre civile guettait la Nouvelle-Calédonie, que Jacques La eur et Jean-Marie Tjibaou, emportés par Michel Rocard, ont jeté les bases d’un accord de paix. Rappelons qu’il créa dans le monde un tel écho que de la Russie à l’Afrique du Sud, on salua le courage et le sens du devoir de ces hommes.

Les accords de Matignon définiront les bases du rééquilibrage par le partage, la reconnaissance et la place des différentes communautés composant la société calédonienne.

Si Jacques Lafleur reconnaissait et admettait la nécessité de partager le pouvoir avec les indépendantistes et le besoin de former les Kanak pour qu’ils accèdent à des responsabilités dans les administrations publiques et les entreprises privées, Jean-Marie Tjibaou acceptait, quant à lui, de reconnaître que la Nouvelle-Calédonie s’est aussi faite avec des histoires partagées et parfois douloureuses. Michel Rocard, au nom de la France, s’engageait à accompagner les deux hommes et la Nouvelle-Calédonie vers une nouvelle destinée sur 10 ans.

Le 5 mai 1998, l’Accord de Nouméa fut proposé et accepté par les Calédoniens. Il prévoit de continuer le bout de chemin commencé en 1988 sur 20 ans de plus.

Riche de son contenu et son préambule, il arrive à son terme.
Acteur de sa mise en œuvre comme de celle des accords de Matignon-Oudinot, je ne peux que me réjouir de l’évolution de la Nouvelle- Calédonie. Les Kanak ont gagné en respect, les différentes autres communautés sont désormais reconnues et ont toute leur place dans la société calédonienne en construction. Les Calédoniens, et les Kanak en particulier grâce à des programmes de formation, occupent de plus en plus des postes à responsabilité. La Nouvelle-Calédonie est regardée par la communauté régionale comme une partie intégrante d’elle. Un coup d’œil dans le rétroviseur me permet de mesurer la longue et sinueuse route de 30 ans, jalonnée d’embûches, de gués, mais aussi de belles réussites et de succès.

Le 4 novembre prochain, c’est le cœur léger comme chaque dimanche, jour du Seigneur, que je vais honorer mon devoir de citoyen.

Campagne référendaire oblige, beaucoup de loyalistes s’approprient facilement les paroles, les idées, la philosophie de Jacques Lafleur. Qu’en pensez-vous et qui, selon vous, est le plus à même de poursuivre le chemin qu’il a tracé ?

Ce racolage est plutôt rigolo, n’est-ce pas ? C’est bien connu, c’est toujours quand nous ne sommes plus de ce monde que l’on devient un héros, un grand, que l’on a eu de bonnes idées, que l’on a dit des choses vraies, que l’on a été avant-gardiste, bref, que l’on a eu raison. Je rappellerai que tous ceux qui se revendiquent aujourd’hui de Jacques La eur et qui utilisent honteusement son image et ses déclarations, ils l’ont abandonné et trahi.

Je suis le seul qui l’ait accompagné depuis sa sortie, en 2005, du RPCR, le parti qu’il a fondé en 1977 jusqu’à très récemment. Mais les Calédoniens ne sont pas dupes de ces manœuvres purement électoralistes et d’opportunité. Alors il n’est jamais trop tard pour reconnaître les qualités de quelqu’un et de lui rendre hommage.

Isabelle Lafleur, sa fille, présidente d’honneur des Républicains calédoniens, donne à ce mouvement présidée par Sonia Backes, et dont je suis l’un des vice-présidents, toute sa légitimité et sa représentativité pour reprendre ses idées.

Riche du passé, conscient du présent et ouvert sur l’avenir, qu’avez-vous à dire aux Calédoniens pour dimanche ?

Je leur rappellerai que le vote du 4 novembre est unique pour la Nouvelle-Calédonie, que ce rendez-vous est historique. C’est la première fois dans notre histoire récente que nous allons nous prononcer sur notre avenir. Notre participation franche et massive donnera encore plus de tonalité à notre choix. Et l’ampleur de notre participation et ce choix empêchera l’histoire de bégayer une nouvelle fois.

Les Calédoniens doivent donc se mobiliser et affirmer haut et fort leur volonté et je les appelle à voter « non » et à rejeter l’accession à la pleine souveraineté, c’est-à-dire l’indépendance.

Je ne choisis pas la France seulement pour ses transferts financiers : la France, c’est aussi un choix de cœur. La France, c’est le pays des droits de l’homme, pays des Lumières, de Molière et des lettres, moteur de l’Europe, puissance économique et militaire dans le monde.

La France est demandée et voulue partout dans le monde et tout le monde aimerait s’appeler « France ».
Elle nous protégera contre toutes les formes d’agression d’où qu’elles viennent et quelque soient leur ampleur et leur provenance.

Elle nous garantira nos droits les plus élémentaires, le droit à l’information, le droit de se former, le droit à un minimum social. Elle nous garantira nos libertés, la liberté d’aller où on veut, de voyager, de penser, d’écrire, d’informer et de se former. Dimanche, allons voter«non»!

C.S